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D. Physiopathologie de la gastroparésie diabétique

3. Mécanismes intrinsèques et histopathologie

Plusieurs anomalies histologiques dans le cadre de la gastroparésie diabétique ont été mise en évidence. Dans une large cohorte prospective américaine de patients atteints de gastroparésie, 83% d’entre eux présentaient des anomalies histologiques après analyse de biopsies gastriques (53).

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a) NO et NO Synthase neuronale

La digestion normale implique une homéostasie entre les neurotransmetteurs stimulants (acétylcholine et substance P) et inhibiteurs (NO et VIP).

Le système nerveux entérique consiste en une multitude de neurones distribués le long du tractus digestif, exprimant la NO synthase neuronale (NOSn) synthétisant le NO, dont la plus forte concentration se situe au niveau pylorique. Le NO exerce divers effets dont certains s’opposent entre eux : il intervient dans la phase d’accommodation gastrique (phase de distension fundique lors de l’arrivée du bol alimentaire) mais également dans la phase de vidange et plus particulièrement au niveau pylorique en permettant la relaxation du pylore. En revanche, le NO diminue le nombre et l’amplitude des contractions gastriques ce qui peut contribuer à allonger le temps de vidange gastrique (57).

Chez l’animal, une étude a montré que les sujets déficients pour la NOSn présentaient une stase gastrique importante avec la présence de bézoards. La vidange gastrique des solides et des liquides était ralentie par rapport aux sujets contrôles (58).

Chez l’homme, il a été montré dans la gastroparésie diabétique que le NO et la NOSn étaient diminués, ce qui se traduit par un défaut d’accommodation fundique lors de la prise alimentaire (diminution de la capacité gastrique) et par l’augmentation du tonus pylorique entravant la vidange gastrique (57,59). Ce défaut d’expression semble être partiellement dû à une apoptose des neurones entériques (5,6).

Le NO a donc été une cible potentielle pour l’élaboration de thérapeutiques permettant de restaurer ses fonctions sur la vidange gastrique. La régulation de la NOSn est complexe et fait intervenir de nombreux facteurs tels que la glycémie, l’insuline et l’insulin-like growth factor 1 (IGF-1) (7,34). Il a d’ailleurs été démontré, dans un modèle animal, que l’administration d’insuline permettait de restaurer l’expression de la NOSn et de normaliser la vidange gastrique (59). Dans ce même modèle, l’administration d’un inhibiteur de la phosphodiesterase (enzyme inhibant le NO), le sildenafil, corrige les altérations de la vidange gastrique en diminuant les spasmes pyloriques. Bien que ces effets intéressants aient été mis en évidence chez l’animal ; chez l’homme, les résultats sont discordants et l’augmentation de la concentration en NO n’améliore pas toujours la vidange gastrique ni les symptômes post-prandiaux liés à la gastroparésie (60) voire même ralentit davantage la vidange gastrique (61). Ces effets discordants peuvent être expliqués par les effets opposés

40 générés par le NO sur la vidange gastrique : la distension fundique induite vient contre-balancer les effets positifs de la relaxation pylorique en entraînant une stase alimentaire fundique (60).

La perte d’expression de la NOSn chez les patients diabétiques résulterait d’un rétro-contrôle négatif des produits terminaux de glycation qui, par l’intermédiaire d’un récepteur spécifique, peuvent interagir avec le système nerveux entérique (62). Par ailleurs, cette perte d’expression interviendrait rapidement après l’installation du diabète (63).

Bien que la perte d’expression de la NOSn soit associée au ralentissement de la vidange gastrique, elle n’explique pas à elle seule le développement de la gastroparésie diabétique et agirait plutôt comme un cofacteur dans la genèse de la gastroparésie diabétique.

b) Cellules de Cajal et muscle lisse

La raréfaction des CIC représente le deuxième élément déterminant dans la genèse de la gastroparésie diabétique. Ce mécanisme a été décrit dans plusieurs études, essentiellement chez l’animal, dans des modèles diabétiques de type 1 et de type 2 (63–66). Cette perte de cellules concerne essentiellement les sous-types MY et IM au niveau antral ce qui altère la propagation des ondes lentes générées au niveau fundique. On n’observe pas de perte cellulaire au niveau fundique. En revanche, il existe des anomalies structurales du réseau de cellules à ce niveau (perte de communication) à l’origine de dysrythmies gastriques (64,65,67).

Ce mécanisme a également été décrit chez l’homme : dans une série de 36 patients diabétiques de type 2, la densité de CIC était significativement plus faible comparativement au groupe contrôle. Parallèlement, l’expression de NOSn et de substance P était également altérée (68). Le registre américain du Gastroparesis Clinical Research Consortium (étude prospective américaine sur la gastroparésie débutée en 2006), a permis de montrer que 50% des patients diabétiques (type 1 et 2 confondus) dans cette cohorte avaient une nette raréfaction des CIC sur des biopsies gastriques et que la vidange gastrique était significativement allongée dans ce sous-groupe de patients. Cette raréfaction des CIC est d’autant plus marquée que le ralentissement de la vidange gastrique est important chez les patients diabétiques (7,53). A l’inverse, dans le sous-groupe de gastroparésie idiopathique, la perte des CIC n’était pas corrélée au temps de vidange gastrique (53).

Cette atteinte est associée au développement d’une dysrythmie gastrique à type de tachygastrie (fréquence d’ondes lentes supérieure à 3,5 par minute) en période prandiale et inter-

41 digestive. Les patients diabétiques présentant ce type d’anomalie sont susceptibles d’avoir une symptomatologie digestive plus marquée (67). La restauration du rythme de dépolarisation par l’adjonction de domperidone améliore les symptômes digestifs appuyant ce lien entre la dysrythmie et la symptomatologie digestive (5).

Le maintien des CIC résulte d’un équilibre entre les mécanismes protecteurs et destructeurs. L’insuline, l’IGF-1 et le Stem Cell Factor (SCF, facteur de croissance de cellules souches) ont été identifiés comme facteurs protecteurs des CIC. Le SCF est exprimé par les cellules musculaires lisses. Le diabète entraine l’apparition d’une fibrose et d’une atrophie des cellules musculaires lisses médiée par l’état d’insulinopénie et la carence en IGF-1, réduisant la sécrétion de SCF. Ceci contribue à la perte des CIC qui n’est donc pas directement liée à l’hyperglycémie (66).

Une raréfaction des fibres nerveuses du plexus myentérique, corrélée à la perte des CIC a également été décrite dans la littérature. Selon les séries, elle touche en moyenne un tiers des patients ayant une gastroparésie (diabétique et idiopathique) (26,32,53).

c) Macrophages et Hème-Oxygénase 1

Le diabète constitue un état de stress oxydatif néfaste pour les CIC. L’Hème Oxygénase 1 (HO 1) est une enzyme anti-oxydante activée dans les macrophages M2 CD206+ cytoprotecteurs, normalement surexprimés chez les sujets diabétiques (69). Chez l’animal diabétique de type 1, l’inactivation d’HO 1 est corrélée à la perte des CIC et à l’allongement de la vidange gastrique. Ces effets sont totalement réversibles après restauration de l’activité d’HO 1 par adjonction d’hémine (63) ou de monoxyde de carbone (9).

Une autre étude réalisée sur un modèle animal de diabète de type 2 a montré la perte sélective de la sous-population de macrophages M2 CD206+ chez les sujets présentant un ralentissement de la vidange gastrique. Parallèlement, était observée une surexpression des macrophages M1 pro-inflammatoire n’exprimant pas HO 1 (69).

Le même constat est fait au cours de la gastroparésie diabétique chez l’homme avec une corrélation existant entre la disparition des macrophages M2 CD206+ et le nombre de CIC, à la différence de la gastroparésie idiopathique (70).

42 La présence d’un infiltrat de cellules immuno-compétentes CD45+ a également été décrite dans la gastroparésie diabétique et idiopathique (53).

L’expression de l’hème oxygénase 1 dans la sous-population de macrophages M2 semble être un facteur anti-oxydant nécessaire à la survie des cellules interstitielles de Cajal, et a donc un rôle protecteur contre le développement de la gastroparésie diabétique.

La survenue d’une gastroparésie dans le cadre du diabète peut donc être le résultat d’une atteinte de la commande nerveuse gastrique, d’un dysfonctionnement neuro-musculaire, d’une atteinte du système immunitaire ou de l’ensemble de ces mécanismes intriqués (figure 6).

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