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Les méthodes d’estimation des distances

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 54-58)

3.4 LA PERCEPTION DES DISTANCES EN REALITE VIRTUELLE ET AUGMENTEE

3.4.1 Les méthodes d’estimation des distances

La perception visuelle, ainsi que ses composantes, telle que l’appréciation des distances étant des phénomènes conscients subjectifs, leur observation directe est impossible par une tierce personne. Dans ce contexte, les chercheurs ont dû établir des méthodes pour contourner ce problème en mesurant un comportement utilisateur qui est théoriquement relié à ses percepts. Dans la littérature, on retrouve différents types de méthode d’évaluation permettant de mesurer la perception des distances. Loomis et Knapp (2003) distinguent trois catégories : l’estimation verbale, l’action en boucle ouverte, l’action en boucle fermée.

53 3.4.1.1 Estimation verbale

Dans ce type de méthode, les sujets doivent estimer consciemment la distance d’un élément virtuel affiché. Il existe deux variantes de ce protocole.

La première consiste à estimer la distance absolue entre eux et l’objet. Ils énoncent ensuite à voix haute, ou par écrit, la valeur de cette distance égocentrique dans le système métrique de leur choix (mètre, yard, pied, etc.).

La deuxième variante consiste à évaluer la distance relative de l’élément virtuel affiché par rapport à un autre élément de référence (virtuel ou réel). Les sujets doivent alors indiquer si l’objet en question se trouve plus loin ou plus proche que le référent.

3.4.1.2 Action en boucle ouverte

Dans ce type de méthode, Les participants perçoivent l’objet à estimer puis, dans un deuxième temps, doivent effectuer une action leur permettant d’indiquer la position de l’objet sans le voir. La technique la plus répandue est celle du déplacement aveugle (Blind Walking) où les participants doivent se déplacer les yeux fermés jusqu'à la position de l’objet précédemment vu. Ainsi, les actions des sujets sont effectuées sans aucun feedback visuel leur permettant de corriger ou affiner la position visée et la position d’arrivée des sujets correspond à la distance estimée de l’objet perçu initialement.

Pour l’estimation à longue distance, il existe une variante nommée déplacement triangulé (Triangular walking) qui permet de limiter la distance à parcourir par les participants tout en obtenant une estimation relativement précise. Il s’agit ici de demander aux sujets d’observer un objet, puis de faire quelques pas de côté, les yeux fermés, puis de tendre le bras dans la direction de la cible.

Dans le domaine de la RV, une dernière variante de cette méthode a été développée afin de compenser la mobilité réduite dans ce type d’environnement. Cette approche, nommée déplacement sur tapis roulant (Treadmill Walking), permet aux sujets de parcourir de longues distances (virtuelles) malgré les contraintes matérielles des dispositifs de RV (câbles, taille de la salle, obstacles, etc.). La technique est identique à celle du Blind walking sauf que les sujets se déplacent ici sur un tapis roulant.

3.4.1.3 Action en boucle fermée

A l’instar de l’approche précédente, il s’agit ici aussi de demander aux participants d’effectuer une action dans l’environnement permettant d’indiquer la position d’un objet perçu. La différence réside dans le fait qu’ici, les sujets perçoivent en continu l’objet à estimer et donc que la boucle sensori-motrice n’est pas coupée.

La première variante de cette technique, appelée déplacement dirigé par la vue (visually directed walking ou Direct walking), consiste à faire déplacer les sujets jusqu’à la position de l’objet perçu et, contrairement au Blind walking, ils perçoivent un feedback visuel continu de leur action sur la position de l’objet à estimer. De même, on retrouve ici, aussi, les techniques de déplacement sur tapis roulant et déplacement triangulé avec la perception continue de l’objet.

Parmi les approches en boucle fermée, on trouve dans la littérature une technique basée sur le déplacement d’un objet tiers pour correspondre à la

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distance de l’objet à estimer. Dans ce type de méthode nommée correspondance perceptuelle (Perceptual Matching), les participants n’ont donc pas à se déplacer physiquement, mais à manipuler un dispositif pour ajuster la position d’un objet cible jusqu'à ce qu’elle corresponde à la position d’un objet de référence. Il existe deux variantes de cette approche. Dans la première, les sujets doivent déplacer un objet virtuel jusqu’à la position d’un référent réel et, inversement, dans la deuxième, un objet réel est manipulé jusqu’au niveau de la position perçue d’un référent virtuel.

3.4.1.4 Comparaison des méthodes

Les différentes méthodes présentées précédemment, au-delà des aspects pratiques, diffèrent aussi par leur efficacité et la précision des réponses obtenues. En effet, comme le montrent certaines études, ces méthodes ne permettent pas toutes de recueillir aussi précisément les distances perçues par les observateurs.

Par exemple, dans Singh, Swan Ii, Jones et Ellis (2010), les auteurs ont comparé les techniques d’estimation par action en boucle fermée et en boucle ouverte sur des distances proches. Dans le premier cas, les participants devaient déplacer un objet réel (une lampe) jusqu'à la position d’un objet virtuel.

Dans le deuxième cas, les sujets déplaçaient leur main sous la table jusqu'à ce qu’ils considèrent qu’elle était à la même distance que l’objet virtuel affiché. Les utilisateurs ne pouvant percevoir les deux éléments simultanément, il s’agit bien d’une action en boucle ouverte. Leurs résultats indiquent un effet significatif important du mode d’estimation sur la précision des réponses et, notamment, que la technique en boucle ouverte induit une sous-estimation plus importante qu’en boucle fermée, comme le montre la figure suivante.

Figure 27 : Effet du mode d'estimation sur la précision des réponses : à g. issue de Singh et al. (2010), au centre, issue de Swan Ii, jones, Kolstad, Livingston et

Smallman (2007), à d. issue de Jerome et Witmer (2008).

De plus, nous pouvons aussi remarquer que les écarts-types sont plus importants en boucle ouverte qu’en boucle fermée, indiquant une variabilité des réponses plus importante.

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De leur côté, Swan Ii et al. (2007) ont comparé la technique de Blind Walking et de verbal report lors d’une expérimentation à moyenne distance (3 à 7 m) sur des objets réels et virtuels. Les résultats sont similaires à l’étude précédente et indiquent une sous-estimation et une variabilité (intra et inter-individuelle) des réponses plus importante en verbal report qu’en Blind Walking et ce, quelque soit le type d’environnement (réel, RA ou RV). Jerome et Witmer (2008) ont aussi comparé la technique de verbal report mais cette fois à la méthode de perceptual matching. Leurs résultats indiquent que les réponses des participants sont plus précises avec la technique de perceptual matching (nommée Replication dans la figure) et que même en environnement réel, la technique d’estimation verbale ne permet pas de refléter précisément les distances perçues par des utilisateurs non entrainés à ce type de tâche. Enfin, dans l’étude de Livingston, M., Zanbaka, Swan Ii et Smallman (2005), les auteurs ont comparé les deux types de variantes de la technique de correspondance perceptuelle. Dans le premier cas, les participants devaient déplacer l’objet virtuel jusqu'à la position d’un référent réel via un trackball, et dans le deuxième cas, l’expérimentateur déplaçait un objet réel jusqu'à la position indiquée par le participant (technique du magicien d’Oz). Leurs résultats n’ont montré aucune différence significative entre ces deux types de technique.

3.4.1.5 Conclusion sur les méthodes

En résumé, les techniques en boucle fermée et notamment de correspondance perceptuelle semblent être la meilleure approche pour estimer les distances perçues par des observateurs sans introduire de biais dans les résultats obtenus.

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