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Méthodes de synthèses

Chapitre 1 : État de l’art

II) Caractéristiques et méthodes de fabrication de nanoparticules

2) Méthodes de synthèses

Deux approches sont possibles pour la fabrication de nanoparticules. La première consiste à faire s’agréger des atomes ou molécules donnant ainsi lieu à une particule nanométrique. Cette approche est appelée ascendante ou bottom-up. On y retrouve principalement les mé-thodes chimiques. En revanche, il est aussi possible de former des nanoparticules en façonnant un matériau massif jusqu’à atteindre une taille nanométrique. On parle d’approche descendante ou top-down et cette deuxième approche regroupe essentiellement les techniques physiques.

a) Concepts

Les méthodes chimiques sont toutes basées sur la réduction d’un ou de plusieurs précur-seurs métalliques stabilisés par une ou plusieurs molécules stabilisantes. Ceux-ci sont soit com-merciaux, soit synthétisés au préalable. Les précurseurs sont souvent composés d’un ion métal-lique liés de manière covalente à des ligands, qui peuvent être organiques ou non. L’idée est de former des germes et de les faire croître. Pour les synthèses chimiques, il existe un modèle simple qui permet de comprendre comment les nanoparticules sont formées2,77. Ce modèle a été développé par LaMer et décrit les différentes étapes qui se produisent lors de la nucléation et la croissance de nanoparticules lorsqu’il n’y a pas d’agrégation ou coalescence.

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Trois étapes ont lieu durant la formation des nanoparticules. Il y a d’abord la pré-nucléation ou étape d’initiation qui est l’augmentation des entités (monomère de type M0) ser-vant à former les germes. Cette augmentation, qui correspond à la réduction des ions métal-liques ou à la libération du monomère, est telle qu’elle dépasse la limite de solubilité pour at-teindre un seuil de sursaturation. Arrivé à ce seuil, la nucléation, i.e. la formation des germes, débute. Mais la formation d’un germe stable n’est possible qu’au-delà d’une taille critique. Plus ce processus est rapide, plus les germes seront homogènes en tailles et en formes. Cela a pour conséquence de diminuer la concentration en monomère. Lorsque les germes sont formés, les monomères qui restent sont alors utilisés pour l’étape de croissance.

Afin d’avoir un contrôle sur la taille et surtout la dispersion en taille, il est nécessaire de séparer les étapes de nucléation et de croissance. Trois grandes stratégies ont été découvertes et sont toujours utilisées. La première consiste à former des germes qui vont croître à l’intérieur d’un milieu confiné tel qu’un milieu colloïdal : cette méthode est illustrée par la synthèse en micelles inverses. La seconde méthode a été développée par Brust et al. dans les années 1990 et consiste à séparer physiquement la nucléation de la croissance en utilisant un système bipha-sique. Enfin, la troisième méthode consiste à former rapidement des germes cristallins qui vont croître de manière identique. Elle regroupe principalement des synthèses organométalliques qui ont lieu à des températures allant de 50°C à plus de 300°C.

b) Micelles inverses et transfert de phase

Historiquement, la méthode par micelles inverses est l’une des premières synthèses dé-crites et est utilisée depuis plusieurs décennies pour synthétiser des nanoparticules monométal-liques (Pt78, Pd79, Ag80, Fe81, Co81,82) et bimétalliques (FePt et CoPt81). Les micelles inverses sont des nano-gouttelettes d’eau qui se trouvent dans un solvant organique et qui sont stabilisées par un tensioactif, molécule possédant une tête hydrophile et une queue hydrophobe. Les nano-gouttelettes sont stabilisées via les têtes hydrophiles du tensioactif. Il existe deux possibilités pour effectuer la réduction. La première est d’ajouter une solution aqueuse contenant le réduc-teur. La seconde est d’ajouter une solution micellaire contenant le réducréduc-teur. Les différentes micelles, qui sont en fait des micro-réacteurs, vont alors rentrer en collision à cause du mouve-ment brownien. La réduction à lieu à l’intérieur des micelles (intra-micellaire) et la croissance suppose la rencontre de deux micelles (inter-micellaire) contenant des germes et/ou mono-mères. Il y a donc une séparation partielle de la nucléation et de la croissance. Les nanoparti-cules peuvent être stabilisées par un agent stabilisant qui va s’adsorber sur la surface des nano-particules et permettre de les extraire du milieu micellaire. Un lavage est effectué pour retirer les différents produits secondaires. Selon les proportions eau/tensioactif, c’est-à-dire selon la taille de la micelle, il est possible de contrôler la taille des nanoparticules formées.

Cette méthode mise au point au laboratoire83,84 a, par exemple, été employée par Yu et

al.85 pour synthétiser des nanoparticules de CoPt de l’ordre de 3 nm. L’utilisation des micelles inverses a permis aussi de synthétiser des nanoparticules de Fe, Co et FePt entourées de copo-lymère à base de polystyrène-poly(2-vinylpyridine)de longueur modulable81 (Figure 1-17).

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Figure 1-17 : Image de microscopie électronique à balayage de nanoparticules de fer (à gauche) et de cobalt (à droite) entourées de copolymère polystyrène et poly(2-vinylpyridine) (ligne du

haut : un copolymère court et ligne du bas : un copolymère long)81.

Il est également possible de synthétiser des nanoparticules en utilisant la synthèse par transfert de phase liquide-liquide. C’est cette méthode qui a été utilisée lors de cette thèse pour synthétiser des nanoparticules de platine, palladium, PdPt et CoPt. Celle-ci est basée sur la synthèse de Brust qui consiste à effectuer une réduction à l’interface eau-solvant organique86. Cette synthèse sera amplement développée dans le Chapitre 2 mais elle a déjà servi à synthéti-ser des nanoparticules d’or86,87, d’argent88 et des nanoalliages AuAg89.

c) Synthèse organométallique

Expérimentalement, la synthèse organométallique peut être résumée à une réduction à haute température de précurseurs organométalliques (souvent un métal au degré d’oxydation nul), en présence de ligands organiques, l’ensemble se trouvant dans une même phase. Dans ce cas-là, la phase de pré-nucléation est souvent très rapide, car la montée en température est faite rapidement, permettant alors de former des germes homogènes en taille et en forme (Figure 1-18).

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Cela permet d’avoir une très faible polydispersité (inférieure à 0,10) et c’est pourquoi le contrôle de ces étapes est primordial. Le fait de pouvoir avoir une nucléation instantanée est donc essentiel et caractéristique des méthodes organométalliques. Mais il faut pour cela travail-ler dans des conditions spécifiques de température et de pression, surtout dans le cas des na-noalliages où les deux précurseurs peuvent avoir des propriétés physico-chimique différentes et donc des modes de croissance différents.

La première condition concerne les précurseurs employés. Il faut connaitre les tempéra-tures auxquelles les parties organiques vont se séparer de l’atome métallique. Soient deux pré-curseurs A et B ayant des températures de dégradation de 100°C et 200°C respectivement. Lors de la montée en température jusqu’à 200°C, le précurseur A, étant plus facilement dégradable formera des germes. Quant au second, il sera dégradé plus tard et il y aura soit formation d’une autre nanoparticule monométallique (donc il y aura des nanoparticules A et B), soit formation de nanoparticules cœur-coquille (A@B). Dans ces conditions, il est alors préférable d’employer une méthode dite par injection. Cette méthode consiste à atteindre la température correspondant à la température de dégradation du précurseur le plus dur à dégrader (B) puis d’ajouter via une seringue par exemple, le composé A. Dès lors, les deux composés se décomposeront en même temps. La seconde condition concerne la vitesse à laquelle la température augmente. Plus elle sera lente, moins vite le seuil de sursaturation sera atteint. Cela conduira alors à la formation continue de germes. Il y aura donc coexistence entre la phase de nucléation et de croissance. L’homogénéité en taille sera alors perdue et il y aura donc une distribution en tailles très grande.

Deux principaux procédés existent et consistent soit en une décomposition des précurseurs (thermolyse) soit à une réduction à haute température. La thermolyse est une méthode qui per-met de former de façon relativement contrôlée des nanoparticules par chauffage sans ajout de réducteur, comme l’ont montré Bonnemann et al. avec la formation de nanoparticules de cobalt (en chauffant pendant 18 h une solution contenant du Co2(CO)8 et de l’Al(C8H17)3 dissous dans du toluène91).

La seconde méthode consiste à réduire un complexe de coordination à haute température. Par exemple, des nanoparticules de FeCo ont été obtenues par réduction à chaud du Fe(acac)3

et Co(acac)2 en présence d’acide oléique et d’oleylamine et réduites par de l’hexadecanediol avec un bon contrôle en taille et une faible polydispersité92. Il a été aussi synthétisé des nano-particules de fer par réduction du Fe(NSi(CH3)2)2 dans du tetrahydrofurane par de l’acide oléique en présence de dihydrogène et d’hexadecylamine93. Enfin, il est fréquent de voir le réducteur choisi agir aussi comme agent stabilisant, comme par exemple l’acide oléique ou l’oleylamine94.

Il est aussi possible, bien qu’étant en milieu homogène, de contrôler la forme des parti-cules. Ainsi des sphères ou des cubes peuvent être obtenus selon les solvants ou les agents stabi-lisants utilisés95. Par exemple des oxydes de fer cubiques ont été obtenus par réduction du Fe(acac)3 à 290°C en présence d’acide oléique dans du benzyle éther (Figure 1-19). La réduction à chaud d’un composé organométallique ou d’un complexe de coordination permet en effet d’avoir un excellent rendement et une faible polydispersité comparée aux méthodes comme les micelles inverses ou le transfert de phase liquide-liquide.

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Figure 1-19 : Clichés de microscopie électronique à transmission de nanoparticules de FeO (a) sphériques de 14 nm de diamètre et (b) cubiques de 32 nm de côté95.

d) Méthodes physiques

Contrairement aux synthèses chimiques, les méthodes de fabrication de nanoparticules par voie physique ne nécessitent pas l’utilisation de ligands, ce qui permet de comparer plus juste-ment la théorie à l’expérijuste-mentale. Ceci est d’autant plus vrai pour les petites nanoparticules où les effets quantiques sont non négligeables et où les ligands jouent un rôle dans ces effets.

Dans la plupart des méthodes physiques employées, la synthèse se fait par évaporation d’un atome à l’état massif. Cependant, on distingue deux manières d’obtenir des nanoparti-cules. La première consiste à déposer sur un substrat des agrégats qui se forment pendant l’évaporation. Ceux-ci sont souvent très petits et ne dépassent pas 5 nm. La méthode associée est la technique LECBD (Low Energy Cluster Beam Deposition). Cette méthode permet une sélec-tion en taille mais le rendement est bien trop faible pour la synthèse à grande échelle de nano-particule de CoPt par exemple34. La seconde manière est de déposer sur un substrat des atomes qui vont diffuser et former des nanoparticules : l’ablation laser, la pulvérisation cathodique et l’évaporation thermique sont les techniques les plus courantes. Dans les deux situations, il est nécessaire d’avoir une enceinte dans laquelle on peut contrôler l’atmosphère et avoir un vide secondaire (10-7 mbar).

Les synthèses par ablation laser consistent à utiliser un laser qui va pulser rapidement et à très forte puissance des matériaux massifs. Cela va créer un plasma qui va se propager dans l’enceinte. Dans cette même enceinte se trouve le substrat sur lequel le plasma va se conden-ser. L’avantage avec cette technique est qu’il est possible de déposer successivement des maté-riaux différents, spécificité non négligeable si l’on veut synthétiser des nanoparticules bimétal-liques. C’est avec cette méthode qu’ont été synthétisées des nanoparticules de CoPt de tailles et compositions contrôlées96.

La pulvérisation cathodique consiste quant à elle à se servir du substrat et du matériau comme d’une anode et d’une cathode respectivement. Un gaz inerte (en général de l’argon) circule alors entre ces deux électrodes et un champ électrique est appliqué pour permettre d’ioniser le gaz. Le plasma formé va ensuite percuter le matériau pour en extraire des atomes et ces derniers vont pouvoir se redéposer sur le substrat.

La dernière méthode est l’évaporation thermique. Un matériau est placé dans un creuset et est chauffé par effet Joule. Le matériau est évaporé et les atomes vont alors se déposer sur

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le substrat qui se trouve en face de la source métallique. Il a été montré que l’on pouvait syn-thétiser des nanoparticules de CoPt de l’ordre de 2 nm96 en utilisant cette approche.

Les méthodes par voie physique présentent donc des contraintes non négligeables. La pre-mière est la nécessité de travailler dans des conditions de pression et température très contrô-lées. Aussi, les rendements sont souvent très faibles si l’on vise une faible polydispersité. En effet, selon les méthodes physiques, il y a un dispositif permettant un tri sélectif en taille des nanoparticules. Certes, cela permet une meilleure précision, mais cela induit également un ren-dement bien trop faible pour des utilisations industrielles éventuelles. Enfin, un autre inconvé-nient est le coût d’une synthèse. Dans le cas de synthèse à base de métaux tels que l’or ou le platine, les métaux servant à l’évaporation sont très chers. Aussi l’ensemble du dispositif est très couteux comparé aux techniques de synthèses chimiques. En revanche, c’est principalement par voie physique que l’on arrive à synthétiser des nanoparticules « nues », en d’autres termes sans agent stabilisant. Ce qui d’un point de vue fondamentale permet une meilleure comparai-son des propriétés physiques (optique, magnétique, électrique,…) observées expérimentalement et théoriquement, notamment pour de petites nanoparticules.

Un large éventail de synthèses de nanoparticules existe, dont une partie a été décrite et utilisée pour la synthèse de nanoalliages. Un intérêt prononcé a été mis en avant sur le contrôle en taille et forme de nanoparticules et plus particulièrement sur les nanoalliages car, pour des applications en magnétisme, les nanoparticules de CoPt semblent intéressantes. Nous avons vu également que la structure cristalline avait une influence sur les propriétés magnétiques et les grandeurs associées (TB, HC et Keff). Afin de prévoir et comprendre la structure cristalline après synthèses des nanoparticules, nous nous sommes donc basés sur le diagramme de phase des na-noalliages de CoPt à l’état massif.