• Aucun résultat trouvé

MISE EN ÉVIDENCE D’UN SYSTEME DE MESURE DE LA PERFORMANCE ENVISAGEABLE POUR LA

2.2.3 Les méthodes de conception des SMP

2.2.3 Les méthodes de conception des SMP

Il existe plusieurs méthodes de conception des systèmes de mesure de la performance (SMP), soient des processus permettant de développer un SMP. Certaines sont utilisées à un niveau stratégique, d’autres à un niveau opérationnel et enfin certaines permettent la mise en évidence des relations de cause à effet entre les indicateurs de performance (Tableau 11 page 89).

Des méthodes sont plus particulièrement utilisées au niveau stratégique comme le « Cambridge Performance Measurement Process » (CPMP) et l’ « Integrated Performance Measurement Framework » (IPMF).

Le « Cambridge Performance Measurement Process » (CPMP) est un processus de développement des systèmes de mesure de la performance en trois phases (Bourne et al., 2000) : la conception du SMP moyennant une définition des mesures et objectifs, la mise en œuvre des mesures par la mise en place des processus de collecte des données et l’utilisation du SMP pour l’action. La phase de conception peut être décomposée en dix étapes (Neely et al., 2000) : le regroupement des produits, la mise en évidence des objectifs, la mise en évidence de mesures par rapport aux objectifs, la validation des mesures principales, l’intégration des mesures principales, l’identification des drivers de performance, la mise en évidence des drivers de performance clef, l’identification des drivers de performance par mesure, la validation des drivers de performance par mesure et l’intégration des drivers de performance par mesure. Cette méthode a été appliquée à des entreprises de production dans le secteur de l’automobile et l’aérospatiale. Cependant, le développement des mesures opérationnelles est décrit comme un processus optionnel alors que cette étape est nécessaire au développement du SMP (Pun et White, 2005). De plus, le modèle n’aborde pas particulièrement les relations de cause à effet entre les indicateurs de performance et ne propose pas de modélisation des processus.

L’ « Integrated Performance Measurement Framework » (IPMF) (Medori et Steeple, 2000) est une méthode de conception des SMP en six étapes pour le niveau stratégique. L’étape 1

consiste en la définition de la stratégie de l’entreprise. L’étape 2 est une grille de mesures croisant la stratégie définie en 1 et les priorités compétitives. L’étape 3 est la mise en place d’une liste d’indicateurs. L’étape 4 consiste à comparer cette liste à celle des indicateurs existants dans l’entreprise. L’étape 5 est la mise en place des mesures et l’étape 6 est la maintenance de ces dernières. Les auteurs mettent l’accent sur un intérêt particulier de cette méthode qui est celui de l’audit du SMP existant. Cette méthode n’aborde ni la modélisation des processus, ni la mise en évidence des relations de cause à effet entre les indicateurs, ni le concept d’amélioration continue.

Contrairement à ces deux premières méthodes, certaines comme le « Consistent Performance Measurement Systems » (CPMS), la méthode OVAR et ECOGRAI peuvent être mobilisées à un niveau opérationnel.

Le « Consistent Performance Measurement Systems » (CPMS) (Flapper et al., 1996) est une méthode de conception de SMP composée de trois étapes : la définition des indicateurs de performance, la définition des relations entre les indicateurs et l’évaluation des valeurs des indicateurs. Les indicateurs de performance peuvent avoir trois dimensions intrinsèques : le type de décision (stratégique, tactique, opérationnelle), le niveau d’agrégation (vue globale ou partielle de l’organisation), et l’unité de mesure (monétaire, physique, sans dimension). Dans la première étape, les indicateurs de performance sont définis par les experts. Dans la seconde étape, ces derniers sont donc décomposés du niveau stratégique vers l’opérationnel ou inversement, ou ils sont issus de la décomposition des formules de calcul des indicateurs. Il existe des relations entre les indicateurs cependant ce ne sont pas des relations de cause à effet mais des relations de décomposition. De plus, ce SMP ne permet pas d’avoir une approche équilibrée des types de mesure (Pun et White, 2005). Et enfin, la modélisation des processus et le concept d’amélioration continue ne sont pas abordés.

Une seconde méthode permet d’atteindre le critère du niveau opérationnel. La méthode OVAR (objectif, variable d’actions, responsabilité) est une méthode de conception de tableau de bord en trois étapes (Berland et Rongé, 2013) : la définition des objectifs au travers d’indicateurs, la détermination des variables d’action qui influencent la performance et les objectifs, et la définition des responsabilités. Les variables d’action, peu nombreuses et maîtrisables par le responsable, sont les leviers d’action dont il dispose pour atteindre ses objectifs (Löning et Pesqueux, 1998).

Lors de la première étape, l’analyse stratégique de l’organisation est menée afin de mettre en évidence ses objectifs d’ensemble (Löning et Pesqueux, 1998). OVAR est une démarche pour les organisations hiérarchiques délégataires où les objectifs et plans d’actions sont définis niveaux par niveaux (Löning et Pesqueux, 1998). Rasolofo-Distler (2010) étudie la conception d’un tableau de bord opérationnel avec OVAR et d’un BSC stratégique dans le secteur du logement social pour l’évaluation du développement durable. Dans ce cadre, les auteurs mettent en évidence l’articulation, permise par OVAR, entre les objectifs stratégiques et les plans d’action aux différents niveaux de la hiérarchie de l’organisation. Il est nécessaire d’établir une cohérence entre les différents tableaux de bord des différents niveaux de l’organisation ; la méthode OVAR débute par la définition des objectifs et leviers d’action au plus haut niveau N ; les variables d’action du niveau hiérarchique N peuvent devenir des objectifs pour le niveau N-1 (Löning et Pesqueux, 1998). Ceci assure la cohérence verticale dans le déploiement des objectifs (Rasolofo-Distler, 2010). Cependant, une des difficultés pratique des responsables, non résolue par la méthode OVAR, est le caractère contradictoire des objectifs entre eux, « comment concilier l’augmentation de l’activité et la diminution des coûts, amélioration de production et qualité des gains de productivité ? » (Löning et Pesqueux, 1998, p.89). Cette méthode ne permet donc pas la mise en évidence des relations de cause à effet entre les indicateurs de performance.

Enfin, il existe une autre méthode au niveau opérationnel cependant plus spécifique aux unités de production. ECOGRAI est une méthode de conception d’un SMP, permettant d’évaluer la performance d’une unité de production, basée sur le triplet (objectifs, indicateurs de performance, variable de décision). La méthode est en six phases : la modélisation de la structure de pilotage du système via la grille GRAI, avec une analyse des fonctions principales de la production (qualité, production ou maintenance) au niveau stratégique, tactique et opérationnel (Bourne et al., 2003) ; l’identification des objectifs et l’analyse de cohérence ; l’identification des variables de décision (levier du décideur) et l’analyse des conflits entre ces dernières ; l’identification des indicateurs de performance et l’analyse de cohérence interne ; la conception du système d’information et enfin l’intégration de ce dernier dans celui de l’entreprise. Les indicateurs de performance sont répartis de manière cohérente à tous les niveaux de décision, du niveau stratégique au niveau opérationnel (Doumeingts et al., 2000). Cependant, les relations de cause à effet ne sont pas mises en évidence, tout comme le concept d’amélioration continue.

Finalement, deux méthodes de conception des systèmes de mesure de la performance permettraient la mise en évidence des relations de cause à effet entre les indicateurs de performance : les cartes cognitives et les graphes de problèmes.

Les cartes cognitives peuvent être utilisées comme une méthodologie de conception des tableaux de bord (Arthus, 1996). Il s’agit d’une carte cognitive qui peut être définie comme : « is the representation of thinking about a problem that follows from the process of mapping.» (Eden, 2004, p673), ou « une représentation de la structuration d’un problème, sous la forme d’un réseau hiérarchisé d’idées reliées par des liens de causalités. » (Gervais, 2005, p.643). Les concepts en morceaux de texte (Eden, 2004) sont reliés par des flèches, mettant en évidence la conséquence d’un élément sur l’autre (Eden, 1988). Les cartes cognitives sont des outils pour la résolution de problèmes (Eden, 2004).

La méthodologie de conception des tableaux de bord à l’aide de cartes cognitives est composée de trois étapes (Gervais, 2005). La première étape, la détermination de l’architecture du tableau de bord, consiste en la description de la nature de l’activité et des différentes responsabilités ainsi que le déroulement d’entretiens non directifs ou semi-directifs cernant la perception des tâches et décisions des responsables. La deuxième étape est composée de deux phases : les entretiens et les phases de structuration de la carte. Dans la première phase, deux séries d’entretiens sont menées, un premier permettant de recenser les idées des responsables et les liens de causalités entre elles et un second permettant une exposition de la carte obtenue. La deuxième phase de la seconde étape est la structuration de la carte obtenue permettant de mettre en exergue les objectifs (idées sans conséquences), les facteurs clefs de succès (idées centrales) et les actions possibles. La troisième étape est la détermination des indicateurs à retenir qui mesurent les facteurs clefs de succès. Les SMP issus des cartes peuvent être utilisés à différents niveaux et permettent de mesurer tous types de performance. La méthode de conception des SMP, à l’aide des cartes cognitives, permet de mettre en évidence les liens de cause à effet entre les indicateurs de performance et de représenter un ensemble de connaissances. Toutefois, les concepts mis en évidence dans les cartes cognitives ne permettent pas de faire la différence entre indicateurs de performance et leviers d’action. En outre, la méthodologie de conception des cartes cognitives est complexe, non rigoureuse et ne permet pas de capitaliser des connaissances. Dans cette méthode, la modélisation des processus et le concept d’amélioration continue ne sont pas abordés.

La méthode de conception des systèmes de mesure de la performance répondant de manière la plus complète aux critères recherchés est celle de la conception d’un graphe de problèmes. Le graphe de problèmes est proposé par Cavallucci et al. (2010) dans le cadre de la conception inventive de la théorie OTSM-TRIZ. OTSM-TRIZ est une théorie de résolution de problèmes inventifs de G. Altshuller, nommée « General theory of powerful Thinking » dont l’acronyme Russe est OTSM et TRIZ : Theory of Inventive Problem Solving (Khomenko et Kucharavy, 2002). Les problèmes inventifs sont les problèmes dont les solutions sont à inventer. La conception inventive comprend 4 étapes (Cavallucci et al., 2010) : l’analyse de la situation initiale en investiguant toutes les connaissances liées à l’étude, suit la cartographie des problèmes, puis les problèmes sont résolus sans compromis, enfin la mesure de l’impact de chacune des solutions sur les problèmes est menée. Le graphe de problèmes est un outil de conception inventive utilisé dans la première étape et la deuxième étape.

Tout comme les cartes cognitives, le graphe de problèmes permet de mettre en évidence les relations de cause à effet entre les indicateurs de performance et permet de représenter des connaissances. La modélisation est composée de quatre éléments (Figure 8) : les problèmes (PB) évalués par des paramètres d’évaluation (PE) ainsi que les solutions définies (SOL) par des paramètres d’action (PA).

Un problème est une situation ou un obstacle entravant le progrès, une avancée ou la réussite de ce qui doit être fait (Cavallucci et al., 2010). Chaque problème formulé peut être relié à un ou plusieurs paramètres d’évaluation (Cavallucci et al., 2010). Les paramètres d’évaluation sont ceux dont leur nature réside dans leur capacité à évaluer un aspect positif d’un choix fait par le concepteur (Cavallucci et al., 2010). Le terme de paramètre d’évaluation concorde avec le terme d’indicateur de performance. En effet, d’une part, les paramètres d’évaluation sont ceux dont leur nature réside dans leur capacité à évaluer un aspect positif d’un choix fait par

Figure 8 : Liens donnés par le concepteur et entrés dans le modèle SOL

PB

PE Est évalué par

Est résolu par Engendre

Est défini par Engendre

le concepteur (Cavallucci et al., 2010 ; Rousselot et al., 2012). D’autre part, « un indicateur de performance est une information devant aider un acteur, individuel ou plus généralement collectif, à conduire le cours d’une action vers l’atteinte d’un objectif ou devant lui permettre d’en évaluer le résultat. » (Lorino, 2003, p.375).

La solution est une connaissance tacite et explicite qui est reconnue, expérimentée, vérifiée dans le domaine (Cavallucci et al., 2010). C’est une connaissance tacite ou explicite d’un ou plusieurs membres de l’équipe de conception, issue de son passé, de l’entreprise ou de la concurrence (Cavallucci et al., 2010). Elle ne doit pas être confondue avec une solution conceptuelle émise par hypothèse par l’un des membres du groupe (Cavallucci et al., 2010). Une solution partielle est une solution qui ne peut être acceptée pour les raisons suivantes : la solution résout un problème mais engendre un autre ou la solution résout seulement un ou plusieurs sous-problèmes mais pas la situation complètement (Khomenko et De Guio, 2007). Chaque solution formulée peut être reliée à un ou plusieurs paramètres d’action (Cavallucci et al., 2010). Le terme de paramètre d’action concorde avec le terme de levier d’action. En effet, « un levier d’action est une cause de performance (un facteur ayant une influence sur les enjeux majeurs de performance des processus) sur laquelle on a choisi d’agir » (Lorino, 2003, p.107).

Chaque problème est attaché à une connaissance et donne naissance à une solution partielle (Cavallucci et al., 2010). Une flèche reliant un problème à une solution partielle indique quel problème devrait être résolu ou quelle solution partielle devrait être mise en place pour résoudre ce problème (Khomenko et De Guio, 2007) (Figure 9).

Figure 9 : liens entre problèmes et solutions (Cavallucci et al., 2010)

Chaque solution partielle ne provoquant pas de problème supprime l’existence du problème originel (Cavallucci et al., 2010). Quand l’application d’une solution engendre de nouveaux

problèmes, un lien est fait entre l’espace des solutions partielles et celui des problèmes (Cavallucci et al., 2010) (Figure 10).

Figure 10 : Une solution engendre un problème (Cavallucci et al., 2010)

Une chaine de problèmes successifs peut être crée où l’émergence d’un problème est créée par d’autres (Cavallucci et al., 2010) (Figure 11).

Une solution partielle qui en suit une autre signifie que la précédente ne résout pas le problème entièrement (Cavallucci et al., 2010). Les auteurs préconisent de faire attention à ce type de lien qui peut être source de mauvaise formulation des solutions ou d’oubli de problèmes intermédiaires.

Les indicateurs de performance et les solutions peuvent être catégorisés permettant ainsi de les classer si besoin par processus et de mettre en évidence des relations entre des morceaux de graphe de problèmes. Le graphe de problèmes permet l’amélioration continue et la recherche d’opportunités stratégiques de par la possibilité de recherche de solutions partielles permettant d’améliorer les indicateurs de performance.

La méthode de conception des graphes de problèmes permet la réalisation des critères recherchés d’un SMP permettant la réorganisation des activités d’entrepôt d’un Third-Party

Logistics (3PL), dont le critère principal est la modélisation des relations de cause à effet. Le graphe de problèmes a été modélisé dans les domaines du ferroviaire et de l’aéronautique, et plus particulièrement pour la conception de systèmes mécaniques. A notre connaissance, il n’a pas été modélisé dans le cas de la réorganisation des activités logistiques d’un 3PL. Il est envisageable d’étudier la possibilité de son application dans le cas de la réorganisation des activités d’entrepôt d’un 3PL.

Tous les systèmes de mesure de la performance (SMP) étudiés ne possèdent pas les critères recherchés pour la réorganisation des activités d’entrepôt d’un Third-Party Logistics. Les SMP généralistes abordent peu la modélisation des processus et sans étudier les relations de cause à effet entre les indicateurs. Concernant les SMP mis en application dans le domaine de la Supply Chain :

- les SMP stratégiques sont mobilisés au niveau stratégique et pour la plupart ne permettent pas la modélisation des processus et des relations de cause à effet entre les indicateurs de performance ;

- certains SMP sont focalisés sur un type de flux ;

- et d’autres permettant la modélisation des processus sont peu adaptés à ceux du Third-Party Logistics et ne permettent pas la mise en exergue des relations de cause à effet entre les indicateurs de performance.

En revanche, le graphe de problèmes permet la modélisation des relations de cause à effet. Le SMP sous forme de graphe de problèmes est donc envisageable. Cependant, à notre connaissance il n’a pas été encore appliqué dans le cas du Third-Party Logistics et de la réorganisation des activités d’entrepôt.