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Facteurs de risque des cancers cutanés 3

3.2 Facteurs environnementaux

L’exposition aux rayonnements ultraviolets est le facteur environnemental le plus important de cancer de la peau.

Les différentes sources d’émission d’ultraviolets

Le rayonnement solaire est la principale source d'exposition humaine et englobe une large gamme de longueurs d'onde de l'énergie photonique, incluant le rayonnement ionisant, le rayonnement ultraviolet, la lumière visible et le rayonnement infrarouge. Contrairement à la lumière visible permettant l’éclairage et aux rayonnements infrarouges à l’origine de la sensation de chaleur apportée par le soleil, la présence d’un rayonnement UV ne peut pas être perçue par le corps humain. Les rayonnements UV solaires sont classés, de manière conventionnelle, en trois catégories selon leur longueur d’onde (116) : UVA (longueurs d'onde de 315-400 nm), UVB (280-315 nm) et UVC (100-280 nm). Les UVC (100-(100-280 nm) sont les plus dangereux, mais ils sont en totalité arrêtés et absorbés par la couche d’ozone, la vapeur d’eau, l’oxygène et le dioxyde de carbone, et n’arrivent pas à la surface de la Terre. Ensuite, les UVB (280-315 nm) sont en grande partie arrêtés par la couche d’ozone et représentent seulement 5 % des UV atteignant la surface terrestre. Ils sont responsables de la plupart des coups de soleil et sont un facteur de risque des cancers cutanés. Ils contribuent également à la synthèse de la vitamine D. Les UVA (315-400 nm), contrairement aux UVB, ne sont pas arrêtés par le temps nuageux, ni par les vitres et pénètrent jusque dans les couches profondes de l’épiderme. Ils représentent 95 % des UV atteignant la surface terrestre. Ils induisent un vieillissement de la peau et constituent également un facteur de risque pour les cancers cutanés.

Les appareils de bronzage constituent une autre source d’exposition aux rayonnements UV, dont ils représentent une source artificielle (115,117). Ils émettent à la fois des UVA et des UVB. Apparus dans les années 1960, les appareils de bronzage se sont particulièrement développés en Amérique du

71 Nord, en Europe du Nord et en Australie (118). A partir des années 90, ils sont largement utilisés et popularisés, avec l’idée qu’ils permettent d’obtenir un bronzage plus sûr s’il est fait dans un salon de bronzage. Les UV artificiels ont également été utilisés, depuis des décennies, pour traiter des pathologies telles que le rachitisme ou le psoriasis et à partir d’appareils UV spécifiques (119). Depuis cette dernière décennie, la limite maximale d’irradiation fixée en Europe est de 0,3 W/m², un niveau équivalent à celui des UV solaires sous les tropiques en milieu de journée (120). En France, les restrictions sont plus contraignantes, avec une limite à 0,5 mW/m² pour les UVB et à 0,15 W/m² pour les UVA (121). Selon le Baromètre Cancer 2010, 13,4 % des personnes interrogées déclarent avoir utilisé des UV artificiels au moins une fois dans leur vie, dont 3,5 % au cours des 12 derniers mois (5 % pour les femmes et 9,9 % pour les 20-25 ans) (122).

Exposition aux rayonnements UV et cancers cutanés Mise en évidence du rôle des UV

L’exposition aux rayonnements UV est le seul facteur de risque reconnu comme cause du mélanome et de carcinomes cutanés (30,123,124). Depuis 1992, l’exposition aux rayonnements UV est classée cancérogène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) (125). Selon l’OMS, 50 à 90% des cancers cutanés sont attribuables aux rayonnements UV, ce qui fait de l’exposition aux rayonnements UV le principal facteur de risque de ces cancers.

Les données de la littérature ont pu démontrer que les UV, en atteignant la peau, peuvent mener au développement de cancers cutanés au moins de deux façons : de manière directe en brisant l’ADN des cellules cutanées, ce qui peut provoquer des mutations génétiques induisant une carcinogénèse cutanée, ou de manière indirecte, en entrainant la formation de radicaux libres qui altèrent les membranes et les noyaux des cellules. Le processus de transformation néoplasique progressive des cellules par l’exposition aux UV qui aboutit à l’apparition d’un cancer cutané est appelé photocarcinogénèse cutanée. Celle-ci est induite généralement par les UVB ou les UVA à courte longueur d’onde. Il a été suggéré que les UVA pénètrent dans l'épiderme et le derme et induisent des dommages à l’ADN indirectement par la formation de radicaux libres (94,124,126,127), tandis que les UVB, pénétrant uniquement l’épiderme, sont absorbés par des bases d'ADN hétérocycliques au niveau cellulaire, ce qui permet aux UVB d’affecter directement l'ADN (128).

Plusieurs études observationnelles confirment le rôle de l’exposition aux UV dans l’apparition des cancers cutanés. Les études écologiques ont rapporté une variation géographique de l’incidence du mélanome dans le monde, avec des relations inverses entre la latitude et les taux d'incidence et de mortalité de ce cancer, d’une part, et entre la latitude, et les niveaux d’exposition aux UV, d’autre part (129). Néanmoins, en Europe, une relation positive est au contraire observée entre les taux d’incidence et de mortalité du mélanome et la latitude. Cette observation pourrait être expliquée par le type de

72 peau plus foncé dans les populations méditerranéennes par rapport à la population des pays de l’Europe du Nord.

De même, les différences ethniques dans l'incidence du cancer cutané observées dans le monde entier apportent également une preuve du rôle des UV dans l’étiologie des cancers cutanés (130). Les taux d’incidence du mélanome varient en fonction de l’ethnicité, avec un risque au cours de la vie de 2,6 % chez les populations à peau blanche, 0,1 % pour chez les populations afro-américaines et 0,58 % chez les populations hispaniques (131). Les personnes à peau claire ont dix fois plus de risque de développer un mélanome cutané que les personnes à peau foncée (132). Les carcinomes cutanés sont également plus fréquents chez les populations non-caucasiennes (132). Ces observations peuvent s’expliquer par l’influence différente des rayonnements UV sur les différents types de peau, les peaux des populations vivant à de faibles latitudes étant plus foncées, correspondant à une protection plus importante des effets délétères des rayonnements UV, plus intenses à ces latitudes ; et les peaux des populations ayant migré vers des latitudes plus élevées étant plus claires, afin de maximiser la production de vitamine D à partir des UV ambiants beaucoup plus faibles. Par ailleurs, il a été montré que chez les populations de peau claire qui ont migré vers de faibles latitudes, l'incidence des cancers cutanés a augmenté rapidement (116), fournissant des preuves supplémentaires du rôle de l’exposition solaire sur la survenue de cancers cutanés.

Exposition solaire

Différents types d’exposition solaire peuvent être étudiés dans les études épidémiologiques. L’exposition dite « intermittente », ou « récréationnelle », correspond à une exposition intense et de durée limitée qui s’effectue lors d’activités de loisirs en extérieur pendant les saisons chaudes. L’exposition dite « résidentielle » est liée à la latitude du lieu de résidence, elle correspond à l’exposition aux UV ambiants. L’exposition « chronique » correspond à une exposition solaire intense sur le long-terme, soit par une exposition résidentielle à une faible latitude, soit par une exposition professionnelle aux rayonnements UV chez les personnes travaillant en extérieur.

Le mélanome est généralement associé à une exposition intermittente et intense aux UV, particulièrement durant l’enfance mais aussi à l’âge adulte, en particulier en termes de nombre de coups de soleil. Les données de la littérature portant sur l’influence de l'exposition solaire professionnelle et récréationnelle sur la survenue du mélanome ont suggéré une augmentation de risque de mélanome avec l'exposition intermittente, et une association inverse avec l'exposition chronique (93,133–135). En effet, une méta-analyse a mis en évidence une association positive entre l'exposition intermittente et le risque de mélanome, avec un risque relatif de 1,61 (IC à 95 % = 1,31-1,99) ; alors qu’un risque relatif de 0,95 (IC à 95 % = 0,87-1,04) était observé avec l'exposition chronique (134). Néanmoins, cette hypothèse sur l’exposition intermittente a été remise en question et il a été suggéré que l’effet du type d’exposition aux UV sur le risque de mélanome différait selon le

73 type histologique et le site anatomique de la tumeur. Les travaux antérieurs ont en effet montré que les mélanomes de type LMM ou ceux survenant au niveau de la tête et du cou chez les sujets âgés sont associés à des expositions chroniques au cours de la vie ; tandis que les mélanomes à extension superficielle ou ceux survenant sur le tronc sont associés positivement à des expositions intermittentes (39,134,136–139).

En ce qui concerne les carcinomes cutanés, les CBC semblent être associés à des profils d'exposition solaire similaires à ceux du mélanome, c'est-à-dire à l'exposition dans l'enfance et à une exposition excessive au soleil à l'âge adulte (93,140,141). En revanche, la survenue de CSC a été associée à une exposition cumulée tout au long de la vie et à l'exposition professionnelle au soleil (94,140).

Lampes UV

L’influence des lampes UV sur la survenue de cancers cutanés a été largement étudiée du fait de leur utilisation très répandue dans les pays développés, en particulier en Europe du Nord et en Amérique du Nord. Les études épidémiologiques suggèrent que l’utilisation de lampes UV (ou cabines de bronzage, bancs solaires ou encore solarium) augmente fortement le risque de cancers cutanés (117,142,143). En effet, une méta-analyse menée sur 27 études observationnelles a rapporté une association entre l'utilisation de bancs solaires et le risque de mélanome, en particulier chez les jeunes (144). Il a été montré que l’utilisation de cabines UV au moins une fois dans sa vie augmentait le risque de mélanome de 20 %, et de 59 % (13 études incluses) si la première séance de cabine UV avait eu lieu avant l’âge de 35 ans (144). Une récente étude norvégienne a confirmé cette association positive et plus marquée chez les personnes jeunes, avec des sur-risques de 36 % pour les utilisateurs de 30 ans ou moins, et de 15 % chez les plus de 30 ans (145).

Une méta-analyse incluant 12 études a rapporté une association positive entre l'exposition aux lampes UV et le risque de carcinomes cutanés (146). L’exposition aux lampes UV était associée à un risque 67% plus élevé de CSC et un risque 29 % plus élevé de CBC. L'exposition à un jeune âge était significativement associée à un risque accru de CBC, tandis qu’elle n’était pas associée au risque de CSC (146).