• Aucun résultat trouvé

1.7 - Bilan : la problématique de l’IC

Dans le document Td corrigé Publications - TEL (thèses pdf (Page 68-72)

Cette analyse du domaine au cours des vingt dernières années reflète notre point de vue sur ce qu’est l’ingénierie des connaissances. Cette vision comporte certes une dimension historique et renvoie à des positions différentes au cours du temps. Cependant, elle donne une cohérence à mes propositions qui sont présentées dans la suite de ce mémoire. Je tente de l’expliciter ici, sous forme d’une liste d’affirmations qui ont été ou seront argumentées par ailleurs.

L'IC est fondamentalement une ingénierie à l'intersection d'autres disciplines scientifiques, dont elle se nourrit pour créer ses propres modèles et méthodes. Je l’illustrerai par mes travaux à différentes périodes, qui ont fait appel à la psychologie cognitive (méthode et plate-forme MACAO), à l'ergonomie (MacaoII), puis à la terminologie, à la linguistique et au TAL (CAMÉLÉON et TERMINAE) ou plus récemment, les sciences de l’information. En tant qu’ingénierie, l’IC définit des concepts qui permettent d’outiller et de critiquer des solutions techniques et non de décrire des phénomènes.

Cependant, ces solutions ont la particularité de donner lieu à une interprétation en termes de connaissances par des utilisateurs. Elle se définit donc comme la discipline qui se focalise sur la manière d’organiser ces connaissances au sein de modèles qui permettent de les restituer dans un environnement opérationnel.

L’IC se nourrit de la capitalisation de retours d’expériences sur des problèmes réels, et sa manière de poser la conception de systèmes à base de connaissances ne peut se satisfaire ni d’études de cas limitées ni de preuves formelles ou théoriques. Les expériences de mise à l’épreuve de propositions méthodologiques, de représentations ou d’outils d’analyse n’ont aucune des caractéristiques des expériences scientifiques, au sens où elles ne correspondent pas à une mise à l’épreuve d’hypothèses de modèles de connaissances sur le monde. Je renvoie ici à l’analyse faite par B. Bachimont (Bachimont, 2004), qui qualifie ces expériences d’expériences humaines dont la visée est de critiquer des propositions, des moyens d’instrumenter l’interprétation de sources de connaissances par des utilisateurs. J’ai multiplié ce genre d’expériences au cours de mes travaux, et je les mettrai en regard de mes contributions au fil des chapitres pour montrer les leçons et le regard critique que j’ai pu en tirer.

L’IC a vécu des changements d’orientation successifs, qui en font un champ de recherche en devenir, sans doute pas tout à fait parvenu à maturité, comme en témoignent les fluctuations terminologiques d’une part (cf. les analyses d’articles scientifiques du domaine exposées à IC 2000 et IC 2002). Un autre signe de ce caractère mouvant et en recherche se reflète à travers les changements réguliers des thèmes de recherche : après un engouement pour les méthodes de résolution de problème et l’expertise humaine, l’actualité accorde une place sans doute exagérée aux ontologies, même si ce type de structure de données pose le problème de la représentation des connaissances sous un angle nouveau qui mérite d’être exploré. L’IC est en constante évolution de l’intérieur (nouvelles analyses, nouvelles perspectives, manières originales de poser les problèmes ou nouveaux concepts théoriques) et de l’extérieur (les types d’applications ciblés ont changé au fil des années, avec des contextes d’usage qui se renouvellent, de nouvelles contributions d’autres disciplines viennent apporter des méthodes et des concepts nouveaux).

Ces évolutions élargissent progressivement le champ de l’IC : les nouveaux cadres théoriques proposés englobent les travaux précédents au sein de perspectives renouvelées. Même si certains changements de points de vue correspondent à des ruptures (comme le passage d’une vue cognitiviste à une vue constructiviste), les résultats historiques du domaine se complètent au fil du temps et peuvent être repris sous un nouvel angle. Mon parcours est tout à fait cohérent avec l’analyse historique de l’ensemble du domaine que j’ai présentée dans la première partie. Ainsi, les techniques proposées pour prendre en compte l’expertise humaine viennent compléter et valider l’observation de l’activité, ou encore les résultats des analyses des textes. Au-delà de leur complémentarité en tant que sources de connaissances, l’association d’éléments liés à l’activité et d’autres à l’expression des connaissances dans la langue, au sein d’un modèle co-construit par les acteurs du domaine, est un moyen d’accroître son acceptabilité et la possibilité de se l’approprier une fois qu’il sera opérationnel.

Les différentes propositions que j’ai pu faire ont encore du sens aujourd’hui si l’on retient la définition de l’IC ci-dessous :

L’IC a pour objectif de définir les moyens de construire des modèles et des systèmes (artefacts informatiques) qui mettent à disposition d’utilisateurs, sous la forme la mieux adaptée à la réalisation d’une tâche, des connaissances pertinentes qu’ils sauront interpréter et utiliser comme instrument au travail intellectuel au sein d’une organisation ou d’un collectif. Il s’agit d’une activité

67

constructive où l’enjeu est de modéliser les connaissances à un niveau d'abstraction adapté, qui fasse sens pour les acteurs impliqués (cogniticiens, experts métiers, utilisateurs, etc.), qui leur permette de s'approprier le comportement du système, les connaissances qu’il manipule ou présente, et d'interagir avec lui. Ceci peut supposer aussi de s’intéresser au fonctionnement cognitif de l'utilisateur ou du groupe d'utilisateurs dans leur relation au futur système. L’évaluation de travaux en IC est donc par nature empirique. Les démarches proposées sont valides si elles sont reproductibles, instrumentées techniquement (méthodes et outils), fondées sur des approches rigoureuses et si elles conduisent à des applications utilisées. La validité des modèles construits passe donc par l’acceptabilité (au sens ergonomique) des applications qui les utilisent.

Les avancées de l’IC passent par la volonté de mieux synthétiser les résultats produits pour en identifier points forts et points faibles, en particulier par type d’application, et par la capacité à les adapter à de nouvelles demandes (complexité des nouveaux cadres applicatifs, multiplicité et complémentarité des nouveaux supports de connaissances). Le problème récurrent d’une ingénierie est en effet de gérer au mieux l’adéquation méthode-besoin dans un contexte technologique et scientifique mouvant et novateur.

69

Dans le document Td corrigé Publications - TEL (thèses pdf (Page 68-72)