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2. L’EXERCICE A PERCEPTION D’EFFORT FIXE

2.2. Méthodologie de l’exercice à perception d’effort fixe

2.2.1. Définir une intensité subjective optimale selon l’objectif

Etablir la méthodologie d’un protocole de recherche en sciences du sport implique de déterminer une intensité d’exercice optimale, en rapport à l’objectif initial de l’étude ou de la session. Par exemple, l’étude des mécanismes neurophysiologiques sous-jacents à la fatigue nécessite que l’exercice soit suffisamment intense et/ou long pour les activer avant son issue. Ainsi, la mise en place d’un exercice à RPE fixe requiert de définir un seuil d’intensité

subjective « optimal », auquel il sera possible d’observer un effet des facteurs expérimentaux appliqués sur la régression linéaire de la puissance soutenue (Hartley et al., 2012).

De manière générale, la faible quantité d’informations communiquées par la plupart des travaux antérieurs cités (i.e. valeurs moyennes de puissance maximale aérobie – PMA – et/ou de consommation maximale d’oxygène – 𝑉̇O2max – de la population incluse) ne permet pas

d’établir un quelconque référentiel entre intensité subjective et réelle. Toutefois, un seuil minimal de RPE-15 semble être requis dans le but de générer des adaptations ventilatoires et métaboliques significatives (Gaesser and Poole, 1996). Par exemple, le choix d’une intensité subjective qualifiée de « difficile à très difficile » (i.e. RPE-16 ; Tucker et al., 2006 ; Swart et al., 2009) implique le développement d’intensités initiales de l’ordre de 70 %PMA, puis leur diminution progressive dans le temps jusqu’à atteindre environ 50 %PMA à l’arrêt de l’exercice. La vitesse de diminution de la puissance est de l’ordre de 1 à 2 W.min-1 pour une

durée de maintien minimale de 60 min. Inversement, l’étude de Cochrane (2015b) a montré que la production d’un effort de durée similaire à intensité « modérée » (i.e. RPE 12-13) n’implique pas de variation significative dans le temps de 𝑉̇O2, et ce en dépit d’un équilibre constant entre production et recyclage des ions lactate. En d’autres termes, le maintien d’une telle intensité subjective d’exercice s’accompagne d’une pente de régression nulle de la puissance développée.

A l’échelle individuelle, les réponses physiques et physiologiques propres à chaque seuil de RPE présentent une variabilité importante quel que soit le niveau d’homogénéité des caractéristiques générale de la population étudiée. Dans ce contexte, il a été proposé de déterminer, pour chaque individu, un seuil dit de « capacité de travail à RPE fixe » ou correspondant à la valeur de puissance la plus élevée que peut maintenir le sujet sans subir une quelconque distorsion de RPE (Mielke et al., 2008). Ce seuil est estimé à partir d’un modèle mathématique impliquant le calcul des coefficients de variation linéaire de RPE lors du maintien de paliers sous-maximaux de puissance (De Vries et al., 1982). La méthodologie proposée a été par la suite simplifiée, pour être réduite à la production de quatre blocs distincts de 8 min à des puissances fixes entre 65 et 80 %PMA (Cochrane et al., 2015b).

Ce seuil de travail correspondrait approximativement à la puissance développée au premier seuil ventilatoire lors d’une épreuve d’effort de type triangulaire (Cochrane-Snyman et al., 2016). L’hétérogénéité des réponses neuromusculaires à intensité modérée (RPE 14 ± 1) et élevée (RPE 16 ± 1) soutient toutefois l’hypothèse d’une spécificité individuelle des réponses perceptives à l’échelle individuelle.

Fig. 10 Méthode de détermination du seuil de capacité de travail à RPE fixe (B), à partir des relations

entre RPE et temps lors du maintien de quatre seuils de puissance fixe (A) pendant un exercice de pédalage (issu de Mielke et al., 2008).

2.2.2. Définir une procédure d’apprentissage efficace

L’aptitude du sujet à contrôler et réguler, de manière fiable et reproductible, la production d’un seuil de perception de l’effort conditionne son inclusion ou non à un éventuel protocole expérimental (Robertson et al., 2004). Pour autant, il apparaît que cet aspect est rarement pris en compte par les expérimentateurs.

Dans l’absolu, ces derniers ont pour rôle de transmettre et répéter, à chaque sujet et préalablement avant chaque session, les éléments nécessaires à l’acquisition d’une maîtrise minimale de l’échelle subjective de référence (Coquart et al., 2012 ; Eston et al., 2015). Le sujet est alors informé de la manière la plus précise possible, par voie orale ou écrite, du concept, des objectifs et attentes issues de l’usage de la perception de l’effort ou encore de l’échelle d’estimation exploitée lors des différentes sessions (Abbiss et al., 2015 ; Pageaux, 2016). Les questions posées au sujet et le descriptif des cotations sont adaptés aux indices suivis, au mode de locomotion utilisé et à la population associée au protocole. Par exemple, au cours d’un exercice de pédalage sur ergocycle, la cotation minimale « 6 » lors d’une évaluation indifférenciée via l’échelle RPE 6-20 de Borg représente « un effort nul, au repos » alors que la cotation maximale « 20 » représente « le niveau d’effort le plus dur jamais expérimenté, par exemple à la fin d’une épreuve incrémentée ».

D’autre part, l’application de procédures spécifiques « d’ancrage » lors des visites pré- expérimentales limite l’influence de l’effet d’apprentissage sur la régulation de l’intensité à RPE fixe. La méthode d’ancrage dite « par mémoire » requiert de fixer les sensations globales perçues respectivement au repos et lors de l’effort le plus intense jamais réalisé au cours de son expérience passée, afin de les associer aux cotations minimales et maximales de l’échelle

subjective appliquée (e.g. RPE-6 et RPE-20 sur l’échelle 6-20 de Borg). La méthode d’ancrage par « exercice » induit la production, par exemple lors d’une épreuve maximale incrémentée classique ou régulée à partir de RPE, de la gamme complète des paliers d’effort décrits par l’échelle subjective appliquée (Eston et al., 2012). Lors de protocoles avec production de RPE, la combinaison des méthodes d’ancrage par « mémoire » et par « exercice » permet de renforcer les ancrages perceptifs chez les sujets peu familiarisés à l’usage d’outils subjectifs. Néanmoins, aucune étude n’a jusqu’à présent démontré leur impact significatif sur cet aspect.

Ces procédures d’ancrage classiques peuvent être complétées voire suppléées, dans certains cas, par la production répétée et sur de courtes périodes de multiples niveaux intermédiaires de RPE (Lander et al., 2009 ; Higgins et al., 2013). Le calcul du coefficient de variation de la puissance moyenne produite lors des deux séquences successives à RPE équivalente permet alors de vérifier l’aptitude du sujet à évaluer de manière fiable l’intensité subjective d’un effort (Soriano-Maldonado et al., 2013). Par exemple, Brownsberger et ses collaborateurs (2013) ont proposé à leurs sujets de reproduire, lors de la visite d’inclusion, trois séquences d’effort de courte durée à RPE constante (i.e. RPE 7, RPE 13 et RPE 18). A l’issue de ce protocole, des coefficients de variation de 8 %, 5 % et 4 % ont été respectivement observés. La mise en place systématique d’un protocole d’échauffement avec augmentation progressive du seuil de RPE participe également au renforcement de ces ancrages. Une étude menée chez des patients à risque cardiovasculaire montre que l’application d’une telle procédure (i.e. 2 min à RPE-11 puis 2 min à RPE-13) prévient le phénomène dit de « overshoot », ou de sur-adaptation de la fréquence cardiaque (FC) consécutif au maintien d’une intensité trop élevée par rapport au seuil de RPE cible (Weiser et al., 2007).