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LES CANCERS DE LA PEAU 1

1.4 Mécanismes généraux de la carcinogenèse cutanée

L’organisme humain est composé de milliards de cellules qui se développent, remplissent une fonction puis meurent de façon programmée (apoptose). La cancérogenèse est un processus de transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse. Un cancer résulte d’une prolifération incontrôlée et anarchique de cellules qui deviennent malignes, car elles échappent aux processus normaux de régulation de la croissance tissulaire et de l’apoptose, sous l’effet cumulatif de multiples modifications, appelées encore des mutations. Ces modifications sont dues à des facteurs génétiques ou peuvent entre autres être induites par l’exposition à des agents physiques, à des produits toxiques, à certains virus ou encore à certains facteurs environnementaux et comportementaux. Le rôle de

Page | 50 l’alimentation dans la carcinogenèse a été bien établi mais il reste encore mal connu. La consommation d’alcool, l’excès de poids et le manque d’exercice physique sont également impliqués dans l’augmentation des cas de cancers.

En effet, les mutations entrainent des anomalies engendrées par des erreurs lors de la réplication ou la reproduction de l'ADN (acide désoxyribonucléique), et donc des gènes, lors de la division cellulaire. Dans la majorité des cas, ces mutations surviennent sur l'ADN d'une cellule somatique d'un tissu particulier. Elles peuvent entrainer des variations très légères sur l'ADN générant des polymorphismes avec des conséquences plus ou moins graves, ou elles peuvent entrainer des variations plus complexes impliquant des gènes entiers ou une partie de chromosome causant des effets plus graves. Les cellules touchées par les mutations se divisent de façon anormale et, si elles ne sont pas contrôlées par le mécanisme physiologique d’apoptose ou par l’ensemble des mécanismes de défense de l’organisme, celles-ci se multiplient pour former une tumeur.

Trois étapes-clés dans la cancérogenèse sont décrites : l'initiation, la promotion et la progression. Au cours de la phase d’initiation, un agent carcinogène entraine des mutations irréversibles de l’ADN, qui se transmettent lors de la division cellulaire. Pendant cette étape qui dure des années (état latent), la cellule normale acquière des propriétés l’amenant progressivement à une transformation en cellule tumorale. Lors de la phase de promotion tumorale, des multiplications anormales ont lieu au niveau des cellules déjà initiées. Enfin, l’étape de progression tumorale marque le passage de lésions précancéreuses à des lésions malignes, avec une prolifération cellulaire indépendante et extension invasive de la tumeur. Lors de cette étape, certaines cellules cancéreuses peuvent s’échapper de leur tumeur d’origine et coloniser d’autres parties du corps, via les vaisseaux sanguins ou lymphatiques. On parle dans ce cas de métastases. Ce processus multi-étapes de cancérogenèse se déroule en général sur un temps long de plusieurs années, voire de dizaines d’années.

Comme pour la plupart des cancers, la carcinogénèse cutanée fait appel à ce processus de transformation multi-étapes des cellules-cibles qui suit un schéma classique : initiation, promotion et progression. En revanche, le processus de développement d’un mélanome à partir de mélanocytes sains et sa progression font intervenir différentes étapes successives particulières selon un modèle décrit par Clark. Au cours de la première étape, une prolifération des mélanocytes normaux conduit au développement d’un nævus bénin. Lors de la deuxième étape, une prolifération aberrante à partir soit d’un nævus préexistant, soit d’une nouvelle lésion, conduit au nævus dysplasique qui présente une atypie structurale. Puis suit une phase de croissance intra-épidermique horizontale ou radiale longue (3 à 7 ans) et une phase de croissance verticale. Durant la phase de croissance radiale, les cellules acquièrent la capacité de proliférer au niveau de l’épiderme, alors que durant la phase de croissance verticale, les cellules acquièrent un caractère invasif et commencent à envahir le derme et les tissus sous-cutanés. A travers les réseaux sanguins et lymphatiques, les cellules tumorales du mélanome peuvent envahir les autres organes distants et former des colonies secondaires.

Page | 51 Il a été montré que la majorité des mélanomes apparaissent de novo alors que 30 % se développent à partir de nævi préexistants (36). Des mutations somatiques fréquentes comme celles du gène codant pour la protéine B-rapid accelerated fibrosarcoma (BRAF), neuroblastoma RAS viral oncogene

homolog (NRAS), neurofibromatosis type 1 (NF1), phosphatase and tensin homolog (PTEN) ou

encore tyrosine-protein kinase (KIT), qui sont impliqués dans les voies MAPK (mitogen-activated

protein kinase) et phosphoinositol-3-kinase (PI3K), contrôlant la prolifération, la différenciation ou

encore la survie des cellules sont retrouvées dans le mélanome. La mutation du gène codant pour le promoteur TERT (telomerase reverse transcriptase) impliqué dans le maintien des télomères est également retrouvée au sein des nævi dysplasiques. Certaines mutations ne sont en revanche observées que dans le mélanome et non dans les nævi, telle celle du gène CDKN2A (cyclin-dependent kinase

inhibitor 2A), un gène suppresseur de tumeur, observé dans les formes familiales de la maladie (37).

Cliniquement, les mélanomes se développant de novo apparaissent plus souvent sur la zone de la tête et du cou de sujets plus âgés, alors que ceux sur de nævi préexistants sont plus souvent localisés sur le tronc et sont associés à un nombre élevé de nævi. Ces observations ont été formalisées dans un modèle étiologique, le « modèle des mécanismes divergents », qui distingue deux voies de développement des mélanomes : l’une caractérisée par un grand nombre de nævi et l’autre par une exposition chronique à l’exposition solaire (38,39).

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Epidémiologie des cancers cutanés