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Influence des caractéristiques du restituteur

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 59-63)

3.4 LA PERCEPTION DES DISTANCES EN REALITE VIRTUELLE ET AUGMENTEE

3.4.2 Les causes de la sous-estimation des distances

3.4.2.1 Influence des caractéristiques du restituteur

Dans un système de RV ou de RA, le restituteur tient une place importante car il sert à afficher les éléments virtuels et permet à l’utilisateur de les percevoir. Il s’agit donc d’un maillon essentiel dans la chaîne de traitement de l’information visuelle qui a d’ailleurs été l’un des premiers à être suspecté de causer ce phénomène de sous-estimation des distances. Les effets de plusieurs caractéristiques des restituteurs ont été mesurés au travers de différentes études et, particulièrement, la réduction du champ visuel induite par l’utilisation de restituteur de type HMD.

Par exemple, dans Creem-Regehr, Willemsen, Gooch et Thompson (2003), les auteurs ont effectué plusieurs expérimentations sur l’effet de la réduction du champ visuel sur la perception des distances. Dans leur première étude, ils ont testé si la perception de nos pieds, de notre corps et du sol sous nos pieds était nécessaire pour estimer précisément les distances egocentriques. Les sujets étaient équipés d’un grand disque en carton fixé autour de leur cou afin de masquer le sol autour d’eux sur un rayon de 1,5m. Les auteurs ont ainsi comparé la précision d’estimation des distances entre la situation champ visuel (inférieur) réduit par rapport à la situation contrôle (sans le disque). Leurs résultats indiquent qu’il n’y a pas de différences significatives entre les deux conditions et, donc, que la vision du sol proche et du corps n’est pas une condition nécessaire et indispensable pour avoir une perception précise des distances egocentriques.

Dans leur seconde expérimentation, Creem-Regehr et al. ont cherché, cette fois-ci, à évaluer l’impact de la réduction du champ visuel horizontal sur la perception des distances. Mais, par ailleurs, certains auteurs (Loomis & Knapp, 2003; Wu, Klatzky, Shelton, & Stetten, 2005) ont aussi montré que la rotation de la tête en condition de champ visuel réduit avait une influence sur la perception des distances. Par conséquent, Creem-Regehr et al. ont pris en compte ce facteur dans leur protocole en intégrant une condition expérimentale supplémentaire où les utilisateurs ne pouvaient pas bouger la tête. Les résultats de leur étude indiquent qu’il n’y a pas de différence dans l’estimation des distances entre la situation contrôle et celle avec le champ de vision réduit.

Cependant, une différence significative entre la condition champ visuel réduit et champ visuel réduit plus rotation de la tête bloquée a été trouvée.

Cela implique que la privation de rotation de la tête conduit à l’apparition du phénomène de sous-estimation des distances en situation de champ visuel réduit. Les auteurs concluent d’ailleurs que c’est, peut être, cette condition qui a induit les résultats obtenus dans les études précédentes où ce facteur n’était

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La taille réduite du champ visuel des HMD n’est pas la seule caractéristique suspectée de provoquer ce problème de sous-estimation des distances. Le poids et le volume important des restituteurs de type HMD ont ainsi été étudiés par Willemsen, Colton, Creem-Regehr et Thompson (2004) afin d’évaluer leur impact. Plus précisément, ces auteurs ont considéré que la masse et le moment d’inertie d’un restituteur HMD pouvaient avoir une incidence sur l’estimation des distances. Dans leur expérimentation, ils ont fabriqué une réplique d’un HMD similaire en masse, moment d’inertie et restriction du champ visuel et les ont comparés entre eux ainsi qu’a une situation contrôle (configuration de vision naturelle). La situation HMD + RV obtient le plus fort effet de sous-estimation des distances, phénomène qui apparaît aussi mais de façon moindre, dans la condition réel + maquette HMD. Les auteurs concluent que ces aspects mécaniques des HMD ne peuvent à eux seuls expliquer l’ampleur du phénomène de sous-estimation mais peuvent en partie être impliqués. Dans cette étude, le facteur majoritaire causant cet effet reste donc la restitution en RV. Il semblerait donc que ce soit essentiellement la nature synthétique de l’environnement et de l’objet à estimer qui provoque le phénomène de sous-estimation.

Parmi le large nombre de restituteur HMD, on peut les distinguer selon, en autre, deux critères principaux: 1) la visualisation (video ou optical see-through ou immersif) et 2) la restitution (monoculaire ou bi-oculaire ou binoculaire). Ces différents types de système ont des avantages et inconvénients intrinsèques pouvant avoir des répercussions sur l’expérience utilisateur. Il est donc raisonnable de s’interroger sur l’impact de ces facteurs sur la perception des distances egocentriques.

Dans la littérature, la majorité des études portant sur la perception des distances en RA a employé des restituteurs de type optical see-through. L’effet de sous-estimation des distances a été régulièrement observé avec ce type de système (Ellis & Bucher, 1994; Jones, Edward Swann II, Singh, Kolstad, & Ellis, 2008; Livingston, M. et al., 2005; Rolland & Arthur, 1997; Swan Ii et al., 2007;

Swan Ii et al., 2005);. De même, certaines études (Knecht, Dünser, Traxler, Wimmer, & Grasset, 2011; Wither & Höllerer, 2005) mettent en évidence le même phénomène en utilisant des HMD de type video see-through.

Cependant, mis à part les travaux de Rolland et Fuchs (2000) qui présentent une revue des avantages et inconvénients des HMD vidéo et optical see-through, il n’y a, à notre connaissance, aucune étude comparative entre ces deux types de solution vis-à-vis de la perception des distances. Le seul aspect identifié à ce sujet par Rolland et Fuchs, est le fait que les systèmes employant des restituteurs vidéo see-through peuvent plus facilement créer l’occlusion locale entre un objet virtuel et un autre réel. Les auteurs concluent donc qu’un léger avantage peut être donné aux vidéo see-through sur la perception des distances compte tenu du fait que l’occlusion est l’un des indices visuels de profondeur les plus puissants (Cutting & Vishton, 1995).

Concernant le type de restitution, la majorité des études a employé des systèmes de RA/RV équipés de HMDs binoculaires. Dans le domaine de la RV, ce choix s’explique par le fait que l’immersion dans un environnement virtuel est meilleure via l’utilisation de ce type de restituteur.

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De plus, la restitution binoculaire permet de fournir une vision stéréoscopique aux utilisateurs ce qui contribue de façon importante à courte distance à la perception de la profondeur (Cutting & Vishton, 1995). Même si l’essentiel des études ayant rapporté l’observation du phénomène de sous-estimation des distances a été basé sur l’emploi de HMD Binoculaire (Ellis & Bucher, 1994;

Ellis, Menges, Barfield, & Caudell, 1998; Livingston, M. et al., 2005; Rolland &

Arthur, 1997; Swan Ii et al., 2005; Wither & Höllerer, 2005), il y a cependant quelques études, dans la littérature, qui ont comparé la perception des distances en situation monoculaire et binoculaire. A notre connaissance, la première étude à été celle de Ellis et al. (1998) dans laquelle ils ont employé un restituteur « artisanal » optical see-through qui leur permettait d’afficher l’objet virtuel soit devant un seul œil, soit devant les deux. Ces travaux ont comparé l’effet de la condition de visualisation (monoculaire, bi-oculaire, stéréoscopique) sur la perception de la distance d’un objet virtuel proche (58 cm). Les résultats de cette expérimentation montrent que lorsque les indices binoculaires de profondeur sont supprimés, les performances des utilisateurs se dégradent. En effet, en condition monoculaire, tous les sujets tendent à surestimer la distance de l’objet virtuel. Les auteurs expliquent ce phénomène par l’interaction de plusieurs facteurs. Tout d’abord, en condition monoculaire, le seul indice de profondeur disponible est la nécessité d’accommodation de l’œil concerné.

Dans le cas d’un objet de taille physique inconnue présentant des indices de profondeur ambigus, l’objet tend à être perçu comme étant situé à une distance comprise entre 2 et 3 m. De plus, en l’absence d’indices de profondeur fiables, l’accommodation et la vergence oculaire « se relaxe » à une position de repos entre 1 et 2 m. Enfin, un dernier aspect particulier de l’expérimentation pourrait être impliqué dans ce résultat. Dans ce dispositif expérimental, les sujets sont assis face à un mur gris situé environ à 2,2m. Il est donc fort probable que cet élément fortement texturé puisse constituer un point d’accroche visuel sur lequel les yeux des sujets ont pu converger et accommoder. En résumé, tous ces facteurs entraînant une convergence et une accommodation « de repos » plus lointaine que la position de l’objet virtuel (58 cm), pourraient être la cause de la surestimation des distances observée, sachant, qu’en condition monoculaire, l’accommodation était le seul indice de profondeur disponible dans ce protocole.

Dans une étude postérieure (McCandless, Ellis, & Adelstein, 2000), le même protocole a été appliqué et, dans cette expérimentation, les auteurs ont cherché à évaluer l’interaction entre la latence de rafraîchissement de l’image et la perspective de mouvement (motion parallax) sur l’estimation de la profondeur d’un objet augmenté en monoculaire. Les résultats de cette étude sont cohérents avec ceux de l’expérimentation précédente (Ellis et al., 1998) dans le sens où toutes les appréciations de profondeur de l’objet ont été surestimées quand celui-ci était situé à 75cm. Mais à partir de 95cm, on observe une inversion du sens des erreurs et les réponses des sujets sont toutes sous-estimées, quelle que soit la condition expérimentale et on retrouve, alors, le phénomène classique largement observé.

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Dans l’étude de Jurgens, Cockburn et Billinghurst (2006), les auteurs ont comparé l’efficacité de différentes représentations en RA dans une application particulière. Les sujets devaient, ici, planter un poteau à un endroit précis à l’aide des informations affichées en RA. Cette tâche nécessite une bonne perception de la distance du poteau pour pouvoir le positionner correctement.

Dans cette expérimentation, les auteurs ont comparé différents modes de visualisation dont une condition monoculaire, une condition binoculaire ainsi que plusieurs représentations graphiques en RA de la position et de la distance.

Leurs résultats indiquent qu’il n’y a pas de différences significatives entre les différents modes de représentation ni de différences entre la condition monoculaire et binoculaire. Les auteurs expliquent ce résultat par le fait que les sujets se sont d’avantage basés sur des indices kinesthésiques pour positionner le poteau que sur les indices visuels. Il est donc difficile de conclure sur l’effet de la condition de visualisation sur la perception des distances dans cette expérimentation.

Contrairement à l’étude précédente, Creem-Regehr et al. (2003) ont cherché spécifiquement à comparer la restitution monoculaire et binoculaire sur la perception des distances en environnement réel. Dans cette expérimentation, la condition monoculaire était obtenue en masquant l’œil non-dominant, afin que la restitution de l’environnement et de la cible ne soient perceptibles que par l’œil directeur. Les résultats de cette étude n’indiquent pas de différences significatives entre les deux conditions de visualisation. Le seul effet observé est celui d’une augmentation de la variabilité de l’erreur, lorsque la distance effective de la cible augmente. Globalement, les différents travaux de Creem-Regehr et al. sur la perception des distances montrent, qu’en environnement naturel (la majorité des indices visuels de profondeur étant disponible), la seule restriction du champ visuel ou la restitution en monoculaire seul ne suffisent pas à expliquer la constatation récurrente de sous-estimation en environnement virtuel ou augmenté. De même, dans l’étude de Willemsen et al. (2005) les résultats n’ont montré aucune différence dans les estimations des distances en RV entre les conditions monoculaire, bi-oculaire et binoculaire dans un HMD.

Toutes les distances ont été sous-estimées quelque soit le type de restitution.

En résumé, l’ensemble des résultats présentés ici permet raisonnablement de conclure sur plusieurs points. Tout d’abord, le type de restituteur en soi n’influence pas l’apparition du phénomène de sous-estimation des distances, car il a été observé sur les différents types de HMD possibles. Ensuite, la réduction du champ visuel induit par le port d’un HMD n’est pas non plus un facteur unique d’apparition de cet effet. Les causes de ce problème sont à trouver dans d’autres facteurs impliqués dans la perception des distances en RA.

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