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B.2) Correspondance entre changements neuraux et MLTt de l ʼ association spécifique SC-S

III.B.3) Analyses statistiques

glomérules 17 et 42 sont reconstruits indépendamment (B) Les volumes synaptiques relatifs (en % du

V. B.2) Correspondance entre changements neuraux et MLTt de l ʼ association spécifique SC-S

# Nous avons détecté des différences morphologiques entre les voies olfactives des groupes conditionné et pseudoconditionné. Nous interprétons ces différences comme lʼeffet de la mise en place de la MLT olfactive, en considérant que le réseau olfactif des individus pseudoconditionnés représente lʼétat « initial », c.-à-d. lʼétat du réseau neural des individus conditionnés avant leur phase dʼacquisition. Mais ne pourrait-on pas proposer que le cerveau des abeilles pseudoconditionnées puisse lui aussi subir des modifications ? En effet, le pseudoconditionnement consistant en la présentation répétée dʼune odeur explicitement non-renforcée, il ne serait pas impossible quʼil conduise à lʼapprentissage dʼune association du type SC-non SI (Sandoz et Pham-Delègue, 2004), et à un effet dʼinhibition latente (Abramson et Bitterman, 1986 ; Chandra et al., 2000). Dans ce cas, les modifications neurales observées pourraient être également, ou totalement, liées à lʼassociation SC-non SI. Cependant, nous avons montré que, 72 h après un pseudoconditionnement avec une odeur donnée, les abeilles apprenaient à associer cette même odeur à une récompense sucrée, et ce, aussi rapidement et efficacement que des abeilles naïves (fig. 23). Dans nos conditions expérimentales, les abeilles pseudoconditionnés ne sont donc pas affectées par une inhibition latente, ou tout du moins nʼen retiennent aucune trace à long terme. Une étude de conditionnement rétrograde (« backward conditioning ») a dʼailleurs montré quʼun intervalle SC-SI de 5 minutes nʼaboutissait à aucun retard dʼacquisition à 30 minutes ((Hellstern et al., 1998). Par ailleurs, nous avons montré que les volumes glomérulaires des abeilles pseudoconditionnées au 1-nonanol et au 1-hexanol étaient sensiblement identiques (annexe 2), ce qui rend un effet spécifique dʼune possible association SC-non SI sur le réseau très improbable. Enfin, nos expériences ont aussi montré que les densités microglomérulaires des lèvres des corps pédonculés des animaux pseudoconditionnés et des animaux naïfs étaient équivalentes (fig. 42). Toutes ces données suggèrent que les abeilles pseudoconditionnées ne mémorisent aucune association particulière et que leur voie olfactive nʼest pas modifiée par cette expérience. Ainsi, la comparaison de cerveaux provenant dʼindividus conditionnés et pseudoconditionnés nous permet bien de révéler des changements neuraux accompagnant la mémorisation de lʼassociation SC-SI.

# Nous avons montré que le blocage de la transcription pendant la consolidation des animaux ayant appris convenablement lʼassociation SC-SI (groupe conditionné ActD) empêchait le développement de la plasticité au niveau des lèvres des corps pédonculés (fig. 41-42). La vague de transcription postapprentissage est donc nécessaire au maintien des réponses conditionnées à long terme, ainsi quʼà la plasticité microglomérulaire des calices. À moins que MLTt et augmentation de la densité de MG soient deux conséquences indépendantes dʼune même vague de transcription, il semble que MLTt et plasticité des corps pédonculés soient intimement liées. En revanche, la même injection dʼinhibiteur de la transcription nʼaffecte pas les modifications structurales détectées au niveau du lobe antennaire (fig. 35). Nous pouvons donc penser que cette plasticité est due à une vague de transcription plus précoce, ou alors plus tardive, et qui ne serait pas altérée par lʼinjection dʼactinomycine D trois heures après le conditionnement. Une autre possibilité est que ces modifications dépendent davantage de la traduction dʼARN messagers préexistants. Dans ce dernier cas, la plasticité glomérulaire serait donc le vestige dʼune trace de la MLT précoce. Il serait donc nécessaire dʼévaluer lʼeffet dʼinhibiteurs de la traduction sur la plasticité que nous avons mise en évidence dans le lobe antennaire.

# La plasticité structurale a été détectée au sein de sous-ensembles de glomérules du lobe antennaire, spécifiques de lʼodeur mémorisée (fig. 28). Le lobe antennaire de lʼabeille comprenant un nombre de glomérules relativement restreint (~ 160 contre ~ 2000 chez le rat), et la position des différents glomérules étant conservée entre individus, un atlas morphologique a pu être décrit (Galizia et al., 1999a ; cf. Introduction I.B.2)). Sur la base de cet atlas, nous avons identifié un ensemble de 17 glomérules de la face rostro- ventrale des lobes antennaires dans tous nos groupes expérimentaux. Lʼidentification glomérulaire – bien quʼopérée en aveugle par rapport aux groupes dʼorigine des individus – était systématiquement discutée et validée conjointement par deux personnes de notre équipe de recherche. Les animaux dont lʼidentification glomérulaire présentait une quelconque ambiguïté ont été écartés du travail (cf. Matériels et Méthodes). Nous sommes donc particulièrement confiants dans lʼidentification glomérulaire. Un intérêt supplémentaire de notre modèle dʼétude était la connaissance que nous avions, grâce aux expériences dʼimagerie calcique in vivo, de lʼintensité dʼactivation des 17 glomérules par les SC que nous utilisions (cf. Introduction). Cette particularité nous a permis dʼévaluer directement le lien existant entre le profil de réponse au SC et le profil de plasticité lors de la mémorisation de ce SC. Or, une prédiction relativement simple aurait été de trouver ces

modifications neurales au niveau des glomérules activés par le SC pendant lʼapprentissage, glomérules jouant ainsi le rôle de détecteur dʼactivité coïncidente provenant des voies du SC et du SI. Dans cette idée, Menzel et collaborateurs (1999) ont proposé un modèle de convergence directe entre les afférences de VUMmx1 et les neurones olfactifs récepteurs et/ou les neurones de projection (fig. 46A ; Menzel et al., 1999). Nous avons directement testé cette hypothèse en comparant les cartes dʼaugmentation relative des volumes glomérulaires après conditionnement (pourcentage de différence de volume entre abeilles conditionnées et pseudoconditionnées, pour chaque glomérule ; fig. 47A) avec les réponses glomérulaires naïves aux odeurs utilisées comme SC (données provenant des individus pseudoconditionnés). Une comparaison visuelle de ces 2 types de cartes montre que certains glomérules activés par le SC se montrent plastiques après mémorisation du même SC. Cʼest par exemple le cas du glomérule 17 vis-à-vis du 1-nonanol et du glomérule 52 vis-à-vis du 1-hexanol. Toutefois, il est clair que ce nʼest pas la règle générale. Dʼune part, certains glomérules répondant fortement au SC peuvent ne montrer aucune modification de taille (p. ex. le glomérule 33 dans le groupe 1-nonanol), et dʼautre part des glomérules relativement inactifs lors de la présentation du SC se montrent plastiques après conditionnement au même SC (p. ex. le glomérule 48 pour le 1-nonanol).

Figure 46 : Deux modèles de plasticité induite par l’apprentissage dans le lobe antennaire de l’abeille. (A) Le modèle de « convergence directe » propose la convergence entre la voie de traitement de l’odeur

(SC ; afférence par les neurones récepteurs olfactifs : NRO ; efférence par les neurones de projection : NP) et

la voie de traitement de la récompense (SI ; via le neurone VUMmx1 : NV) (à gauche). La prédiction

majeure de ce modèle est que les glomérules répondant au SC (en orange) devraient être les sites de plasticité induite par l’apprentissage (cadre noir), car ils correspondraient aux zones de détection de coïncidence des voies des SC et SI (à droite, les neurones et synapses en pointillé rouge sont activés pendant conditionnement). Par conséquent, l’activité des neurones de projection innervant ce glomérule pourrait être augmentée (flèche rouge élargie). (Après Menzel, 1999.) (B) Un autre modèle, n’excluant pas le premier, de « convergence indirecte », fait intervenir le réseau d’interneurones locaux dans la convergence entre voies

des stimuli conditionnels et inconditionnels (à gauche). Il postule que des glomérules non innervés par des neurones récepteurs sensibles au SC puissent recevoir une afférence indirecte, via une connexion interglomérulaire réalisée par un interneurone local. Une prédiction de ce modèle est que de tels glomérules, non activés par le SC, puissent également constituer des sites de plasticité, puisqu’ils reçoivent une afférence convergente de la part des interneurones locaux et de VUMmx1 (à droite). Une conséquence possible de ce modèle pourrait être la diminution de l’activité des neurones de projection innervant ce type de glomérule (flèche verte amincie). (Après Linster et Smith, 1997.)

Modèle de convergence directe

A

Modèle de convergence indirecte

B

Afférence (NRO) Efférence (NP) Renforcement (NV) Afférence (NRO) Efférence (NP) Renforcement (NV) Afférence (NRO) Efférence (NP) Renforcement (NV) Modulation (IL) Afférence (NRO) Renforcement (NV) Efférence (NP)

Ces observations sont confirmées par lʼabsence de corrélation significative entre les changements de volume et lʼamplitude des réponses des glomérules aux odeurs apprises (fig. 47A). La plasticité que nous mettons en évidence affecte donc également des glomérules ne répondant pas au SC. De manière similaire chez la Drosophile, lʼinduction de la MLT est associée à une traduction dʼacteurs clés de la plasticité synaptique à long terme (p. ex. la CAMKII) dans des glomérules ne correspondant pas au motif dʼactivation du SC (Ashraf et al., 2006). La plasticité de glomérules non activés par le SC semble être un phénomène conservé, au moins chez les insectes. Cependant, elle va à lʼencontre du modèle de convergence directe.

# Pour tenter dʼexpliquer lʼabsence de corrélation entre activation et plasticité glomérulaire, nous avons voulu tester lʼéventualité de la participation du réseau local inhibiteur au profil de plasticité que nous mettons en évidence. En effet, dans le lobe antennaire des abeilles, un réseau dʼinterneurones inhibiteurs relie les glomérules entre eux, participant ainsi à un modelage de la représentation nerveuse olfactive (Fonta et al., 1993; Sachse et Galizia, 2002; Sachse et al., 2007). Ce réseau inhibiteur intervient dans le modèle de convergence indirecte proposé par Linster et Smith (1997) (fig. 46B). Les interneurones locaux y seraient la cible postsynaptique de VUMmx1, ce qui confère un rôle de détecteur de coïncidence à des glomérules non nécessairement directement activés par le SC. Nos données semblent en accord avec ce modèle, mais la connectivité exacte de ce réseau local est encore inconnue. Nous ne savons donc pas, dans le cadre du modèle de convergence indirecte, quels glomérules « silencieux » (en réponse à un SC donné) pourraient être le site de coïncidence dʼactivation.

Figure 47  : La plasticité structurale glomérulaire est prédite par un modèle d’inhibitions interglomérulaires. (A) Les pourcentages de modification des volumes glomérulaires (relatifs aux volumes des pseudoconditionnés ; 100 % étant le changement maximal) sont reportés sur la carte du lobe antennaire,

à l’aide d’un code de fausses couleurs. (B, gauche) Corrélation entre les activations glomérulaires en réponse au SC — mesurées chez les abeilles pseudoconditionnées avec la sonde Calcium Green 2-AM (ΔF/F (%), n

= 31) — et le pourcentage de modification des volumes glomérulaires. Aucune relation n’apparaît entre les deux variables (R2 = 0.0002, NS). (Droite) Carte d’activations glomérulaires en réponse aux 2 odeurs

apprises (pourcentage de l’activité maximale enregistrée, n = 31). (C, gauche) Corrélation entre l’inhibition induite par le SC — calculée à partir de l’activation glomérulaire mesurée pour la présentation du SC et les poids d’inhibition entre glomérules (Linster et al., 2005) — et le changement de volume. Une corrélation négative significative est détectée entre ces 2 facteurs (R2 = 0.216, P < 0.01). La plasticité paraît ainsi

localisée dans les glomérules les moins inhibés en réponse à la présentation du SC. (droite) Carte des inhibitions induites par le SC pour les 2 odeurs apprises (en pourcentage de l’inhibition maximale). (NS :

Toutefois, nous avons pu exploiter des données antérieures de relations dʼactivation entre glomérules pour tester cette idée. La comparaison de résultats de modélisation et dʼexpériences dʼimagerie fonctionnelle a permis de montrer que la transformation de la représentation de lʼodeur entre lʼentrée (neurones sensoriels) et la sortie (neurones de projection) du lobe antennaire était mieux prédite par une inhibition interglomérulaire basée sur la similarité fonctionnelle entre glomérules que par dʼautres modèles de proximité anatomique ou dʼinhibition diffuse (Linster et al., 2005). Une matrice dʼinhibition interglomérulaire a ainsi été établie pour la présentation de 60 odeurs (Table I de Linster et al., 2005 : Annexe 17). Nous avons donc pu quantifier, pour les 16 glomérules en commun avec notre étude (tous sauf le glomérule 43), le « poids » dʼinhibition reçu par chaque glomérule de la part des 15 autres glomérules, lors de la présentation du SC (pour le détail du calcul, cf. Matériels et Méthodes, III.B.3)b)). La figure 47 (droite) cartographie ces taux dʼinhibition induits par le SC. Et en représentant les pourcentages de changement de volume des glomérules en fonction de lʼinhibition induite par le SC (fig. 47B, gauche), nous révélons une corrélation négative significative (R2 = 0.216, 30 ddl, P < 0.01). Ainsi, les glomérules les moins inhibés en réponse au SC semblent être les plus affectés par la plasticité. Au bilan, nous pouvons proposer le modèle de mise en place de la plasticité glomérulaire suivant : pendant le conditionnement, la détection dʼactivités coïncidentes provenant des voies du SC et du SI serait réalisée dans les glomérules les moins inhibés, au niveau de la synapse entre VUMmx1 et les interneurones locaux.

# En conclusion, la plasticité glomérulaire détectée nʼest donc pas distribuée au hasard dans le réseau du lobe antennaire. Il existe un lien étroit, bien quʼindirect, entre lʼactivation du réseau en réponse à lʼodeur apprise et la localisation des modifications dans ce réseau. Nos données suggèrent que la délocalisation des modifications de volume vis-à-vis du patron dʼactivation glomérulaire au SC pourrait être réalisée par le biais des connexions interglomérulaires inhibitrices. Enfin, malgré notre démonstration de plasticité de lʼarchitecture microglomérulaire des lèvres des calices, lʼabsence de cartographie morphofonctionnelle de cette région nous empêche de développer une telle approche de prédiction.

V.B.3) Distinction avec les remaniements neuraux liés à lʼâge et à