• Aucun résultat trouvé

Le contrôle de forme de nanoparticules de platine

Chapitre 2 : Synthèse de nanoalliages

I) Synthèse de nanoparticules de platine

2) Le contrôle de forme de nanoparticules de platine

a) Modification du protocole

Le but de la modification du protocole était de faire grossir les nanoparticules de platine comme il a pu être fait avec l’or198. Pour cela, la réduction a été effectuée avant d’ajouter l’agent stabilisant (Figure 2-4), afin de laisser aux germes le temps de grossir avant d’être stabi-lisés. Les expériences qui sont décrites dans cette partie ont été développées et effectuées par l’équipe d’accueil, avant ce travail de thèse. Ces expériences sont la base de travaux qui ont été menés durant la thèse sur des nanoalliages à base de platine.

Le résultat le plus remarquable était qu’en appliquant ce protocole (en milieu fermé, cf. plus bas) des nanoparticules cubiques était obtenues. Ces particules anisotropes sont le plus souvent obtenues par des vitesses de croissances différentes de facettes cristallines184. Les au-teurs de ces travaux se sont donc penchés sur les différents éléments intervenant dans le milieu.

En étudiant de plus près les diverses réactions qui ont lieu durant la réduction, il a été constaté qu’il y avait une hydrolyse du borohydrure de sodium durant l’étape de réduction

Chapitre 2 – Synthèse de nanoalliages

75

(équation 1). Cette réaction induit alors la formation d’un gaz : le dihydrogène H2199. De plus, cette réaction est fortement catalysée en présence d’un sel métallique, notamment le platine.

(1) NaBH4 + 2 H2O  NaBO2 + 4 H2

Figure 2-4 : Schéma du protocole de synthèse par TPLL modifié pour la formation de nanocubes de platine.

Or, le dihydrogène interagit fortement avec la surface du platine184,185. C’est pourquoi dif-férentes conditions expérimentales ont été testées à l’air ou sous boite à gants pour évaluer aussi les perturbations liées au dioxygène de l’air. La Figure 2-5 rassemble un certain nombre de résultat expérimentaux où les deux modes de synthèses (Figure 2-1 et Figure 2-4) sont comparés (dans des conditions environnementales différentes). L’agent stabilisant est dans tous les cas le C8NH2. En réalisant la synthèse à l’air et en vaisselle ouverte, pour éviter les surpressions ga-zeuses liées aux dégagements de dihydrogène durant la réaction, il a été obtenu deux résultats distincts. Il y a, d’une part, la formation de nanoparticules sphériques de l’ordre de 2 nm en effectuant la réduction après l’ajout de l’agent stabilisant (Figure 2-5-A1). D’autre part, ce sont des nanoparticules en formes de vers qui sont obtenus lorsque l’octylamine est ajouté 60 mi-nutes après avoir ajouté totalement le réducteur (Figure 2-5-A2). Les études par MET à Haute Résolution (appelé par la suite MET-HR) ont montré que ces vers provenaient de l’agrégation, de nanoparticules sphériques du type de celles observées sur la Figure 2-5-A1. Ces deux synthèses montrent l’importance de l’octylamine et surtout de son rôle stabilisant dans le cas du platine. Elle montre aussi l’importance de la nature du matériau et de son interaction avec l’agent stabi-lisant car ces structures vermiculaires n’ont jamais été observées pour une synthèse similaire dans le cas de l’or198.

Pour mettre en évidence le rôle des gaz dissous, dont l’influence sur la taille des nanopar-ticules a été montrée200, une deuxième série d’expérience a été entreprise par ces auteurs. Les synthèses décrites en Figure 2-1 et Figure 2-4 ont alors été effectuées en milieu anaérobie en boîte à gants. Toutes les solutions (HCl, eau, toluène, éthanol) sont dégazées durant une nuit avant toute utilisation afin de retirer toute trace de gaz dissous. Par ailleurs, la réduction et l’ajout de l’alkylamine se font en milieu fermé. Pour cela, les flacons utilisés sont fermés avec des bouchons tricols, l’une des entrées permet d’injecter le réducteur et l’agent stabilisant. Ce système permet alors de travailler en milieu fermé.

Lorsque l’agent stabilisant est introduit avant le réducteur, il a été observé des sphères de l’ordre de 2 nm (Figure 2-5–B1). Il ne semble pas y avoir d’influence particulière du dioxygène. L’expérience a alors été répétée mais cette fois-ci en ajoutant l’agent stabilisant 60 minutes après la réduction (Figure 2-4). Il a été observé alors la formation de nanocubes de platine, d’une longueur de 5 nm (Figure 2-5–B2). D’autres expériences ont été menées en boîte à gants,

Chapitre 2 – Synthèse de nanoalliages

76

mais en vaisselle ouverte ou en faisant buller du diazote lors de la réduction. Dans ces condi-tions, il n’a pas été obtenu de nanocubes de platine. La formation de ces derniers semble alors donc être due la présence de dihydrogène dans le milieu réactionnel.

Figure 2-5 : Images MET de nanoparticules de Pt - C8NH2 obtenues en ajoutant l’agent stabilisant (1) avant et (2) après la réduction, (A) à l’air et (B) en boîte à gants (modifié d’après 185).

Avec ces différentes expériences, deux observations sont à noter. La première est la for-mation de nanoparticules sphériques de platine en ajoutant l’agent stabilisant avant le réduc-teur et ce quelle que soit l’atmosphère. La seconde concerne l’étonnante formation de nano-cubes de platine en ajoutant l’agent stabilisant après la réduction. Afin de mieux comprendre ces deux observations, le problème a été modélisé au Laboratoire de Chimie Théorique par le Dr

M. Calatayud et N. Aguilera-Porta185. b) Modélisation du système

La formation de particules anisotropes résulte le plus souvent d’une différence de vitesse de croissance de facettes sur des nanoparticules bien cristallisées. L’interaction entre deux fa-cettes du platine ((100) et (111)) et des molécules d’octylamine d’une part (Figure 2-6 et Figure 2-7) et l’hydrogène d’autre part (Figure 2-8) ont été modélisées. Ces modélisations ont été réali-sées par la théorie de la densité fonctionnelle périodique en utilisant le code VASP et la fonc-tionnelle Perdew−Becke−Erzernhof révisée185. Ces calculs ont pour but de comprendre comment les molécules en question interagissent avec le platine, ce qui permet de mieux expliquer les résultats observés en prenant en compte l’ajout de l’agent stabilisant avant ou après le réduc-teur.

L’énergie d’adsorption (Eads) de l’agent stabilisant sur le platine (Tableau 2-3) a été calcu-lée sur les plans (100) et (111). Celle-ci a été calcucalcu-lée comme étant une combinaison linéaire de l’énergie de l’octylamine en phase gazeuse seule (EM), avec N molécules (ENM) et l’énergie du plan atomique (Eplan) considéré :

Chapitre 2 – Synthèse de nanoalliages

77 Figure 2-6 : Vue de haut (à gauche) et vue de

profil (à droite) de l’adsorption de l’octylamine sur le plan (100) du platine185.

Figure 2-7 : Vue de haut (à gauche) et vue de profil (à droite) de l’adsorption de l’octylamine sur le plan (111) du platine185.

Figure 2-8 : Adsorption d’atomes d’hydrogènes sur les plans (100) et (111) du platine185.

(100) (111)

Eads/eV -1,16 -1,17

Tableau 2-3 : Énergies d’adsorptions de l’octylamine sur les plans (100) et (111) du platine185. Les résultats montrent que le C8NH2 s’adsorbent de manière équiprobable sur les plans (100) et (111), car les énergies Eads sur ceux-ci sont très proches l’une de l’autre. Cela bloque la croissance des nanoparticules dans ces deux directions. C’est pourquoi les nanoparticules for-mées sont petites (à cause du blocage de l’étape de croissance) et isotropes (car il y a adsorp-tion sur les deux plans 100 et 111).

(100) (111) Eads (100)/ Eads (111)

Eads de l’hydrogène/eV -0,37 -0,17 2,20 Eads de l’octylamine/eV -1,19 -1,16 1,03

Tableau 2-4 : Énergie d’adsorption calculée sur les plans (100) et (111)185.

L’influence de l’hydrogène a alors été étudiée sur les plans (100) et (111). Dans un premier temps, il a été montré qu’il y avait une dissociation du dihydrogène en hydrogène atomique, ce qui est en accord avec la littérature201–203. De plus, l’énergie d’adsorption sur le plan (100) est plus petite que celle du plan (111) (Tableau 2-4). Cela traduit donc la plus forte adsorption de l’hydrogène sur le plan (100) que sur le plan (111), l’optimum ayant été obtenu pour 7 atomes d’hydrogène. Ainsi, il y a une stabilisation plus forte du plan (100), bloquant alors la croissance de celle-ci (Figure 2-8). On parle alors d’empoisonnement du plan (100). C’est pourquoi la crois-sance se fait sur les autres plans atomiques (plans 111 et autres plans), qui vont au fur et à me-sure de l’étape de croissance disparaître. Ceci va alors donner lieu à des nanoparticules dont les

Chapitre 2 – Synthèse de nanoalliages

78

plans appartiennent à la famille {100}. L’empoisonnement de ce plan induit alors la formation de nanocubes de platine, où la taille est bien plus grande comparée à précédemment.

Lorsque l’on ajoute ensuite l’agent stabilisant, il y aura une substitution de l’hydrogène atomique par celui-ci car l’adsorption de l’amine est plus forte que celle de l’hydrogène (Tableau 2-4). L’étude a permis de montrer aussi que selon le rapport des énergies d’adsorption des plans (100) et (111), il était possible de prédire la forme de la nanoparticule synthétisée (Figure 2-9). Si ce rapport est supérieur à 1, les nanoparticules auront une forme cubique. A l’inverse, des nanoparticules octaédriques seront formées si ce rapport est inférieur à 1. Enfin, dans le cas où le rapport est proche de 1, les nanoparticules auront une forme octaédrique tron-quée. Cette évolution est en fait dépendante de la surpression de dihydrogène et explique pour-quoi la troncature évolue avec le temps de mûrissement185.

Figure 2-9 : Évolution de la forme de la nanoparticule en fonction du rapport d’énergie d’adsorption entre les plans (100) et (111)185.

Cette étude a permis de montrer qu’il était possible de contrôler la forme par un change-ment des conditions environnechange-mentales et expérichange-mentales, induisant aussi une croissance aniso-trope des nanoparticules. Cet échange théorie–expérience permet aussi une meilleure compré-hension des phénomènes de croissance qui ont lieu durant la synthèse par TPLL. Ce résultat nous conforte dans l’idée qu’il est possible de contrôler la forme de nanoparticules.

Figure 2-10 : Cliché MET de nanocubes de platine obtenu à l’air en vaisselle fermée. Ainsi durant la thèse, nous avons réalisé une expérience test afin de montrer que seule la présence du dihydrogène suffisait à la formation de nanocubes de platine comme le prédit la modélisation présentée ci-dessus. Pour cela, nous avons réalisé une synthèse à l’air mais en vais-selle fermée, en ajoutant le réducteur (par l’intermédiaire d’un bouchon tricol) avant l’agent stabilisant. Les réactifs ne sont donc pas dégazés et aucune précaution particulière n’a été prise quant aux conditions environnementales. Dans ces conditions, des nanocubes de platine de 5 nm

Chapitre 2 – Synthèse de nanoalliages

79

ont été obtenus (Figure 2-10). Cette expérience montre donc qu’il est nécessaire et suffisant de se placer en milieu fermé et que la surpression de dihydrogèneet la passivation des surfaces par l’hydrogène sont à l’origine de la formation des nanocubes de platine, l’utilisation de la boîte à gants est donc inutile ici.

Partant de l’expérience acquise sur les nanocristaux de platine, nous avons mené des études sur la synthèse et le contrôle de forme de nanoalliages bimétalliques, à base de platine, d’intérêts catalytiques mais surtout magnétiques.

II) Synthèse par transfert de phase liquide-liquide de nanoalliages