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La médiation

Dans le document Harcèlement au travail (Page 57-61)

5. L'intervention pendant les rapports de travail

5.2 La médiation

Lorsqu'un conflit se tennine devant un tribunal par un jugement, ou hors d'un tribunal par la sentence d'un arbitre, il y a un gagnant et un perdant. La médiation, elle, favorise une issue du litige sans gagnant ni perdant.

Comme méthode originale de gestion des conflits, la médiation s'est développée il y a une trentaine d'années aux USA. Elle est connue en Europe depuis une vingtaine d'années. Je signale l'existence de deux recommandations du Conseil de l'Europe: 'la recommandation No 98/1 relative à la médiation pénale et la recommandation No 99/19 qui concerne la médiation familiale.

La définition contenue dans le code de déontologie des médiateurs de la Chambre du travail de la «Maison genevoise des médiations» est la suivante:

«La médiation est un mode consensuel de gestion ou de résolu-tion de situarésolu-tions conflictuelles qui consiste à rechercher, grâce à l'intervention confidentielle d'un tiers qualifié, indépendant et impartial, appelé médiateur/trice, une solution librement négociée entre les parties dans un conflit interpersonnel du travail».

L'objectif de la médiation n'est donc pas de juger ou de dire s'il y a eu mobbing ou non, l'objectif est de rétablir la communication, de conserver le lien social entre les parties en litige par l'apaisement de leur conflit.

Est-ce que tous les conOits doivent être apaisés?

Bien sûr que non. Il peut y avoir dans une équipe un conflit d'idées assez intense à propos d'une solution à adopter, litige qui, au terme d'une discussion ou d'un processus d'évaluation, est tranché soit par une

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LA PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ 55 décision à la majorité, soit par une décision du responsable hiérarchique. Et la vie de l'entreprise continue sans problème

Mais il se peut qu'à l'occasion de ce conflit, du mépris ait été exprimé, que de l'humiliation ait été ressentie, qu'un sentiment d'injustice soit vécu. Une phrase, un regard, voire un geste, ont pu exprimer et ou faire ressentir un sentiment très négatif.

Ces sentiments négatifs perturbent gravement la relation profession-nelle et peuvent être à l'origine d'un conflit qui s'installe puis s'amplifie.

Ces sentiments négatifs peuvent devenir les prismes déformants au travers desquels les parties vont s'observer et se heurter. Si leur person-nalité, leur ancienneté ou leur rang hiérarchique les place à égalité, on assistera à un conflit entre deux personnes, stérile sans doute, mais qui peut ne pas gêner tout un service. Si, en revanche, une des personnes, par son infériorité, devient la victime, si par les sentiments négatifs qu'elle reçoit, elle commence à douter d'elle et à se replier sur elle-même, si des collègues sont amenés à prendre parti contre elle, alors ce conflit dégénérera en situation de mobbing.

Tous les cas de mobbing ne naissent pas d'un conflit du type de celui que je viens de décrire. Beaucoup sont liés à des changements de personnes, collègues ou cadres, ou à des modifications exigées par l'entreprise quant à la prestation de travail, évolution à laquelle certains s'adaptent moins facilement que d'autres. Quelle qu'en soit l'origine, il faut intervenir très rapidement avant que le conflit s'installe et dégénère.

Le rôle du médiateur ou de la médiatrice consistera alors à:

permettre aux parties de s'exprimer sur les faits et sur les sentiments vécus,

permettre aux parties de comprendre ce qui a amené cette situation, permettre aux parties, par la reconnaissance des sentiments vécus, d'apaiser leur conflit,

permettre aux parties de rechercher une solution.

Les étapes de la médiation

1. Souvent le processus de médiation comporte en premier lieu un entretien avec la personne plaignante seule, puis un entretien avec la

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personne mise en cause, mais ces entrevues individuelles ne consti-tuent pas une étape indispensable.

2. Classiquement, l'entretien de médiation lui-même est découpé comme suit:

a) l'accueil des parties, moment important pendant lequel les médiateurs clarifient leur rôle, rappellent le sens de la médiation et ses règles;

b) l'exposé des faits les plus importants par chaque partie;

c) le résumé par le médiateur, qui permet à chaque partie de sentir qu'elle est comprise par le médiateur;

d) l'échange de médiation. Par des questions, des relances, le médiateur fait porter l'échange sur les sentiments douloureux suscités par le conflit, afin d'amener les parties à en comprendre l'origine et le mécanisme;

e) la négociation. Si la perception et l'expression de la part subjec-tive du conflit ont été suffisantes, la négociation des éléments factuels est grandement facilitée;

f) un accord, écrit ou non, est formulé. Cet objectif n'est que rarement atteint en une seule séanœ de médiation.

3. Un suivi éventuel est possible. On peut agender une séance de bilan, une deuxième séance de médiation ou une prise de renseignements par le médiateur, etc.

Les obligations déon/ologilj,!es du médiateur

La première est de se former aux techniques de communication et de développer ses compétences et son intérêt à favoriser la communica-tion et à gérer les conflits.

La deuxième consiste à être totalement indépendant des parties en conflit, afin qu'elles perçoivent la liberté d'un médiateur qui n'est lié à aucune des parties.

La troisième obligation est l'impartialité. Ce n'est pas une neutralité faite de passivité. Au contraire,le médiateur doit être engagé, fortement, à l'égard des deux parties, pour leur permettre à chacune l'expression des sentiments qui la font souffrir. Mais, dans cet engagement, le médiateur ne juge pas et ne prend pas parti.

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LA PROTECfION DE LA PERSONNALITÉ 57 La quatrième est l'obligation de confidentialité. Le médiateur est tenu à un strict respect de ce devoir essentiel à l'égard des parties en conflit.

La cinquième est d'être le garant d'un échange respectueux des valeurs fondamentales de la communication humaine. On l'appelle parfois clause de conscience. Le médiateur ne doit pas permettre qu'une séance de médiation tourne à l'affrontement ou soit l'occasion pour l'un des protagonistes de poursuivre son harcèlement ou d'exprimer son mépris. Un médiateur doit intervenir immédiatement dans un tel cas et, au besoin, mettre fin à la médiation.

Les avantages de la médiation

Le principal avantage est sans doute celui découlant du fait que les parties maîtrisent la gestion du conflit et sa solution. Elles peuvent interrompre ou poursuivre le processus de médiation librement et ima-giner des solutions originales, auxquelles elles adhéreront d'autant mieux qu'elles les auront élaborées elles-mêmes, sans pressions extérieures.

La simplicité et la rapidité de la médiation sont intéressantes. La rapidité de réaction du médiateur est un avantage bienvenu dans les cas où la victime a attendu pendant des semaines ou des mois avant de prendre contact.

La confidentialité constitue aussi un grand avantage. Une procédure de médiation peut être complètement ignorée des collègues de travail et des supérieurs hiérarchiques, si les parties le souhaitent.

Les limites de la médiation

Ce n'est pas toujours facile. Quelles que soient ses qualités, le médiateur n'est qu'un faciliteur de communication et la médiation dépend aussi des personnes en présence. Parfois, on ne peut faire qu'un petit bout de chemin en vue de l'apaisement.

Lorsque les deux personnes sont des collègues, nous nous trouvons en situation normale de médiation. Il est clair que lorsque les personnes sont dans une relation hiérarchique, le médiateur et les parties affrontent une difficulté supplémentaire. Dans la médiation, en effet, les personnes doivent accepter de se découvrir un peu, de parler d'elles-mêmes et de leurs sentiments. Cela suppose être capable de sortir de sa fonction et de son rôle, pour se rencontrer comme être humain dans une relation de

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travail, sans oublier que cette relation se poursuivra. Ce n'est donc pas possible dans tous les cas.

Souvent, après avoir rencontré les parties individuellement, le médiateur devra renoncer à organiser une séance de médiation, tout particulièrement s'il a le sentiment que l'une des parties ne tient pas à l'apaisement du conflit. Il peut s'agir soit d'un supérieur hiérarchique, persuadé d'avoir à se séparer d'un collaborateur qui n'est pas à sa place et d'exercer une pression légitime, soit d'un collègue qui ne semble pas pas possible, doit intervenir conformément à ses obligations. Il confiera alors à une personnalité le soin d'effectuer une enquête visant à établir les faits et les responsabilités. Il pourra confier cette enquête à un cadre non impliqué ou, de préférence, à un enquêteur ou consultant extérieur à l'entreprise. Ce dernier entendra individuellement toutes les personnes liées à un titre ou à un autre au confli; ou susceptibles d'éclairer la compréhension de celui-ci, puis il rédigera un rapport sur la base duquel l'employeur prendra une ou des décisions, de sanction, de déplacement, de réorganisation ou de licenciement. Ces enquêtes sont souvent diffi-ciles et doivent être confiées à des personnes expérimentées.

6. L'Intervention à la fin des rapports de travail leurs expériences et de s'entraider. Je n'ai eu que des échos positifs de la part de participants à ces groupes de parole.

Lorsque la personne en a les forces psychiques et les moyens matériels, le recours à l'avocat peut être envisagé. Ce dernier devra déterminer les chances de succès d'une procédure avant de s'y risquer.

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