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B.1) La mémoire mesurée est associative, spécifique de l ʼ odeur, et dépendante de la transcription

III.B.3) Analyses statistiques

glomérules 17 et 42 sont reconstruits indépendamment (B) Les volumes synaptiques relatifs (en % du

V. B.1) La mémoire mesurée est associative, spécifique de l ʼ odeur, et dépendante de la transcription

# Dans ces expériences, la phase dʼacquisition consistait en lʼassociation dʼune odeur neutre avec une récompense sucrée. Dans ce cadre, les animaux apprenaient à associer lʼodeur avec la récompense, comme lʼatteste lʼaugmentation importante des réponses conditionnées au fur et à mesure des essais (de 0 à > 90 %). Nous évaluions ensuite les performances mnésiques des insectes à long terme, en présentant lʼodeur du conditionnement seule, 72 h après la phase dʼacquisition. Nous avons ainsi montré que la plupart des abeilles conditionnées avaient un souvenir stable de lʼassociation odeur-sucre (70-80 %). Le caractère associatif de cette mémoire est souligné par la comparaison de ces performances avec celles dʼabeilles pseudoconditionnées, cʼest-à-dire soumises au même nombre de stimulations olfactives et gustatives, mais non associées dans le temps. Dans ces groupes, les réponses au SC nʼévoluent guère pendant la phase dʼacquisition et restent quasiment nulles lors des tests de rappel. Seule lʼassociation stricte entre odeur et récompense sucrée permet donc aux abeilles de développer une mémoire stable de cette association.

# Toutefois, la seule présentation du SC lors du test de rappel ne nous permettait pas de savoir si au niveau individuel, les réponses des animaux étaient dues à une mémoire spécifique de lʼodeur apprise. Or cette précision est fondamentale pour pouvoir rechercher une plasticité nerveuse liée à la mémoire olfactive. Nous avons donc pris le soin de tester la spécificité des réponses des abeilles lors du test de rappel, en présentant systématiquement une odeur supplémentaire, connue pour être bien discriminée du SC (Guerrieri et al., 2005). Notons que malheureusement cette précaution nʼa pas été prise dans la plupart des expériences précédentes utilisant le conditionnement du REP, ce qui

peut rendre lʼinterprétation des données délicates (p. ex. Sandoz et al., 1995; Muller, 2000; Menzel, 2001). Le fait que, dans nos expériences, une partie des individus répondait aux deux odeurs (15-20 %) montre ainsi quʼune partie des abeilles présente un profil de réponse non spécifique. Ceci peut avoir plusieurs origines. Dʼune part, les insectes peuvent avoir associé pendant le conditionnement certains stimuli contextuels (liés par exemple au dispositif de stimulation) avec la récompense sucrée (Fauria et al., 2000; Collett et al., 2002). Nous pouvons supposer que cette possibilité représente peu dʼindividus, car elle devrait concerner une proportion similaire dʼindividus pseudoconditionnés, qui est très faible puisque très peu répondaient à lʼune ou lʼautre odeur à long terme (2-10 %, cf. fig. 21). Par ailleurs, les abeilles peuvent généraliser lʼassociation à dʼautres odeurs perçues comme similaires par lʼanimal (Vareschi, 1971, Smith et Menzel, 1989 ; Guerrieri et al., 2005). Enfin, la motivation alimentaire peut jouer un rôle important. En effet, une abeille affamée peut présenter des réponses spontanées importantes, et, malgré une association odeur-sucre spécifique, répondre à de nouvelles odeurs (Menzel, 1990). Il est malheureusement difficile de distinguer expérimentalement entre ces différentes origines possibles de réponses à la nouvelle odeur, qui pourraient dépendre de bases nerveuses différentes. En particulier, une généralisation nʼindique pas nécessairement un manque de spécificité de la mémoire. Par contre, lʼabsence de réponse à la nouvelle odeur permet de conclure à la formation dʼune mémoire spécifique. Cʼest pourquoi nous avons donc choisi de nʼexaminer le cerveau que des animaux ayant clairement montré la spécificité de leurs réponses envers lʼodeur apprise (~ 50-60 % des individus). Dʼautres études récentes réalisées au laboratoire, utilisant également un conditionnement espacé, présentent des pourcentages de réponses spécifiques équivalents (Perisse et al., 2009; Matsumoto et al., en préparation). Notre stratégie de nʼétudier que le cerveau des individus ayant répondu uniquement au SC revient en quelque sorte à sous-estimer le nombre dʼindividus ayant retenu durablement lʼassociation SC-SI, tout en garantissant la présence dʼune mémoire olfactive spécifique dans nos échantillons. Il faut toutefois garder à lʼesprit que cette sélection pourrait nous empêcher dʼaccéder à de possibles modifications neurales liées au phénomène de généralisation.

# Par ailleurs, il est possible dʼimaginer que la sélection des abeilles répondant spécifiquement au SC pourrait introduire un biais dans nos expérimentations. En effet, cette sélection pourrait nous faire retenir, indirectement, une sous-population dʼabeilles p r é s e n t a n t , a v a n t t o u t c o n d i t i o n n e m e n t , d e s c e r v e a u x a u x p r o p r i é t é s morphofonctionnelles particulières (p. ex. des glomérules plus volumineux et une densité

de MG supérieure dans les lèvres). Ainsi, nos analyses révèleraient des différences entre les cerveaux des groupes conditionné et contrôles, qui ne seraient pas liées au développement de la MLT, mais plutôt à une différence phénotypique préexistante. Différentes raisons rendent cette possibilité très peu probable. Tout dʼabord, le fait que les individus contrôles soient sélectionnés parmi la quasi-totalité (> 90 %, c.-à-d. les animaux ne montrant aucune réponse) des animaux soumis aux procédures contrôles (groupes naïf et pseudoconditionné) fait que sʼil existe une sous-population dʼabeilles présentant ce caractère particulier avant la phase dʼacquisition, elle serait également inclue dans les effectifs des groupes contrôles. Par ailleurs, quelle que soit lʼexpérience, les animaux conditionnés étaient sélectionnés parmi un sous-groupe dʼanimaux représentant plus de la moitié de lʼeffectif (> 57% ; c.-à-d. les animaux aux réponses spécifiques), suggérant que dans tous les cas, les caractéristiques morphofonctionnelles que nous avons décrites étaient représentatives de la majorité des abeilles. Au bilan, nous avons donc fait le choix dʼopérer une sélection des animaux répondant spécifiquement au SC. Cela a le grand avantage de nous permettre de connaître précisément le type de mémoire développé, une mémoire associative spécifique pour le SC, et donc lʼinformation potentiellement stockée dans la plasticité neurale que nous cherchons à mettre en évidence.

# Enfin, il nous faut analyser le cas des animaux conditionnés ne répondant à aucune des 2 odeurs lors du test de rappel. Nous avons été tentés dʼutiliser ces animaux comme groupe contrôle supplémentaire, en argumentant que de telles abeilles ont oublié lʼassociation odeur-sucre, et auraient potentiellement perdu la trace mnésique correspondante. Toutefois, lʼabsence de réponse lors du test de rappel peut elle aussi avoir plusieurs origines, indépendantes dʼun oubli. Comme nous lʼavons suggéré plus haut, la réponse conditionnée dépend de nombreux paramètres, et en particulier du niveau de satiété de lʼanimal. Malgré une mémoire intacte de lʼassociation, une abeille peu motivée par la récompense nʼétendrait donc pas forcément son proboscis lors de la présentation du SC. Enfin, il faut considérer que les bases nerveuses de lʼoubli sont encore très peu connues, et quʼun manque de souvenir nʼest pas forcément accompagné de la perte de la trace mnésique, mais peut mettre en jeu des mécanismes propres (Shuai et al., 2010). Ne sachant pas discerner expérimentalement les différentes causes pouvant mener une abeille à ne pas répondre aux odeurs du test de rappel, nous avons préféré ne pas utiliser ces animaux comme contrôles et leur préférer des animaux ne formant pas lʼassociation SC-SI (groupes naïf et pseudoconditionné) ou dont la consolidation est bloquée pharmacologiquement (groupe conditionné ActD).

# Nous avons montré que les réponses spécifiques à 72 h étaient en grande partie abolies par lʼinjection dʼune solution dʼactinomycine D injectée 3 ou 6 h après le conditionnement (fig. 25). La trace sous-tendant les performances mnésiques à 72 h est donc clairement dépendante dʼune vague de synthèse de novo dʼARN messagers. Il a été montré chez les vertébrés que 2 vagues de transcription ont lieu après lʼapprentissage (Freeman et al., 1995; Izquierdo et al., 2006; Laroche, 2006; Artinian et al., 2007) : une première vague, dans lʼheure suivant lʼapprentissage, et concernant des gènes dits précoces et une deuxième vague, entre 3 et 6 heures après lʼapprentissage, affectant des gènes qualifiés de tardifs. Si de telles phases existent aussi chez lʼabeille, notre injection affecterait davantage lʼexpression des gènes tardifs. Une analyse de criblage transcriptomique sur puce à ADN, comparant les transcriptomes dʼabeilles conditionnées et pseudoconditionnées, a dʼailleurs permis dʼidentifier 246 gènes dont lʼexpression est fortement régulée dans cette fenêtre temporelle (entre 3 et 5 h), et qui sont donc potentiellement impliqués dans la formation de la MLTt (Perisse, 2009). Les mécanismes moléculaires permettant le dialogue entre les synapses activées par lʼapprentissage et le noyau du neurone — c.-à-d. les voies de signalisation menant à la régulation de lʼexpression du génome — commencent à être décryptés chez lʼabeille. Par exemple, les voies de la CAMKII et du monoxyde dʼazote (NO)-cGMP semblent spécifiquement impliqués dans la formation de la MLTt (Matsumoto et al., en préparation), alors que la cascade AMPc/PKA mène aux 2 formes de MLT décrites chez lʼabeille : la MLT précoce,

dépendante de la traduction et la MLT tardive, dépendante de la transcription (Schwärzel

et Müller, 2006).

# Dans notre travail, certaines formes de plasticité montraient une dépendance stricte

envers la transcription et peuvent être rattachées directement à la MLTt (voir ci-dessous).

Dʼautres formes ne lʼétaient pas et pourraient être aussi liées à des formes de mémoires

V.B.2) Correspondance entre changements neuraux et MLTt de