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2. Cadre théorique

2.2 La dynamique identitaire

Dans ce sous-chapitre, nous allons approfondir la relation entre les buts identitaires et l’engagement en formation ou plus précisément le sens que prend pour une personne la formation dans sa dynamique identitaire. Nous développerons, tout d’abord, la théorie d’Higgins (2000) qui est, dans ce travail, présentée par Barbier, Bourgeois, De Villier, Kaddouri (2006c), concernant les différentes images de soi, l’origine des tensions identitaires et les modes de régulation. Nous présenterons, ensuite, la typologie des dynamiques identitaires de Kaddouri (2006).

Selon Barbier et Bourgeois (2006c), un individu se définit par ce qu’il est (son histoire, ses origines) mais également par les relations qu’il entretient. En interaction avec son environnement, il va constituer sa personne, son identité, qui sera soumise à de multiples changements et perturbations que le sujet tentera de rétablir.

Le psychologue Pierre Tap, définit l’identité personnelle comme « un système de sentiments, de représentations de soi, c'est-à-dire l’ensemble des caractéristiques psychologiques, morales, juridiques, sociales et culturelles à partir desquelles la personne peut se définir, se représenter, se connaître et se faire connaître, ou à partir desquelles autrui peut la définir, la situer ou la reconnaître » (1997, p.187). L’intégration a des groupes et les relations interpersonnelles participent à la définition identitaire de l’individu qui s’élabore à travers

12 les interactions sociales avec son environnement. En ce sens, l’identité est changeante et soumise à des perturbations déstabilisant la personne qui recherche un sentiment de continuité et d’unité. Elle cherche en effet à se définir en tant que sujet singulier mais également en tant que sujet social, son identité est donc multiple, à la fois personnelle et sociale. L’identité est une représentation de soi, se (re)construisant à travers les interactions sociales et composée d’une attache avec le contexte socioculturel.

2.2.1 Image de soi, tensions et régulation

Dans la théorie d’Higgins (2000) présentée par Bourgeois (2006c), nous pouvons distinguer plusieurs types d’images de soi. Celles qui se réfèrent au sujet lui-même, à l’image qu’il a de lui ou à celle qu’il aimerait avoir. Celles découlant de son interaction avec un autrui significatif et donc à l’image qu’il pense que cet autre a de lui ou l’image qu’il aimerait que cet autre ait de lui. Bourgeois, en se référent à Higgins (2000), définit deux axes résumant ces différentes images de soi. Sur un axe, nous retrouvons les domaines du soi d’un individu qui peuvent être de trois types :

 Soi actuel

 Soi Idéal

 Soi normatif

Ces différentes images de soi peuvent être vues selon le point de vue de soi-même ou de l’autre significatif (deuxième axe).

Domaine du soi

Point de vue du soi

Tableau 1 : images de soi inspiré de Bourgeois (2006c) Soi vu par soi

Soi idéal ou normatif

Soi vu par autrui

Soi actuel

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Tableau 2 : les représentations de soi selon Bourgeois (2006c)

Nous arrivons à six différentes représentations de soi. La première colonne représente ce que les auteurs nomment les instances du soi (soi actuel, autrui actuel), les deux autres colonnes concernent les agents identitaires (soi idéal, autrui idéal, soi normatif, autrui normatif) (Bourgeois, 2006c). Le tableau ci-dessous synthétise ces aspects théoriques.

Actuel Idéal Normatif

Tableau 3 : les instances du soi et les agents identitaires de soi selon Bourgeois (2006c)

14 Ces multiples représentations de soi, ou images de soi, peuvent se modifier dans le temps et rencontrer des divergences entre elles en fonction des périodes de l’histoire de vie du sujet.

Comme nous l’avons vu précédemment, le sujet tente de maintenir une certaine unité et continuité de sa personne mais il est soumis à des perturbations de ses identités qui sont multiples et changeantes. Soumis à des altérations des représentations de soi, le sujet rencontrera des tensions identitaires (Bourgeois, 2006c) et s’engagera dans des actions afin de rétablir ce déséquilibre et retrouver un sentiment d’unité de sa personne.

Voici différents types de tensions identitaires que la personne peut rencontrer :

 Soi actuel/autrui actuel (instance du soi)

 Soi actuel/soi idéal (agent identitaire)

 Soi actuel/autrui idéal (agent identitaire)

 Soi actuel/soi normatif (agent identitaire)

 Soi actuel/autrui normatif (agent identitaire)

Ces tensions peuvent être illustrées par l’exemple d’un élève de 19 ans en échec à la Maturité, celui-ci peut ressentir une tension identitaire entre l’image qu’il a de lui en tant qu’élève en difficulté (soi actuel) et le désir de terminer sa Maturité pour poursuivre des études universitaires (soi actuel/soi idéal) tout comme il peut être affecté par l’image de

« mauvais élève » qu’il pense que ses parents ont de lui (soi/autrui actuel) et le désir de vouloir être un élève qui obtient la Maturité avant 20 ans (autrui actuel/soi normatif).

En rapport avec les relations interpersonnelles et l’appartenance à des communautés de pratique, Bourgeois (2006c) souligne qu’un individu peut rencontrer des tensions identitaires ayant un enjeu relationnel fort. Le renoncement à poursuivre certaines actions peut entraîner également l’éloignement de personnes qui lui sont chères ou la remise en question de valeurs auxquelles il avait adhéré et qu’il soutenait. Un individu peut avoir construit une identité positive à l’intérieur d’une communauté de pratique et l’abandon de celle-ci peut engendrer des perturbations profondes puisque cela remet en cause son identité actuelle. De ce fait, une tension identitaire comportant un enjeu relationnel majeur, ou une altération d’une image positive de soi, sera perçue comme importante pour le sujet et la résolution de cette tension deviendra urgente.

15 En se référent à la théorie de Higgins (2000) citée par Bourgeois (2006c), le mode de régulation adopté par un sujet pour résoudre les tensions identitaires sera différent selon le la nature des tensions éprouvées. Une personne rencontrant des écarts entre les différentes images de soi mettra en place une stratégie identitaire visant à réguler ces tensions et donc à retrouver un sentiment d’unité et de continuité. Higgins distingue deux modes de régulation de ces tensions: la régulation de type approche, la régulation de type évitement.

Dans le premier cas, le sujet s’engagera dans des actions qui s’orienteront vers l’accomplissement d’une image positive de soi et dans le second cas, le sujet évitera de donner une image négative de soi, à lui-même ou à autrui. Les régulations de type approche engagent le sujet dans une démarche permettant de diminuer l’écart entre l’image de soi actuelle et l’image de soi souhaitée. A l’opposé, la régulation de type évitement consiste à se distancer d’une image de soi négative, non souhaitée. Dans ce cas, le sujet tentera de maintenir, voir d’agrandir, l’écart entre l’image de soi actuelle et l’image de soi qu’il cherche à éviter.

En relation avec les types de tensions éprouvées et le mode de régulation adopté, Kaddouri (2006) nous présente cinq types de dynamiques identitaires constituées de combinaisons différentes entre tensions éprouvées et mode de régulation adopté :

La continuité identitaire : L’identité actuelle de l’individu est vue positivement, il n’envisage pas de modifications dans l’immédiat puisque l’identité actuelle et l’identité visée sont en concordance. Ce qu’il est correspond à ce qu’il aimerait devenir.

La transformation identitaire : L’identité actuelle n’est plus considérée de manière positive. L’individu souhaite changer cette identité pour en acquérir une nouvelle (visée) qu’il valorise. Ce qu’il aimerait être engendre l’abandon de ce qu’il est.

La gestation identitaire : L’individu est en pleine recherche identitaire. Il s’interroge sur les contours de son identité qui ne sont pas définis pour le moment. Le sujet peut se trouver dans une période où il cherche la reconnaissance d’une nouvelle identité.

De même, il peut rechercher à reconstruire une nouvelle identité après avoir connu

16 des périodes de fragilité identitaire tout comme il peut être en quête de son identité devenue floue en se posant des questions existentielles.

La destructivité identitaire : L’identité de l’individu est détruite par lui-même ou par l’intervention d’autrui (actions, paroles destructrices).

L’anéantissement identitaire : L’individu, en pleine crise identitaire, tente d’éliminer toutes les représentations de soi devenues sources de troubles. Il envisage la destruction du Soi (l’individu se hait, il remet en cause son existence).

Nous pouvons mettre en perspective la théorie de Kaddouri (2006) avec celle de Carver et Scheier citée par Bourgeois (2006c). Les deux modes de régulation associés à des dynamiques identitaires tels l’évitement d’une image négative de soi et l’accomplissement d’une image positive de soi se manifesteraient par des dynamiques identitaires de continuité et de transformation, selon la typologie de Kaddouri. Dans le cas d’une dynamique de continuité, l’individu tentera de conserver une image positive de soi ou de maintenir l’écart avec une image de soi négative afin de conserver l’identité actuelle valorisée. Une régulation de type évitement se manifesterait en présence d’une dynamique de continuité identitaire puisque l’individu tenterait de maintenir l’écart entre une image de soi actuelle et une image de soi qu’il chercherait à éviter. Il pourrait se retrouver dans une dynamique de transformation identitaire en s’orientant vers l’accomplissement d’une image positive de soi afin d’abandonner son identité actuelle qui n’est plus considérée positivement en cherchant à atteindre un soi visé.