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Chapitre II : Enjeux mémoriels

II- 1-Mémoire individuelle

Les personnages/narratrices convoquent dans notre corpus une multitude de souvenirs que l’on pourrait classer en plusieurs variantes ; nous avons préféré le classement le plus évident à notre avis, la mémoire individuelle et dans le volet suivant, la mémoire collective. La mémoire individuelle, « constituée en partie de souvenirs sociaux et collectifs » 222recelant comme son nom l’indique une mémoire personnelle partant de l’enfance, ou une autre qui s’imbrique dans l’intimité du personnage, sans oublier une superposition qui prend forme et touche ces réminiscences, du fait de la multitude des personnages.

II-1-1-Mémoire d’enfant

L’utilisation de l’enfance dans la littérature est un phénomène moderne et le jeu complexe de la remémoration le devient encore plus lorsqu’on immerge dans ce qui est appelé le récit d’enfance. En constatant que l’enfant est apparu récemment comme personnage littéraire fréquent, Richard N. Coe223 met cette évolution en relation avec l’image même de l’enfance dans la société, l’intérêt qu’on lui porte correspondant à une disponibilité progressivement acquise.

Le récit d’enfance est défini par Richard N. Coe comme un genre autonome par rapport à l’autobiographie, du fait même que l’expérience évoquée est essentiellement différente de celle qui est vécue au cours des âges suivants.

Ainsi se dessinent sous la plume de Richard N.Coe quelques frontières génériques. Si la différenciation qu’il fait avec l’autobiographie peut en effet reposer sur la présence dans le récit d’enfance d’« un état de magie, d’une échelle particulière des valeurs »224, il est évident que le meilleur argument avancé est l’attitude spécifique du narrateur : les modalités même de

222 BELOUD, Lamia, « l’écriture de Fatéma Bekhaï : pratiques signifiantes et mémoire », [mémoire de magister], Université d’Oran Es Senia, 2011, in https://theses.univ-oran1.dz/document/TH3696.pdf

223DUGAST-PORTES, Francine, « COE, Richard N., explorateur du récit d'enfance », in Récit d'enfance en

question, Cahiers de sémiotique textuelle, n 12.Nanterre, Université́ de Paris X, 1988, p. 228

l’assertion créent à la lecture une certaine vision du savoir. L’autobiographie est marquée par le souci d’exactitude, le récit d’enfance, lui, est plus marqué par la fidélité aux impressions.

La même observation pourrait être faite pour la distinction établie entre le récit d’enfance et le roman : Ricard N Coe225note que le premier n’accorde pas autant de place que le second au récit d’évènement, au dialogue (qu’on ne saurait y retranscrire sans un surcroît d’invraisemblance) ; que l’amour ne peut y jouer le même rôle. Là encore la plupart des récits justifient une telle affirmation, et il est vrai qu’ils reposent en général sur des évènements minimes, plus importants par leurs résonnances affectives que par leur place dans une hiérarchie implicite des faits.

L’apparence insignifiante et anodine du récit d’enfance l’affecte d’une valeur très atténuée, et le critique rappelle avec raison qu’il s’agit pourtant là d’un trait consubstantiel, les évènements majeurs de l’enfance ayant souvent pour objets des papillons ou des œufs de fourmis. Cette insignifiance, selon lui, ne peut être assumée que dans certaines sociétés, même si d’autres facteurs historiques interviennent.

L’auteur revient sur la définition et l’histoire du genre, émettant l’hypothèse qu’il doit quelque chose à l’invention du miroir vénitien. Dès lors, la distinction des modèles apparaît, et, les traits propres à l’enfance dans chaque nation reçoivent le statut de « mythe », au sens post-jungien, tel que l’ont utilisé C. Lévi-Strauss et R. Barthes, cette personnification symbolique d’une vérité enfouie dans l’inconscient culturel, transmise de génération en génération. Richard N. Coe confère à ces mythes de l’enfance, malgré leur caractère récent, la même dignité qu’à d’autres plus anciens, dans la mesure où ils s’enracinent de même dans une écoute du passé, fût-ce le passé individuel226. Les textes montrent le développement de la conscience, le sentiment d’identité, l’impression de paradis-perdu, parfois les griefs fondamentaux suscités par les enfances malheureuses.

L’enfant, dans les récits de Maïssa Bey n’échappe pas à cette règle, celle des enfances malheureuses, où l’exactitude du souvenir ne constitue nullement l’enjeu, ce serait plutôt les sensations qui en découlent, tels que nous le constatons dans cet extrait de Surtout ne te

retourne pas :

225DUGAST-PORTES, Francine, op., cit., p. 226 226Ibid.

Me traverse brièvement, aussi inattendue, aussi violente qu’un coup de poignard, l’image d’une petite fille en proie à une frayeur si grande qu’elle veut crier et qu’aucun son ne sort de sa bouche, une petite fille en sanglots, éperdue de peur et de douleur, acculée contre un mur par un homme au visage et aux poings menaçants. Où ? Quand ? Je ne sais pas .(EDVLM, p. 129)

Dans Entendez-vous dans les montagnes, présenté aux lecteurs tel que nous l’avons dit précédemment comme une autobiographie, l’enfance de la narratrice est conditionné par un évènement majeur, qui dépasse le seul statut d’enfance malheureuse et qui conditionne la vie future de l’auteure/narratrice : l’assassinat du père, instituteur, par l’armée française, ce qui donne un nouvel éclairage, à cet extrait et à ce souvenir : « Tous ses souvenirs se sont

cristallisés sur l’éclat des lunettes, derrière lesquelles ses yeux souriants ou sévères semblent tout petits » (EVDLM, p. 18)

La description intervenant ici semble incongrue et semble partir d’une photographie où la narratrice pourrait déceler cet éclat des lunettes ; éclat qui paraît placer les yeux au second plan mais les deux adjectifs usités, « souriants ou sévères », semblent démontrer au contraire qu’elle se souvient autant qu’elle pourrait le faire après toutes ces années, de ces yeux, parfois sévères, parfois rétrécis, l’on pourrait ajouter selon le contexte, ou plutôt les circonstances : « Il existe selon toute vraisemblance, en chacun de nous, un fleuve souterrain

qui prendrait sa source […] dans les orages et les tourments de l’enfance […] Et il arrive que le cours en soit retenu » (SNTRP, p. 26), cet extrait de Surtout ne te retourne pas installe tout processus mémoriel sur les assises de l’enfance.

L’’étude du schéma général du récit d’enfance permet de dégager l’importance d’une fonction presque toujours présente dans le récit d’enfance, celle de médiateur. Certes elle est souvent assumée par quelque oncle, tante ou cousin, comme le dit Richard N. Coe227. Mais elle ne saurait être confondue avec le lien de parenté ; elle représente, dans le réseau

relationnel du récit d’enfance, un pôle différent du pôle institutionnel, parfois complémentaire, parfois compensatoire, parfois radicalement divergent :

A ce moment-là, elle avait demandé à sa mère si c’était bien là qu’ils allaient se promener autrefois, essayant de se souvenir des sorties des dimanches de son enfance. Elle ne retrouvait que la sensation de nausée qui la submergeait chaque fois qu’ils devaient monter là-haut en voiture. (EVDLM, p. 42)

Une transgression à cette théorie de la part de Maïssa Bey dans Entendez-vous dans les

montagnes, où le médiateur n’a rien à voir avec un quelconque lien de parenté, c’est la mère qui occupe ce rôle entre la narratrice et les souvenirs de l’enfant qu’elle était avant la mort de son père. Son pôle est complémentaire car il transparaît d’après ce passage que la narratrice octroie à sa mère un rôle bien précis dans ces tentatives d’appréhender le passé, à savoir celui de lui permettre d’aller au-delà des premières sensations. Avec un risque certain, celui d’un schéma convergence/divergence se constituant littérairement. Aussi ces initiateurs sont-ils souvent des incitateurs de marginalisation. Et là encore des combinatoires diverses peuvent apparaître : « Ainsi, je n’aurai pas besoin de remonter très loin dans le temps, dans l’enfance, dans les multiples accrocs qui ont entaillé en surface ou profondément le cours de ma vie. » (SNTRP, p. 25)

Le « je » donne une certaine légitimité à l’idée du lecteur selon laquelle ce ne pourrait être que l’auteur elle-même qui s’exprime et qui entretient ce rapport conflictuel avec son enfance. Si ce n’était pas elle, les souvenirs remonteraient plus facilement à la surface avec netteté et elle n’aurait aucun mal à en parler puisque ce n’est pas d’elle dont il est question.

De fait il semble qu’apparait là une configuration essentielle au récit d’enfance, dont on peut tires quelques conséquences complémentaires : obligatoirement, par le jeu même des décennies qui séparent en général le narrateur de ses premières années, le récit constitue un témoignage sur le passé, et dans nombre de cas, le témoignage prend un tour fortement nostalgique….le côté régressif de cette attitude doit être souligné dans toute sa portée historique.

Dans Entendez-vous dans les montagnes, la nostalgie est relative au personnage du père :

D’autres images très brèves : son père debout devant la porte de sa classe, dans sa blouse grise d’instituteur, puis en bras de chemise, assis dans un fauteuil sur la terrasse, totalement détendu, le visage offert au soleil, ou adossé au seul mur de l’école pendant la récréation. (EVDLM, p. 26)

Alors que chez Nancy Huston, cette attitude régressive est relative à la figure maternelle (nous croyons utile de signaler l’abandon de Nancy Huston dans sa prime enfance par sa mère) comme cela apparaît dans ces deux passages extraits de ses deux ouvrages appartenant à notre corpus:

J’essaie de retrouver son autre visage, celui du début. Pourquoi si peu de souvenirs ? Les images glissent et se fondent ensemble, je ne vois plus que les tissus à soyeux et froufroutants de ses robes d'été où j’aimais tant à enfouir ma tête... Mais elle se, relevait toujours pour repartir, elle n’était jamais tranquille, jamais au repos, un autre enfant avait besoin de son attention, je ne pouvais rester plus de cinq minutes d'affilée dans ses bras, à la sentir me caresser les cheveux et à l’écouter chanter. (IDT, p. 125)

Ou bien encore :

Elle chantait dans la maison, pourtant, quand j’étais toute petite. De cela je me souviens... Elisa chantant avec un lied à la radio, tout en hachant des pommes de terre, des oignons ou des noix... chantant des berceuses en hongrois au moment de nous mettre au lit le soir...fredonnant des cantique en préparant un panier pour notre pique-nique au zoo du Bronx.(IDT, p. 125)

Chez Maïssa Bey, l’évocation de l’enfance est un prétexte pour aborder la figure maternelle, vision stéréotypée dans cet extrait, mais préambule à d’autres évocations

ultérieures : « mais La mère bien-aimée, vivante ou morte, premier refuge comme au temps de

l’enfance.» (SNTRP, p. 28)

Par ailleurs, de ces évocations de l’enfance, il y a peu de place pour l’HISTOIRE, comme si l’enfant était en quelque sorte immunisé contre le monde extérieur, ce personnage d’enfant permet d’« enfiler » toute une série de descriptions et d’anecdotes. D’abord l’enfant peut avoir un statut de témoin privilégié dont personne ne se méfie ; puis sa relative disponibilité et son ingénuité fournit au narrateur un regard neuf228. Aussi, les souvenirs d’enfance ne sont pas seulement le fruit d’une pulsion personnelle, mais ce sont également des réseaux de sens, suscitant des significations dont la portée n’est pas seulement individuelle. Et même si la visée n’est pas historique il en ressort néanmoins, plus souvent qu’on ne croit229, une image des vices de la société et des malheurs historiques.

Dans Cantique des plaines de Nancy Huston, l’espérance de revenir à une enfance effacée est le point de départ de l’écriture de la mémoire, mais Paula ne se contente pas de décrire son enfance avec ce grand-père, elle passe en revue plusieurs enfances, sur plusieurs générations :

L’écrivaine affirmait que:« c'est un livre coupé/collé, un livre d'ordinateur. La découverte libératrice, c'était de voir comment le passé jetait une lumière sur le futur et en quelle manière on arrive à comprendre notre enfance grâce à ce qu'on savait de notre âge adulte, et inversement l'enfance éclaire notre âge mûr.230

Reste à poser le problème des deux « moi », celui du narrateur enfant, et celui du narrateur adulte ; le problème du type de savoir qu’implique la saisie du premier par le second; celui de l’ambivalence de l’âge enfantin, à la fois radicalement différent des années suivantes et les contenant en germe. Les questions soulevées par la remémoration sont abondamment traitées, avec l’intrusion possible de la dimension littéraire.

228HELLENS, Franz, Le Naïf, Le récit d’enfance, Paris, Emile-Paul, 1926.

229DUGAST-PORTES, Francine, op. cit., p. 231

Richard N. Coe231constate également que la mort a été liée à l’enfance non seulement par le souvenir de la terreur qu'elle inspirait à ce moment mais aussi parce qu’elle était la clôture prématurée de beaucoup d’enfances, et même parce que la coupure entre l’enfance et la suite de la vie est vécue comme une sorte de mort..

Cette attitude humaine « d’établir un lien avec le passé »232, comme le dit Peter Kemp, devient encore plus intense car il s’agira de comprendre fondamentalement comment notre relation au passé est aussi la question de notre relation à la mort: à la mort des autres et à sa propre mort : « A ce moment là elle était enceinte de quatre mois. (Mon frère et moi. Le petit

Néant, jumeau mort de Nada vivante. L’auriez-vous appelé Nathan ? Norman ? Nidularium ? Pourquoi m’avoir dit que c’était un garçon ?) » (IDT, p. 83)

Ce qui attire notre attention dans les textes de Nancy Huston est le fait qu’elle associe paradoxalement l’enfance de la narratrice Nadia, et même sa conception, à la mort puisque son frère jumeau, mort in utéro, l’accompagne, elle lui donne un même un nom, Néant. Dans

Cantique des plaines, c’est par le biais d’un passage extrait du journal du grand-père, que la narratrice fait allusion à la mort, de par ce grand-père qui, en lui parlant de ses rêves (mais lui en parle-t-il vraiment ? Ou bien c’est elle qui les déduit d’après le manuscrit qui lui tient de socle pour cette tentative de réappropriation du passé ?), y associe inconsciemment la mère morte, un laconisme trompeur s’entend :

Ces rêves je crois datent d’environ 1935 quand ma mère est morte mais toutes ces année- là ne forment qu’un seul et même…233

Le passage devient illisible à cet endroit-violemment, même. Mais là, après quelques heures vaseuses de sommeil matinal, je crois enfin comprendre ce que j’ai à faire. Il me faudra beaucoup de temps et de culot et d’imagination (CDP, p. 122)

231DUGAST-PORTES, Francine, op. cit., p. 232

232KEMP, Peter, « Mémoire et Oubli: de Bergson à RICŒUR », in Cahiers de l’Herne, numéro 81, consacré à RICŒUR, Paris, 2004, cité par Jeanne Marie Gagnebin, « La mémoire, l’histoire, l’oubli » (version française du texte présenté le 4/09/08 à l’Unicamp, Universida de Estadual de Campinas, Brésil), p. 5 in https://studylibfr .com /doc/2481496/la-m%C3%A9moire--l-histoire--l-oubli

Dans les textes de Maïssa Bey, nous nous retrouvons au cœur d’une histoire de père assassiné, ce qui nous renvoie à la propre histoire de Maïssa Bey qui assista, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, à l’enlèvement de son père une nuit de février 1957, emmené par des soldats français et mort quelques jours plus tard sous la torture.

Nous retrouvons ce même laconisme inhérent à Nancy Huston dans ce passage d’Entendez-vous dans les montagnes de Maïssa Bey : « Elle est née à Boghari. Elle y a vécu.

Jusqu’à la mort de son père » (EVDLM, p. 37)

La démarche orphique de l’écrivain penché sur son enfance est aussi manière de générer le texte. Et le meilleur du travail de l’écrivain consistera à susciter par l’écriture, chez le lecteur, les impressions retrouvées : des impressions discontinues, beaucoup plus proches de la structure poétique que de la technique narrative traditionnelle.

Même s’il est certain que les textes de Maïssa Bey et de Nancy Huston regorgent de souvenirs d’enfance et d’allusions nostalgiques ou autres à cette période de vie, le fait que nous situons ces récits dans un champ ambigu où se conjuguent les données biographiques, les représentations mentales (qui nous sont inaccessibles) et leur expression littéraire nous mène à associer dans notre étude le récit d’enfance avec la notion de Roman familial, notion que nous tenterons de mettre en exergue plus loin, dans le denier chapitre de notre étude.

II-1-2- Mémoire intime

Le roman étant toujours un moyen de se situer, même parfois en brouillant les cartes, de se positionner, nous nous guiderons dans notre étude par cette association entre récit d’enfance et souvenir d’enfance sur les genres abordés précédemment (autobiographie, autofiction…), et la forte probabilité que notre corpus appartienne à l’un de ces genres, même si nous n’avons à notre disposition que les textes de nos auteurs, leurs biographies et quelques extraits d’interviews. La mémoire de l´enfant, abordée précédemment n´est pas intellectualisée comme chez l´adulte, c´est une mémoire physique, celle du corps et des sensations.

Le point de vue étant toujours celui de femmes isolées face à leur lourd passé, la quête opère, non au niveau des connaissances extérieures ou des paroles de témoins mais à celui de

la mémoire personnelle dans un processus dynamique de survie décrit par l’historien Jacques Le Goff en ces termes:« La mémoire, où puise l’histoire qui l’alimente à son tour, ne cherche à sauver le passé que pour servir au présent et à l’avenir »234.

Selon Ph. Gasparini, à propos de l’authenticité du souvenir, dans toute écriture, qu’elle soit autobiographique ou non, dans le but d’atteindre la sensibilité de ses lecteurs, pouvoir ainsi inspirer la confiance et faire croire à sa sincérité, le lecteur va recourir à trois stratagèmes scripturaux pour y arriver : les aveux, les combats et l’héroïsme, et qui contribuent largement à l’identification du personnage à l’auteur. Ce dernier donc ne prétend pas se connaître, s’élucider et se livrer tel qu’en lui-même. Couvert par un masque, il se constitue en personnage, se met en intrigue.

Au lieu de raconter ce qu’il sait de lui, il semble que l’auteur utilise le récit pour découvrir ce qu’il ignore, ce qui se cache sous le souvenir. Il recherche la part d’ombre, de ressentiment, de haine. Alors, l’écriture du moi devient le lieu où l’auteur dévoile des secrets et nous laisse pénétrer dans son monde intérieur.

Notamment, les deux catégories de lieux rhétoriques, tels que les aveux et les combats, ont pour fonction non seulement de faire raconter des histoires, afin de compléter le travail d’énonciation, mais aussi d’établir une communication entre la lecture et l’écriture. Ce pan de la mémoire intime est même érigé en mode de vie, voire en une invite à une attitude quasi religieuse : «Le détour s’effectue en silence, retiré en toi-même, vigilant en toi-même, à l’écoute de toi même. Opérer un détour c’est comme rentrer en soi : dans l’étrangeté plus ou moins inquiétante de l’entour, on ne dispose plus que du rempart de soi. »235

« Elle ne veut pas, ne veut plus parler de ce qu’elle a laissé derrière elle : sa maison, son travail, ses repères quotidiens. Ne pas penser aux siens, au soleil, à la lumière et à l’odeur des jours, à cette souffrance intolérable autour d’elle comme... » (EVDLM, p. 30) :

dans ce passage d’Entendez-vous dans les montagnes, la narratrice entreprend une attitude spécifique, celle d’une fausse dénégation par rapport à tout ce qui constitue son passé, un

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