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Une méthode de modélisation cognitive

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1.11 - MACAO : Acquisition de connaissances expertes

1.11.2 Une méthode de modélisation cognitive

La méthode MACAO organise l’acquisition des connaissances expertes et s’appuie sur un environnement de structuration de ces connaissances avant leur représentation sous forme de règles de production. Différentes techniques d’entretiens (parfois sous forme de logiciels), des principes d’analyse ainsi qu’une représentation des connaissances sont proposés au cogniticien au sein de la plate-forme de modélisation MACAO associée à la méthode.

1.11.2.1 Le modèle cognitif

Rôles du modèle conceptuel : Dans MACAO, le modèle conceptuel est défini comme une représentation « médiatrice », un cadre sémantique partagé, qui doit faciliter le dialogue entre les acteurs concernés [EKAW, 89] et [KAW, 89]. En plus de « langage partagé », le modèle joue deux rôles en priorité : celui de représentation lisible permettant à la fois d’orienter l’acquisition de nouvelles connaissances et de rendre compte de celles déjà recueillies et structurées ; celui de représentation structurée à la base de l’opérationnalisation du système final.

Modèle conceptuel et modèle cognitif : Dans la toute première version de MACAO, le modèle conceptuel se voulait un reflet du modèle cognitif de l’expert, ou du moins d’un sous-ensemble correspondant à la classe de problèmes à résoudre [CREIS, 88]. Il s’agissait d’expliciter les connaissances expertes jusque-là « implicites » [RIS, 92]. Dès 1992, ce modèle a été envisagé comme la représentation que se fait le cogniticien du modèle du système. La priorité était alors de représenter les tâches que le système va réaliser, en restant proche de la méthode des experts.

Nature des connaissances décrites dans le modèle conceptuel : Dans la plupart des approches, le modèle conceptuel est formé de classes abstraites qui renvoient à des objets du domaine dont on caractérise les propriétés ou à des opérations, à des tâches ou des procédures qui caractérisent les raisonnements. Dans MACAO, le modèle conceptuel comporte aussi des exemples, appelés modèles de cas. Les structures de modélisation servent à la fois à rendre compte du modèle final et à modéliser des études de cas puis des méthodes de résolution associées à des classes de problèmes (modèles de types de problème). Ce choix est lié à la méthode, ascendante, qui repose sur des abstractions faites progressivement à partir de ces études de cas.

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Première représentation des connaissances : Les choix précédents ont eu une incidence sur le choix d’une représentation des connaissances dans le modèle. Plutôt que de partir de formalismes classiques en IA, comme les réseaux sémantiques ou les règles de production, de nouvelles structures ont été définies afin de rendre compte d’un modèle cognitif d’expert. Un premier langage de représentation, proche des réseaux sémantiques, a été proposé en 1988 [EKAW, 88]. La structure de base, l’unité fonctionnelle, permettait de rendre compte soit de connaissances du domaine, soit d’heuristiques. Les unités fonctionnelles étaient organisées au sein d’un réseau à l’aide de liens, qualifiés de statiques ou dynamiques suivant qu’ils traduisent des relations indépendantes du raisonnement ou générées par celui-ci. Cette mise à plat des connaissances ne favorisant pas la structuration, elle n’avait pas atteint l’objectif visé de guider l’acquisition.

Représentation des connaissances à l’aide de schémas [KMET, 91] : un travail de DEA [DEA, 91] mené en 1991 a débouché sur une proposition à base de schémas, proches de frames au sens de la psychologie cognitive. Ces structures de plus haut niveau regroupent les connaissances associées aux actions ou inférences mises en œuvre dans une classe de situations (exemple en figure 4.2) pour atteindre un but particulier. Elles s’instancient en schémas empiriques, qui correspondent aux connaissances mobilisées dans un contexte spécifique. Les schémas contiennent un ensemble de procédures (les unités fonctionnelles) et d’actions portant sur les concepts du domaine qui sont présents dans ce contexte.

Schema-name: OFFICE-ASSIGNMENT

Name-comment: assignment problem of persons into offices respecting constraints Parameters: Input parameters: person-list, office-list

Constraints: assignment rules, compatibility rules, priority lists Output parameters: assigned person-list

Context-comment: no member of the team has been assigned an office yet

The number of places in rooms is greater or equal to the number of persons (This second condition is not checked by the model).

Context: for all i such as person(persi) and not(is-assigned(persi))

Goal-comment: Assign an office to all the persons respecting constraints such as priority in

considering persons and offices, centrality considerations and assignment preferences.

Goal: for all i such as person(persi), is-assigned(persi) Strategy: ()

Strategy-comment:

Process: WHILE determinant type-list-not-empty select-person-type

group-compatible-persons aff-off-group

Figure 4.2 : Le schéma OFFICE-ASSIGNMENT : Le contexte indique les conditions dans lesquelles s’applique ce schéma. Sa mise en oeuvre suppose que les schémas SELECT-PERSON-TYPE et GROUP

-COMPATIBLE-PERSONS soient toujours activables, alors que AFF-OFF-GROUP peut échouer si le nombre de bureaux vérifiant les contraintes de taille et de situation est insuffisant.

Finalement, la structure de schéma représente un pas de raisonnement associé à la réalisation d'un but dans un contexte. Les schémas font appel à d’autres schémas et leur enchaînement forme le modèle du raisonnement, qui peut être visualisé sous forme d’arbre, comme sur la figure 4.3. Les concepts du domaine sont organisés en réseau conceptuel, le modèle du domaine, également affiché sous forme graphique. Des modèles sont construits à trois niveaux d’abstraction : problèmes (cas), classes de problèmes et expertise

de connaissances

globale. À chaque niveau, le modèle comporte deux volets : les concepts et les relations forment un réseau, le modèle du domaine.

Figure 4.3 : Exemple de MC du raisonnement construit avec MACAO (projet SADE). E=ET, P=PUIS, O=OU, T=TANT QUE, C=CAS.

1.11.2.2 Les outils et la méthode

Principes : Plusieurs techniques de recueil et d’outils d’aide sont proposés afin de rendre compte des différents types de connaissance experte.

La méthode guide dans leur choix, chaque technique étant documentée par un exposé de ses caractéristiques. Le cogniticien choisit celles qui conviennent pour le problème étudié. Ces techniques conduisent à se focaliser sur l’activité de l’expert en priorité [COGNITIVA, 90].

Techniques proposées : la méthode suggère une progression dans leur utilisation [EKAW, 91b] : commencer par des entretiens informels liés à l’expression des besoins, auprès des experts et des utilisateurs, et par des observations et des analyses de l’activité ; poursuivre par des entretiens centrés sur la sélection de cas, en utilisant la technique des grilles répertoires pour dégager des classes de problèmes ; poursuivre par des études de cas (simulations avec verbalisations simultanées, verbalisations explicatives consécutives puis analyse de protocoles) ; terminer par des entretiens centrés liés à la validation du modèle au fur et à mesure de sa construction.

Grilles répertoires : le logiciel guide la mise en oeuvre de cette technique. Il interroge l’utilisateur (l’expert en l’occurrence) sur des exemples de problèmes, les caractéristiques qui les différencient, puis propose de les regrouper en catégories de problèmes en fonction des réponses fournies. Cette phase de classification prépare le processus d’abstraction.

Une modélisation ascendante : la méthode s’intègre dans un processus classique de génie logiciel. Sa mise en œuvre suppose d’avoir mené au préalable une analyse des besoins et de la demande au cours d’une étude d’opportunité (IEA, 91). Elle consiste en quatre étapes principales, chaque étape comportant des activités de recueil, de conceptualisation, de structuration et de validation. À partir de la représentation de la manière dont l’expert traite des exemples, on dégage une démarche générale via le niveau intermédiaire des catégories de problèmes :

(1) Identification de l’expertise : Tout d’abord orientée vers la spécification du rôle et des fonctionnalités du système à construire, cette étape a été enrichie par une analyse ergonomique du travail et de l’organisation des experts et des futurs utilisateurs ; puis elle a été complétée par une analyse de documents et l’élaboration d’un lexique.

(2) Étude du raisonnement sur des exemples : Il s’agit de recueillir un large éventail de cas rencontrés par l’expert puis de les lui faire classer en types de problème selon la technique des grilles répertoires ; ensuite, de définir des conditions de simulation ; puis de faire simuler par l’expert la résolution de cas représentatifs. Ces simulations font l’objet d’explications par l’expert puis d’une analyse par le cogniticien qui conduit à la représentation de modèles de cas (pb1.1, pb1.2 etc. sur la figure 4.4). La part des commentaires dans les structures de schéma est importante et permet de leur associer des parties entières de retranscriptions des verbalisations.

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EXPERTISE

Modèle du raisonnement Modèle du raisonnement

pb1.2

pb1.1 pb 1.3

C1

Classes de problèmes

Modèle du domaine Modèle du raisonnement

C2

Problèmes

Modèle du domaine

Modèle du domaine

Figure 4.4 : Le processus de modélisation ascendante avec MACAO.

(3) Modélisation de l’expertise : La démarche ascendante consiste à dégager les points communs et les conditions de variation dans les différents raisonnements mis en œuvre. Tout d’abord, des modèles sont construits pour chaque classe ou catégorie de problème identifiée (C1 et C2 sur la figure 4.4).

Finalement, le modèle conceptuel du système doit rendre compte des différentes facettes de l’expertise sous une forme unifiée, que ce soit pour la partie raisonnement que pour la représentation du domaine.

(4) Validation : La validation se fait en vérifiant que le modèle permet de représenter les exemples traités initialement ; l’expert valide également le modèle.

La plate-forme MACAO est un logiciel comportant des éditeurs permettant de gérer les différents cas traités (énoncés et retranscriptions des protocoles recueillis lors de leur résolution simulée), les différents modèles conceptuels (des cas, des types de problème et de l’expertise) avec pour chacun la partie résolution de problème et la partie raisonnement. Ces éditeurs permettent de définir des schémas et de les organiser dans un modèle du raisonnement, ou des concepts et des relations pour former un modèle du domaine. Un effort a été fait dès les premières versions de MACAO pour favoriser une représentation graphique du réseau conceptuel (modèle du domaine) et des arbres de schémas pour la représentation du raisonnement, l’éditeur de graphe permettant de créer ou modifier les modèles de manière interactive [JAC, 90] [EKAW, 91b]. La plate-forme intègre également un module de classification selon la technique des grilles répertoires. La première version a été développée en Le_Lisp en 1990 dans le cadre d’un projet CNAM [Rapport-RIVIÈRE, 90], et enrichie lors de deux autres stages [Rapport-ROUTABOUL, 91].

1.11.2.3 Expérimentation et évaluation

Étude de cas Sisyphus I et II

Une première mise en œuvre de la méthode dans sa globalité correspond à l’étude de cas Sisyphus I, projet de comparaison de systèmes de modélisation mené dans le cadre de la conférence EKAW. L’énoncé d’un problème d’affectation simple était fourni comme point de départ. L’objectif était de produire un modèle de connaissances et un système capable

de connaissances

d’effectuer cette tâche. L’énoncé ne fournissait aucun exemple de résolution de problème ni de solution que pourrait adopter un expert. Utiliser MACAO sur cet exemple a permis de mieux qualifier la nature du modèle obtenu et le caractériser par rapport aux modèles obtenus selon d’autres approches [EKAW, 91b].

Un travail approfondi de comparaison avec le système 3D-KAT a été mené lors d’une collaboration avec R. Dieng car 3D-KAT privilégiait aussi une démarche ascendante et une visualisation graphique [EKAW, 91a]. 3D-KAT se focalise sur l’expression de paramètres de décision et des relations de cause à effet entre ces paramètres. Il convient bien pour des tâches de conception pour lesquelles les contraintes entre paramètres, appelées topoi, sont traduites par des relations entre les nœuds d’un graphe (connaissances de type « plus …, plus … » ou « moins …, plus … » etc.). Ce logiciel implémente une technique particulière pour exprimer des connaissances causales, mais ne permet pas d’organiser un modèle conceptuel au sens où il n’explicite pas à un niveau abstrait l’ensemble des connaissances requises pour la résolution de problèmes.

L’objectif de Sisyphus II était de comparer sur les mêmes bases différentes approches et outils de modélisation de connaissances. À partir du problème de Sisyphus I, une grille de questions plus précises portait sur la manière dont le modèle était construit, les caractéristiques de l’approche de modélisation, les propriétés du modèle obtenu ainsi que son opérationnalisation. En particulier, la robustesse du modèle face à des changements d’énoncé ou face à des situations conflictuelles devait être évaluée. Les limites rencontrées pour adapter le modèle à de nouveaux cas ont conduit à envisager une autre représentation des connaissances. Elles ont été à l’origine de l’évolution de la représentation et de la méthode, qui ont conduit à MACAO-II (IJHCS, 94).

Projet SAMIE

La méthode et le logiciel MACAO ont ensuite été utilisés dans le cadre d’un projet en entreprise, pour évaluer la faisabilité d’un système d’aide au diagnostic en ligne pour des techniciens en informatique. Ce projet SAMIE a permis d’approfondir toute la partie initiale relative à l’analyse de l’activité et à l’étude de différentes sources de connaissances (ici, des spécialistes ayant différents degrés d’expertise et des bases d’incidents) [SELF, 90] et [SAMIE, 90]. L’analyse de l’activité a permis de décrire l’activité du futur utilisateur du système, des spécialistes du domaine mais aussi de leurs partenaires. Elle a conduit à un modèle de la circulation de l’information et de la gestion des tâches au sein de l’équipe impliquée par l’introduction du système à base de connaissances. De nouveaux éléments méthodologiques ont ensuite été intégrés dans la méthode. L’approche par catégorie de problèmes a permis de mener une étude de faisabilité sur un sous-ensemble du domaine à couvrir, puis de projeter le résultat qui aurait pu être obtenu sur le domaine entier, le coût et la durée de développement d’un tel système.

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