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4. L’ACCLIMATATION A LA CHALEUR

4.2. Acclimatation et adaptations psychophysiologiques

Les premiers travaux sur les effets de l’acclimatation à la chaleur ont démontré une diminution de TCO, de la température cutanée, de la fréquence cardiaque (FC) en parallèle

d’adaptations significatives de l’activité sudorale (Bass et al., 1955). Ces constats ont laissé d’abord supposer le rôle-clé joué par la plus grande dissipation de chaleur dans la réduction du stress thermique post-acclimatation. Plus récemment, une revue de littérature de Sawka et ses collaborateurs (2011) est venue confirmer l’importance de ces adaptations lors d’un cycle d’acclimatation. Les adaptations des diverses fonctions physiologiques lors de l’exposition répétée à la chaleur sont largement documentées dans la littérature actuelle (pour revue : Taylor, 2014).

Fig. 27 Evolution de la puissance moyenne au cours d’un exercice de contre-la-montre de 43,4 km

reproduit en ambiance tempérée (TTC) et en ambiance chaude après 1 jour (TTH-1), 6 jours (TTH-2) et 14 jours (TTH-3) d’exposition répétée à la chaleur (issu de Racinais et al., 2015). Une différence significative (*) est observée entre TTH-1 et TTC, inversement TTH-3 et TTC ne présente pas de différence particulière.

4.2.1. Fonction thermorégulatrice

Les cinétiques de TCO mesurées au repos et pendant l’exercice sont significativement

modifiées par l’exposition répétée à la chaleur. Au repos, une baisse de la température de 0,2 °C à 0,4 °C est classiquement reportée chez un sujet acclimaté (Horvath and Shelley, 1946). Cette diminution aurait pour principale origine un ralentissement de l’activité métabolique basale (Mason and Jacob, 1972), que l’on tend par exemple à observer suite à l’acclimatation

saisonnière en période estivale (Hori et al., 1995). A l’exercice, les muscles actifs au cours d’une tâche de pédalage produiraient moins de chaleur endogène du fait d’une plus grande efficience métabolique (i.e. proportion plus importante de l’oxydation des lipides à même intensité sous-maximale). Ce gain d’efficience serait notamment caractérisé par une diminution de la fraction de 𝑉̇O2max à même intensité (Sawka et al., 1983a). La plus faible élévation de

TCO à l’exercice serait ainsi liée à une moindre production de chaleur endogène, plutôt qu’à une

optimisation des mécanismes autonomes de dissipation de chaleur (Rivas et al., 2017). L’application d’un protocole d’exercice dit « isotherme », ou nécessitant le maintien de la production de chaleur métabolique tout au long de l’exercice, a permis de constater l’absence d’un quelconque changement des paramètres de l’activité sudorale à l’issue d’un cycle d’acclimatation à la chaleur de 10 jours. Le ralentissement de la cinétique de TCO obtenue post-

acclimatation aurait donc pour intérêt majeur de retarder le déclenchement des mécanismes autonomes de régulation thermique (Roberts et al., 1977).

Ce constat ne fait cependant pas consensus. En effet, de nombreux auteurs soutiennent l’idée que la capacité de dissipation de chaleur par voie évaporatoire, largement améliorée suite à un protocole d’acclimatation, participe grandement à la modification de la cinétique de TCO.

L’usage de la calorimétrie directe a permis notamment de démontrer une élévation de 11 % de la quantité de chaleur dissipée par voie sudorale lors d’un exercice isothermique réalisée à 40 °C et 20 % RH suite à quatorze jours d’entraînement d’une durée de 90 min à 50 % 𝑉̇O2max

(Poirier et al., 2015). Si le seuil thermique de déclenchement de la sudation n’est que peu modifié par l’adaptation de l’organisme à la chaleur (i.e. diminution de 0,1 à 0,2 °C), l’activation d’un nombre plus important de glandes sudorales et leur plus grande sensibilité aux stimulations d’origine cholinergique tend à augmenter l’activité de la fonction sudomotrice. Ces adaptations sont notamment dues à des changements morphologiques de la glande sudorale (Sato et al., 1990). En parallèle, la diminution du seuil thermique d’activation de la vasodilatation cutanée (Yamazaki and Hamasaki, 2003) favorise la hausse du gradient de pression de vapeur d’eau entre la peau et l’environnement, et permet indirectement l’évaporation d’une plus grande quantité de sueur (Taylor, 2014). Bien que l’effet de l’acclimatation sur les réponses hémodynamiques périphériques n’ait été que peu étudié jusqu’à présent, ce phénomène semblerait être la conséquence d’adaptations de la microcirculation locale, telles que le renforcement du mécanisme d'hyperpolarisation des cellules endothéliales (Lorenzo et al., 2010).

Le maintien de l’équilibre thermique ne dépend toutefois pas que de la production de sueur, mais aussi de la capacité de dissipation de chaleur par voie évaporatoire. En effet,

l’acclimatation à la chaleur favorise la réabsorption des minéraux (i.e. ions sodium, potassium et chloride) par les glandes sudorales (Sato, 1977) et tend à diminuer la densité de la sueur. La concentration sudorale en sodium tend, par exemple, à être divisée par 5 ou 6, favorisant ainsi son évaporation à la surface de peau en dépit d’une production beaucoup plus importante (Taylor et al., 2014). L’accélération de la libération d’aldostérone, initiée par les osmorécepteurs cérébraux et rénaux en réponse à l’élévation de la température corporelle, joue un rôle important dans ce mécanisme d’adaptation (Ladell and Shephard, 1961).

4.2.2. Fonction cardiovasculaire

Les adaptations sur le plan cardiovasculaire jouent également un rôle prédominant dans la plus grande capacité de l’individu à tolérer, d’un point de vue physiologique et perceptif, l’exposition à la chaleur pendant l’exercice. La diminution transitoire et marquée du volume sanguin en début d’exercice génère une hémodilution qui survient de manière prédominante dans le compartiment plasmatique (Barcroft et al., 1923). La répétition de ce phénomène, amplifié par l’exposition à la chaleur, entraîne après quelques jours une expansion significative du volume plasmatique. Ces adaptations sont à l’origine de l’élévation du volume sanguin total, matérialisée par la diminution des concentrations en hémoglobine et hématocrite (Bazett et al., 1940). Le volume d’eau total du corps humain peut, en effet, augmenter de 5 à 7 % après sept jours d’exposition répétée à la chaleur (Patterson et al., 2004). Si ce phénomène est susceptible de limiter la capacité de performance dans certains sports, il est toutefois largement contrebalancé par les bénéfices inhérents à la stabilisation cardiaque et thermique de l’organisme.

D’un point de vue physiologique, l’expansion du volume plasmatique peut s’expliquer en partie par une libération accrue d’aldostérone (Ladell and Shephard, 1961), d’arginine ou de vasopressine et/ou par une sensibilité rénale accentuée à ces substances, ou encore par le maintien de l’osmolarité extracellulaire résultant de la conservation de minéraux dans le milieu interne tels que le sodium (Nose et al., 1988). L’élévation post-acclimatation du volume sanguin total contribue à la stabilisation du débit cardiaque, pour des exercices de plus longue durée ou d’intensités relatives plus élevées, et à une plus grande capacité de stockage de chaleur (Wyndham et al., 1968). L’hypervolémie est considérée comme précurseur de la réduction du stress cardiovasculaire : cela se caractérise par l’élévation du volume d’éjection systolique (Sawka et al., 1983a) et/ou la diminution concomitante de la pression diastolique (Horowitz et

al., 1986). La réduction de FC, à même intensité d’exercice, est donc l’un des marqueurs clés d’une acclimatation optimale du sujet (Périard et al., 2015).

Bien que l’hypervolémie sanguine soit un prérequis pour une stabilisation de l’activité cardiaque, le refroidissement de la peau indirectement favorisé par l’élévation du débit sudoral contribue à ces adaptations par la redirection indirecte d’une quantité non négligeable des masses sanguines périphériques vers les organes et les muscles actifs (Sawka et al., 2011). L’ajustement des réponses sudorales nécessite toutefois d’être compensé par une ingestion de fluides conséquente, destinée à prévenir l’éventuelle diminution du volume plasmatique relative à une déshydratation de l’individu (Nadel et al., 1980). Cet état est susceptible d’induire une accélération dramatique de l’élévation de TCO du fait, entre autres, de la perturbation des

mécanismes autonomes de régulation thermique notamment sous-jacente à une hyperosmolarité plasmatique (Takamata et al., 2001). Ce phénomène peut néanmoins être partiellement enrayé par une acclimatation préalable (Périard et al., 2015)

4.2.3. Fonction perceptive

L’effet positif de l’acclimatation à la chaleur sur le confort thermique ressenti pendant l’exercice fait aujourd’hui consensus, notamment lors de cycles de courte durée (Sunderland et al., 2008 ; Charlot et al., 2017). Par exemple, le suivi par des soldats d’un protocole d’entraînement de 5 jours à intensité modérée (séquences de 8 min à 50 % 𝑉̇O2max ; durée totale

32-56 min), en parallèle de leur installation dans un camp de base situé en région très chaude (i.e. Moyen-Orient), leur a permis de renforcer significativement le confort ressenti au repos comme pendant l’exercice dans cet environnement (Charlot et al., 2017). Ces améliorations seraient liées au ralentissement de l’élévation de TCO et à une moindre sensation de chaleur

concomitante, alors que le rôle exact de la température cutanée demeure plus incertain (de Dear and Brager, 2001).

Le plus grand confort ressenti participe à l’amélioration de la perception de l’effort pendant l’exercice. En parallèle, la réduction de RPE observée après un cycle d'exposition répété à la chaleur serait le reflet d’adaptations physiologiques inhérentes à l'acclimatation (Armstrong and Maresh, 1991). Cependant, ces progrès ne semblent pas garantir une amélioration systématique de la perception de l’effort à court (Fujii et al., 2012) comme à long terme (Pandolf et al., 1988), laissant ainsi subsister des zones d’ombres quant aux effets réels de l’acclimatation sur les variables perceptives. Enfin, la dissociation des réponses physiologiques et perceptives observée chez le sujet acclimaté à la chaleur (Malgoyre et al.,

2018) confère un rôle très incertain à l’optimisation post-entraînement du confort perçu. Par exemple, le gain de confort observé à l’issue d’un cycle de courte durée peut, en l’absence de progrès concomitants sur le plan physiologique (e.g. moindre élévation de TCO ou moindre

stress cardiovasculaire), conduire le sujet à développer une puissance plus soutenue mais susceptible de déséquilibrer plus largement l’homéostasie corporelle (Guy et al., 2014).

4.3. Comment s’acclimater à la chaleur ?