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Les méthodes de quantification de l’état redox des thiols

A. Les techniques de marquage des thiols oxydés

5. Les méthodes de quantification de l’état redox des thiols

La méthode de purification des protéines oxydées par la Biotine-HPDP ne permet pas d’estimer l’état d’oxydation in vivo des protéines. Pour quantifier l’oxydation de chaque protéine, nous avons combiné cette analyse essentiellement qualitative avec les méthodes de marquage des thiols oxydés par le NEM C14 ou le NEM fluorescent, à partir desquelles nous avons proposé une méthode de calcul de l’état redox des protéines.

a. Le NEM C

14

Le marquage des thiols totaux et oxydés par le NEM C14 a été réalisé selon le protocole décrit précédemment (voir figures 4 et 6, paragraphe A.3.a). Les signaux ont été détectés par autoradiographie et quantifiés grâce au logiciel ImageQuant du Phosphorimager après une période d’exposition identique des gels (figure 15 A, B) (voir NOTE3). Nous observons que le marquage des thiols totaux (figure 15B) par le NEM C14 produit un signal nettement supérieur à celui des thiols oxydés (figure 15A). La quantification de ces signaux radioactifs nous a permis de calculer un indice d’oxydation pour chaque protéine (voir tableau 1).

i. Définition de l’indice d’oxydation des protéines

Nous avons déterminé un indice d’oxydation des protéines (Iox) reposant sur la

différence des signaux émis entre les thiols totaux (Stot) et les thiols oxydés (Sox)

(figure 15C). La valeur Stot représente la quantité totale de protéine en fonction du

nombre de thiols présents dans la protéine, tandis que la valeur Sox reflète non

seulement la quantité de protéine sous forme oxydée, mais aussi le nombre de thiols oxydés par protéine, celui-ci n’étant pas toujours égal au nombre total de cystéines par protéine. Compte tenu de toutes ces variables, nous avons ajouté deux paramètres permettant de calculer plus précisément l’indice d’oxydation des protéines: le nombre total de cystéines par protéine (Ncys) et le nombre de thiols oxydés (Nox) par protéine, que nous avons défini arbitrairement à 1 (Nox=1). L’indice d’oxydation correspond donc à la formule Iox=(Sox/Nox)/(Stot/Ncys) et doit normalement

être compris entre 0 et 1. Bien entendu, cet indice d’oxydation peut être supérieur à 1 lorsque le nombre de thiols oxydés par protéine est lui-même supérieur à 1, indiquant que le Nox peut être sous estimé (Nox=1) dans notre calcul du Iox.

Figure 15. Evaluation de l’état d’oxydation des protéines par marquage des thiols totaux et oxydés par NEM C14.

(A) Marquage des thiols oxydés par le NEM C14 (voir figure 4). (B) Marquage des thiols totaux par le NEM C14 (voir figure 6). (C) Définition de l’indice d’oxydation des protéines (Iox). (D-E) Les protéines sont extraites en milieu acide à partir des souches

invalidées pour TSA1 ou SOD1 et transformées respectivement par Tsa1-Myc et Sod1-Myc. Les protéines sont ensuite solubilisées en tampon dénaturant TES contenant soit 50 mM de NEM (D) soit 15 mM d’AMS (E), puis déposées sur un gel SDS-PAGE contenant (E) ou non (D) du "-mercaptoéthanol, et révélées après un western blot avec l’anticorps anti-Myc dirigé contre les étiquettes des deux protéines.

NOTE3: le signal Sox observé dans la figure 15A est inférieur au signal obtenu dans la figure 4A car Marquage radioactif des thiols oxydés (Sox)

A.

Marquage radioactif des thiols réduits totaux (Stot)

B.

Iox= Sox / Nox Stot / Ncys = SCAMCAMS /Nox S S /Ncys

C.

/

/

Nox = nombre de cystéines oxydées par protéine (Nox = 1) Ncys = nombre de cytéines par protéine

NEM C14 NEM C14 Pdi1 Sod1 !tsa1 dimère Tsa1-Myc (oxydé) monomère Tsa1-Myc (réduit)

D.

E.

Sod1-Myc 0 AMS Sod1-Myc/!sod1 Sod1-Myc 2 AMS AMS DTT-AMS réduit oxydé S S NEM C14 NEM C14 S S NEM C14 NEM C14

ii. Calcul de l’indice d’oxydation des protéines

Nous n’avons pas réussi à calculer un Iox pour toutes les protéines oxydées

car le signal Sox obtenu est très diffus pour certaines protéines (voir tableau 1).

Toutefois, la majorité des protéines, pour lesquelles nous avons pu calculer cet indice, possède un Iox compris entre 0,1 et 0,4, excepté certaines dont l’indice est

supérieur à 1, pour les raisons que nous avons indiquées ci-dessus. Par exemple, la Pdi1 «Protéine Disulfure Isomérase» est une oxydase du réticulum endoplasmique contenant quatre cystéines oxydées (Nox=4) (Frand and Kaiser, 1999), (Xiao et al., 2004), ce qui explique son indice d’oxydation supérieur à 1 (Iox= 2,98). De même, la

Sod1 «Superoxyde Dismutase» est une protéine oxydée contenant deux cystéines sous forme d’un pont disulfure intramoléculaire (Nox=2) (Furukawa et al., 2004), ce qui corrèle avec son indice d’oxydation de 1,22. Bien que l’Iox ne fournisse qu’une

valeur approximative de l’état d’oxydation des protéines (Nox inconnu dans la plupart des cas), il reflète bel et bien cet état d’oxydation in vivo, puisque des protéines comme la Sod1 ou la Pdi1, connues pour être majoritairement sous forme oxydée dans la cellule, possèdent un Iox élevé.

iii. Vérification de la corrélation entre la valeur Iox calculée et la quantification

de l’état redox de Tsa1 et Sod1 en western blot

Nous savons que ces protéines contiennent deux thiols sous forme d’un pont disulfure intermoléculaire pour Tsa1 (voir introduction III.B.1a) et intramoléculaire pour Sod1 (voir ci-dessus). Il était intéressant de vérifier que l’Iox calculé pour ces

protéines avec Nox=1 reflétait bien leur état redox visualisé en western blot. Ceci nous a en particulier permis de tester le biais du calcul de l’Iox. Les deux protéines

sont extraites en milieu acide à partir des souches $tsa1 et $sod1, transformées respectivement par Tsa1-Myc ou Sod1-Myc. Les protéines sont ensuite solubilisées en tampon dénaturant contenant du NEM pour Tsa1, de l’AMS pour Sod1 et déposées sur un gel SDS-PAGE non réduit pour Tsa1 et réduit pour Sod1. Après un western blot révélé par l’anticorps anti-Myc, l’état d’oxydation des deux protéines est quantifié à l’aide du logiciel Image Quant. La proportion de la forme oxydée dimérique de Tsa1 est estimée à 12% (figure 15D) et la forme oxydée inaccessible à l’AMS de Sod1 à 95% (figure 15E). Ces valeurs sont différentes de l’Iox calculé de

0,22 pour un Nox=2 pour la Tsa1 et de 0,61 pour un Nox=2 pour la Sod1, indiquant la valeur approximative de cet indice d’oxydation des protéines.

iv. Comparaison avec le calcul de l’état d’oxydation des protéines réalisé par d’autres auteurs

Leichert et Jakob (Leichert and Jakob, 2004) ont développé une méthode de quantification des thiols oxydés chez E.coli, permettant de calculer d’une façon plus appropriée cet indice d’oxydation. Pour cela, ils effectuent une extraction des protéines et un marquage différentiel des thiols oxydés par de l’IAM C14, selon des méthodes similaires à celles que nous avons utilisées. Les protéines marquées sont ensuite soumises à une électrophorèse bidimensionnelle suivie d’une coloration au bleu de Coomassie et d’une autoradiographie. Les auteurs déterminent alors un indice d’oxydation correspondant au rapport entre le signal radioactif émis par la protéine oxydée marquée et le signal correspondant à la quantité de cette protéine, mesurée au bleu de Coomassie. Cet indice reflète donc une «activité spécifique» des protéines oxydées. De plus, les auteurs s’affranchissent du signal non spécifique produit par l’IAM C14 en déterminant une valeur seuil arbitraire en deçà de laquelle le signal obtenu est non significatif (Leichert and Jakob, 2004).

Nous n’avons pas pu appliquer cette méthode de quantification à notre étude de l’état d’oxydation des thiols pour trois raisons: (i) la coloration au bleu de Coomassie provoque une forte diminution du signal car nous utilisons une quantité d’agent alkylant radiomarqué inférieure (2 mM de NEM C14 contre 100 mM d’IAM C14), ceci impose une augmentation des temps d’exposition des gels bidimensionnels avant autoradiographie; (ii) nous ne pouvons pas utiliser une quantité identique d’agent alkylant radiomarqué car la concentration de notre solution initiale de NEM C14 est de 13,3 mM; (iii) l’IAM C14 n’est pas un produit disponible commercialement.

v. Limites de la méthode de quantification par le NEM C14

L’inconvénient principal de notre méthode de quantification, est que le marquage par le NEM C14 des thiols totaux est réalisé indépendamment du marquage des thiols oxydés, rendant ainsi difficile la comparaison des signaux radioactifs des gels bidimensionnels de deux expériences distinctes. Nous avons pu voir également que le calcul du rapport des signaux radioactifs émis par les thiols oxydés (Sox) et les thiols totaux (Stot) établit un indice d’oxydation approximatif,

6). Nous avons donc cherché à améliorer la quantification de l’état d’oxydation des thiols en exploitant notre méthode de marquage des thiols réduits et oxydés par le NEM fluorescent.

b. Le NEM fluorescent

La méthode de marquage des thiols réduits par le NEM-680 (rouge) puis des thiols oxydés par le NEM-780 (vert) permettant de visualiser l’état redox des thiols au sein d’un même extrait de protéines, est décrite dans le paragraphe A.3.b (figures 7- 10). Le principal avantage de cette méthode est la détection simultanée des signaux émis par les deux fluorophores, ce qui permet de comparer précisément le marquage des thiols réduits et oxydés dans une seule et même expérience.

i. Quantification de l’état d’oxydation des protéines

Après une électrophorèse bidimensionnelle, les protéines marquées par le NEM-680 puis par le NEM-780 peuvent être détectées séparément (figure 16 A et B) ou simultanément (figure 16C). Nous distinguons donc trois catégories de protéines en fonction de la couleur du signal émis: rouge pour les protéines réduites, vert pour les protéines oxydées et jaune pour les protéines sous les deux formes. Le marquage vert de certaines protéines de la figure 16C (flèches) indique leur présence sous une forme majoritairement oxydée dans une souche sauvage en phase de croissance exponentielle. Ces observations correspondent bien à celles que nous avons faites après marquage des thiols oxydés et totaux par le NEM C14 (Le Moan et al., 2006). De plus, Sod1 et Pdi1 apparaissent en vert, confirmant ainsi les indices d’oxydation élevés déterminés par la méthode de quantification précédente (voir paragraphe A.5.a).

La fluorescence émise par le NEM 680 et 780 est mesurée simultanément par l’Odyssey®, qui détermine un rapport d’intensité de chaque signal en fonction du nombre de pixels détectés sur une surface définie. Cette valeur nous permet d’apprécier l’état redox d’une protéine, c’est-à-dire si elle est majoritairement présente sous une forme oxydée ou réduite. Cette méthode nous permet également de calculer précisément la variation de l’état redox des thiols ($Iox), définie par le

rapport entre les signaux émis à 680 et 780 nanomètres dans deux conditions de culture ou de traitement différents (figure 16D).

Figure 16. Visualisation de l’état redox des thiols après marquage des thiols réduits et oxydés par le NEM-fluorescent.

Le marquage des thiols réduits et oxydés par le NEM fluorescent est réalisé de façon identique à la figure 10 sur des protéines extraites en milieu acide à partir d’une souche sauvage. 5 µg de protéines marquées sont soumises à une électrophorèse bidimensionnelle dans des conditions non réductrices et révélées par fluorimétrie avec l’Odyssey® à 680 nanomètres (A), à 780 nanomètres (B) ou simultanément (C). (D) La variation de l’état redox des protéines est défini par le $Iox.

thiols réduits (NEM-680) thiols oxydés (NEM-780)

superposition des signaux (NEM-680 et 780)

D.

A.

""""I

ox SV 1 / SR1

/

SV2 / SR2 =

B.

C.

Pdi1 Sod1

“S”: signal fluorescent vert (V) ou rouge (R)

ii. Comparaison avec d’autres méthodes de quantification des thiols oxydés

Dans leur étude, Baty et Winterbourn (Baty et al., 2005) ont marqué les résidus cystéines oxydés avec de l’iodoacétamide-fluorescéine (IAF) selon une méthode similaire à la notre. L’IAF produit un signal non spécifique assez similaire à celui que nous obtenons avec le NEM fluorescent (Baty et al., 2002). Les auteurs quantifient l’oxydation des thiols à l’aide d’un logiciel PDQuestTM capable d’aligner les images des différents gels bidimensionnels. Les protéines dont l’intensité de marquage par l’IAF augmente ou diminue dans 3 expériences indépendantes sont considérées comme modifiées dans leur état d’oxydation (Baty et al., 2005). Cependant, l’utilisation d’un seul fluorophore pour marquer les protéines oxydées ne permet pas de quantifier précisément la variation de l’état redox des thiols.

iii. Limites de notre méthode de quantification par le NEM fluorescent

Contrairement à la méthode NEM C14, notre méthode de marquage des thiols par le NEM-fluorescent ne permet pas de déterminer précisément le nombre de thiols oxydés et réduits au sein d’une protéine, pour trois raisons: (i) l’IAM possède une affinité différente du NEM fluorescent pour les thiols (voir paragraphe A.3.b, et figure 7); (ii) nous avons pu observer que l’affinité du NEM-680 envers les thiols d’une protéine n’est pas identique à celle du NEM-780 (figure 10); (iii) l’appareil Odyssey® propose une valeur d’intensité du signal fluorescent émis différente entre le NEM-680 et le NEM-780 pour une concentration identique (donnée non illustrée). Cette méthode permet néanmoins de comparer de façon très précise la variation de l’état redox des protéines ($Iox) dans des conditions strictement identiques de marquage et

de migration des protéines.

Nous désirons améliorer ultérieurement cette méthode de quantification de l’état redox des thiols grâce à un contrôle interne de la quantité de protéines, obtenu par marquage par un autre fluorophore d’un acide aminé de référence, autre que le résidu cystéine (Chan et al., 2005).