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III.B Analyses anatomiques des neuropiles

III. B.1)a) Étude des volumes glomérulaires

Préparation et marquage des cerveaux. Pour chaque abeille sélectionnée, une ouverture est réalisée dans la partie antérieure de la capsule céphalique afin de retirer les

glandes, les trachées et le neurilemme, qui masquent les lobes antennaires. Une solution de protéases (Bacillus licheniformis, Sigma réf. P5459) est appliquée en bain directement dans la capsule céphalique pendant 20 minutes à température ambiante. Un rinçage est ensuite réalisé avec du liquide physiologique pour abeille (Ringer : 130 mM NaCl, 6 mM KCl, 4 mM MgCl2, 5 mM CaCl2, 160 mM sucre, 25 mM glucose et 10 mM HEPES à pH 6,7). Un second bain avec le colorant, une solution de rouge neutre (Michrome No. 226, Edward Gurr, Ltd., Londres, Royaume-Uni) dilué à 4 % dans lʼeau distillée et filtrée, est effectué pendant 20 minutes dans la capsule céphalique. Le rouge neutre est un colorant vital fluorescent peu spécifique, marquant notamment les organites intracellulaires (Winckler, 1974). Les zones neuropilaires sont fortement marquées, permettant ainsi à lʼexpérimentateur de discerner avec précision les limites des structures étudiées, en particulier les glomérules (Sandoz, 2006).

Après ce second bain, le cerveau est rincé à nouveau avec le ringer. Pour fixer le marquage, lʼabeille est décapitée et sa tête est placée dans du paraformaldéhyde (Prolabo, Paris) dilué à 4 % dans du PBS 1X , pendant une nuit à 4 °C.

Afin dʼobtenir des images satisfaisantes du marquage dans la profondeur des structures cérébrales, les cerveaux doivent subir une déshydratation et une clarification. Après la fixation, ils sont donc extraits de la capsule céphalique, placés dans du PBS 1X pendant environ 1 heure, puis dans les bains successifs suivants :

- 5 minutes dans de lʼéthanol à 50 % - 5 minutes dans de lʼéthanol à 70 % - 10 minutes dans de lʼéthanol à 90 % - 10 minutes dans de lʼéthanol à 95 % - 5 minutes dans de lʼéthanol à 100 % - 10 minutes dans du xylène

- 5 minutes dans de lʼéthanol à 100 % #

# Ensuite, les cerveaux sont stockés 4 jours à 4 °C dans du salicylate de méthyle à 98 % (Sigma-Aldrich, France) jusquʼà leur observation. Tous les bains décrits (excepté salicylate de méthyle) sont réalisés sous agitation et à température ambiante.

Acquisition en microscopie confocale. Les cerveaux sont montés in toto dans le salicylate de méthyle, entres lamelles (fig. 18A). Pour éviter un aplatissement du cerveau et donc une mauvaise estimation volumétrique, les lamelles sont espacées par une plaque métallique de 1 mm dʼépaisseur, percée en son centre (fabriquée à lʼatelier du laboratoire). Le cerveau y est disposé et positionné de manière à obtenir des vues rostro-ventrales des lobes antennaires (Strausfeld, 2002) (fig. 18B). Les acquisitions sont réalisées à lʼaide dʼun microscope confocal (Leica, TCS SP2). La microscopie confocale est un type de microscopie optique permettant de réaliser des images de très faible profondeur de champ (environ 400 nm), appelées « sections optiques  ». En positionnant le plan focal de lʼobjectif à différents niveaux de profondeur de lʼéchantillon, il est possible dʼobtenir une série dʼimages à partir desquelles on pourra reconstruire une représentation tridimensionnelle du neuropile. Pour cela, les lobes antennaires sont observés avec un objectif à immersion à huile x40 (Leica HPX PL apochromate, ouverture numérique 1.25). Les préparations sont excitées avec un laser Hélium/Néon à 543 nm et la fluorescence est détectée entre 555 et 650 nm. Des coupes optiques successives sont prises tous les 2 µm dans le plan frontal, depuis la surface du lobe antennaire jusquʼà la limite de déplacement vertical du bloc piézoélectrique de la platine du microscope (soit sur une profondeur de 167 µm). Les images ont un format de 512 x 512 pixels et sont obtenues après un moyennage par image et par ligne (de facteurs 4 et 2, respectivement). Les images sont digitalisées en 8 bits, soit 256 niveaux de gris.

Figure 18 : Reconstruction des volumes neuropilaires. (A) Montage du cerveau entier entre lamelles, espacées par une plaque de métal (en haut : vue de dessus, où est placé l’objectif du microscope ; en bas :

section XY du montage) (B) Vue rostro-ventrale du cerveau d’abeille. Après marquage et clarification du cerveau, une série d’images est enregistrée au microscope confocal au niveau des lobes antennaires (LA) ou des calices médians des corps pédonculés (CP) (LO : lobe optique, r : rostral, c : caudal, g : gauche, d :

droite). (C) Exemple de section optique frontale obtenu pour un lobe antennaire gauche, lors d’un marquage au rouge neutre, à laquelle on a superposé la reconstruction tridimensionnelle du glomérule 17 réalisée à l’aide du logiciel Amira. Lorsque la limite coeur/cortex est visible (cf. cadre jaune), les 2 compartiments sont reconstruits séparément. (D) Exemple de section optique obtenue après traitement à l’iodure de propidium, marquant préférentiellement l’enveloppe de glie des glomérules. Les reconstructions indépendantes des compartiments synaptiques et gliaux des glomérules 17 et 42 y sont superposées. (Image d’A. Ayestaran). (E) Exemple d’une section optique frontale des 2 calices médians (CM), à laquelle ont été superposées les reconstructions tridimensionnelles des lèvres médianes (en orange) et du corps central (CC, en rouge) servant de contrôle.

Estimation du volume. Une fois les séquences dʼimages obtenues au microscope confocal, on utilise le logiciel Amira 3.0 afin de reconstruire, identifier et estimer le volume des glomérules. À partir de la série de coupes optiques successives, ce logiciel permet de générer une représentation tridimensionnelle dʼun glomérule, en joignant les limites des sections de ce glomérule, présents sur les images successives, par interpolation. Chez chaque animal, les 17 mêmes glomérules ont été identifiés sur la base de leurs formes, tailles et positions relatives, à partir de lʼatlas tridimensionnel publié (Galizia et al., 1999a). Pour pouvoir aborder la question du type de glomérule affecté par une éventuelle plasticité, des glomérules particulièrement activés par les 2 odeurs utilisées (17 et 33 pour le 1-nonanol ; 17, 36, 28, 38 et 52 pour le 1-hexanol – Sachse et al. 1999) (voir fig. 8), ainsi que dʼautres glomérules, peu ou pas activés par ces odeurs (23, 25, 29, 35, 37, 42, 43, 47, 48, 49, 60), ont été inclus dans cet échantillon de 17 glomérules. Lorsquʼun doute subsistait quant à lʼidentité précise dʼun ou de plusieurs glomérules, les enregistrements nʼont pas été pris en compte pour lʼanalyse (2 % de rejet). Une fois identifié, chaque glomérule est reconstruit en traçant son contour sur chacune des coupes optiques obtenues. Le logiciel utilise ces tracés pour construire une « tranche » pseudo-cylindrique en trois dimensions, de telle sorte que le glomérule est reconstitué sous la forme dʼun empilement de tranches de 2 µm dʼépaisseur (fig. 18C). La somme des volumes des tranches successives fournit une estimation du volume de chaque glomérule. La reconstruction est réalisée intégralement en aveugle (le groupe de lʼabeille étudié nʼest pas connu par lʼexpérimentateur). Les volumes glomérulaires moyens sont comparés entre groupes sous forme de moyennes de volumes absolus, ou, si la variabilité interindividuelle est importante, sous forme de volumes relatifs. Dans la mesure où la profondeur dʼutilisation maximale de ce microscope confocal (167 μm) ne permettait pas de mesurer le volume de tout le lobe antennaire (dʼun diamètre supérieur à 300 μm), cʼest la somme des 17 volumes glomérulaires (appelé volume total dans la suite du manuscrit) de chaque lobe qui a été considérée pour normaliser le volume glomérulaire individuel : les volumes relatifs sont donc donnés en pourcentage de ce volume total.

# Pour comprendre lʼorigine de lʼaugmentation du volume de certains glomérules, nous avons évalué le volume des deux principaux compartiments subglomérulaires : le coeur et le cortex, le premier contenant principalement les fibres dʼentrée et de sortie du lobe antennaire, et le second concentrant la majorité des synapses (Gascuel et Masson, 1991; Fonta et al., 1993). Nous avons tiré profit des acquisitions réalisées sur les marquages glomérulaires au rouge neutre, en reconstruisant spécifiquement - quand cela

était possible - le volume des coeurs et des cortex des 17 glomérules (fig. 18C). Le rouge neutre sʼaccumulant préférentiellement dans les organites intracellulaires (Winckler, 1974), il marque davantage le cortex des glomérules, plus riche en synapses. La frontière entre les 2 compartiments glomérulaires était claire pour 429 des 867 glomérules précédemment reconstruits dans leur intégralité (soit 49 %).