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3. MESURE DE LA TEMPERATURE CORPORELLE

3.2. Contrôle de la température cutanée

La température cutanée constitue un indicateur majeur de la contrainte thermique subie par le sujet en contexte de vie libre ou bien d’exercice. Le contrôle en continu de la température cutanée peut être exploité dans le but d’étudier les réponses physiologiques (i.e. gradient de température centrale-cutanée ; Cuddy et al., 2014) et psychophysiologiques (i.e. sensation et confort thermique ; Flouris and Schlader, 2015) à l’environnement dans lequel le sujet évolue.

La variation locale de la température cutanée est le reflet des échanges thermiques locaux entre le corps et l’environnement extérieur. Par conséquent, de nombreux facteurs sont susceptibles d’influencer, de manière plus ou moins importante et selon le contexte (i.e. repos

vs. exercice), les variations locales de température mesurées à la surface de la peau. Ces facteurs

sont principalement reliés à la production locale de chaleur, aux échanges de chaleur intracorporels (i.e. influencés par la vasoconstriction ou la vasodilatation) ou avec l’environnement (i.e. amplitude des échanges par convection en fonction du mouvement du corps), aux caractéristiques de l’individu (e.g. origine ethnique, adiposité sous-cutanée...) ou à

la méthodologie de mesure appliquée (e.g. type de capteur, mode de fixation…). La tenue vestimentaire portée par le sujet impacte également de manière significative les échanges de chaleur entre corps et environnement, en particulier par rayonnement (i.e. teinte du textile) et par évaporation (i.e. composition textile, humidité résiduelle déjà absorbée).

D’autre part, la température cutanée n’est pas uniforme sur l’ensemble de la surface corporelle. A l’inverse, la variabilité des températures de surface localement mesurées est plus ou moins importante selon l’activité métabolique corporelle et la condition ambiante. Par exemple, une amplitude de 13,4 °C est observée entre le point corporel le plus « froid » (i.e. auriculaire ; 21,1 °C) et le plus « chaud » (i.e. nuque ; 34,5 °C) alors que le sujet au repos évolue dans une température ambiante froide. Cette même amplitude tombe à moins de 3 °C (i.e. mollet

vs. gorge : 34,1 vs. 36,8 °C) lors qu’il évolue en ambiance chaude (Arens and Zhang, 2006).

Par conséquent, l’estimation de la température cutanée à l’échelle corporelle nécessite une méthode de calcul avec intégration de plusieurs mesures simultanées localisées sur diverses zones. Ces méthodes d’estimation prennent généralement la forme de sommes pondérées des températures locales mesurées sur un nombre de sites, ce nombre variant d’une équation à une autre. Le coefficient de pondération de chaque mesure locale est en principe déterminé par la fraction de la surface corporelle totale que représente le site contrôlé. Plusieurs revues de littérature font ainsi état de l’ensemble des méthodes d’estimation suggérées au cours du temps dans le domaine de la physiologie environnementale (Choi et al., 1997). Il a été notamment proposé, à l’issue de cette revue, que la validité et la reproductibilité de l’estimation de température cutanée moyenne soit considérée comme satisfaisante dès lors qu’un minimum de sept sites, incluant le pied et la main du fait de leur extrême sensibilité aux changements thermiques, puissent être contrôlés tout au long de la phase de mesure.

Du point de vue technique, la mesure de la température cutanée pendant l’exercice s’effectue à partir de capteurs de surface en contact avec la peau, ou par l’intermédiaire d’une caméra thermique infrarouge. La méthode dite de thermographie infrarouge (Lahiri et al., 2012) présente comme atouts majeurs, d’une part, de ne pas nécessiter de manipulations préalables et chronophages sur le plan méthodologique (e.g. fixation des capteurs), d’autre part, de ne pas contraindre la liberté de mouvement et le confort du sujet par la présence de fils en particulier lors de certaines tâches physiques (e.g. course à pied). Les mesures de température cutanée par thermographique infrarouge présentent de très larges corrélations avec les valeurs issues de thermistances en contact avec la peau, que ce soit au repos (r = 0,99 ; Matsukawa et al., 2000) ou pendant l’exercice (r = 0,98 ; Buono et al., 2007), et indépendamment de la température ambiante. L’application de la thermographie infrarouge, lors d’un protocole en laboratoire,

requiert néanmoins d’appliquer un cadre méthodologique strict en particulier dans la régulation de la température ambiante et des flux d’air à l’intérieur de la pièce (Ring and Ammer, 2000).

3.2.2. Mesure au cours des protocoles expérimentaux

Au cours des études I et II, nous avons privilégié l’application de la méthode dite de Ramanathan (1964) basée sur une estimation à partir de quatre sites de mesure (i.e. poitrine, triceps brachial, cuisse, jambe) selon la formule suivante :

TSK moyenne = 0,34 * TSK (poitrine) + 0,15 x TSK (triceps brachial)

+ 0,33 * TSK (cuisse) + 0,18 * TSK (jambe).

Si cette méthode présentait des avantages du point de vue méthodologique (i.e. pose d’un nombre réduit de capteurs), son niveau de précision reste néanmoins discuté et nous a amené à proposer une évolution lors de l’étude III. Nous avons ainsi opté pour la formule dite ISO standard (2004) avec intégration de huit sites distincts (i.e. front, poitrine, épaule, biceps brachial, triceps brachial, main, cuisse, jambe) :

TSK moyenne = 0,07 * TSK (front) + 0,175 * TSK (épaule) + 0,175 * TSK (poitrine)

+ 0,07 * TSK (biceps brachial) + 0,07 * TSK (triceps brachial) + 0,05 * TSK (main)

+ 0,19 * TSK (cuisse) + 0,2 * TSK (jambe).

Du point de vue technique, nous avons opté pour un suivi de la température cutanée à partir de thermistances à résistance de platine de type Pt-100 isolées (EUS VL P2, Grant Instruments, Cambridge, UK). Nous avons privilégié cette méthode à d’autres, par exemple la thermographie infrarouge. En effet, les flux d’airs générés par l’ergocycle et/ou l’usage temporaire du ventilateur pouvaient modifier de manière importante l’équilibre thermique de la chambre climatique, dont le volume était de seulement 4 à 5 m3, et ainsi créer artificiellement une volatilité importante des mesures. D’autre part, le coût d’une caméra thermique infrarouge de haute performance s’est avéré largement supérieur à nos possibilités budgétaires.

Les thermistances à résistance de platine ont été reliées par voie filaire à un système d’acquisition de données (DMM 2700, Keithley Instruments, Cleveland, Ohio) équipé d’une carte 20 voies, et connecté à un ordinateur de type PC. Les mesures initiales de résistance (en ohms) étaient collectées en continu et temps réel (i.e. une donnée par intervalle de 15 s) puis récupérées en fin de protocole à partir d’un tableur Excel spécialement configuré via un logiciel

fournisseur « add-on ». Un pré-calibration des sondes à deux points a été systématiquement effectuée avant chaque protocole de manière à établir les équations linéaires nécessaires au calcul de la température à partir de la valeur de résistance initiale. Pour cela, les sondes ont été plongées d’abord dans une eau à température 20-25 °C pendant 3 min puis, après une phase de séchage, dans une eau à température 40-45 °C sur une période de même durée. La dernière minute de chaque phase d’enregistrement a été conservée en tant que référence. La température de l’eau a été contrôlée à l’aide d’un thermomètre à mercure classique (précision 0,1 °C).

Lors de la phase d’équipement du sujet, la base inférieure de chaque capteur a été fixée à la peau à l’aide d’un adhésif transparent et imperméable (Blenderm, 3M, Germany). La zone de fixation du capteur a été préalablement dégraissée à l’alcool puis séchée afin d’optimiser la conductivité thermique. Le point de fixation de chaque capteur a été ensuite renforcé à l’aide d’un filet tubulaire médical, de manière à prévenir un éventuel décollement du capteur causé par la force de traction du fil vers le bas. Le protocole de fixation du capteur est susceptible d’influencer les mesures issues de la sonde, en particulier au cours de l’exercice (Psikuta et al., 2014). Nous avons donc veillé à appliquer systématiquement le même mode opératoire à chaque expérimentation.