Chapitre 3 Elaboration et caractérisations de photocatalyseurs
1.1 Mécanisme de condensation du dioxyde de titane
En milieu hydrothermal, le mécanisme de condensation de l’oxyde de titane est
fortement dépendant des espèces chimiques en présence. Ces espèces sont notamment
contrôlées au cours de la synthèse par les teneurs en KCl et le pH choisis. Ainsi, l’influence de
ces deux paramètres sur la composition des TiO
2élaborés a été étudiée.
1.1.1Influence de la présence de chlorure de potassium
La première étape de la synthèse constitue une étape de précipitation de l’oxyde de
titane et aboutit également à la formation de chlorure de potassium (KCl). Aussi, l’influence de
la présence de ce composé au cours du traitement hydrothermal a été suivie. Deux
concentrations en chlorure de potassium (correspondant à des rapports molaires en potassium
de K/Ti = 0 et K/Ti = 2) ont été étudiées au cours d’une synthèse hydrothermale réalisée à pH =
2,0 pendant 48 h à 180°C. La Figure 3.1 montre les diffractogrammes obtenus pour chaque
rapport molaire.
76
Figure 3.1 : Diffractogramme X pour K/Ti = 0 et K/Ti = 2, lors du traitement hydrothermal (pH = 2,0, T = 180°C et t = 48 h)
Les pics de diffractions correspondant à la phase rutile présentent des intensités
relatives plus importantes lorsqu’il y a présence de KCl. Les compositions massiques identifiées
pour chacune des phases cristallisées du TiO
2, sont de 60 % d’anatase, 39,5 % de brookite et
0,5 % de rutile en absence de chlorure de potassium, contre 54 % d’anatase, 41 % de brookite
et 5 % de rutile en présence de ce dernier. La formation de la phase rutile semble donc favorisée
en présence de chlorure de potassium (KCl).
La Figure 3.2 montre les phases cristallographiques obtenues en fonction de la présence
de chlorure de potassium pour une synthèse hydrothermale réalisée à pH basique (9,0).
Figure 3.2 : Diffractogramme X en fonction de la présence de KCl lors du traitement hydrothermal (pH = 9,0, T = 180°C et t = 48 h)
77
Seule la phase anatase est obtenue dans ces conditions de synthèse. La Figure 3.3
reporte la taille moyenne des cristallites obtenue pour différents pH, en absence de sel
(K/Ti = 0) et en sa présence (K/Ti = 2).
Figure 3.3 : Taille moyenne des cristallites en fonction du pH pour des synthèses hydrothermales avec un rapport K/Ti = 0 (a) et K/Ti = 2 (b) (T = 180°C et t = 48 h)
La taille moyenne des cristallites d’anatase varie entre 9,8 nm et 27,3 nm pour des pH de
2,0 à 9,0 en absence de KCl, contre 6,7 nm à 13,0 nm en présence de KCl. La taille moyenne
pour les cristallites de rutile à pH = 2,0 est de l’ordre de 32,0 nm en présence de sel et de
19,3 nm en absence de sel. Enfin, la phase brookite semble peu affectée par la présence de
chlorure de potassium. Sa taille moyenne de cristallite est de l’ordre de 12,0 nm à pH = 2,0 et de
8,0 nm à pH = 4,0 quelle que soit la teneur en sel. L’augmentation de la taille moyenne des
cristallites pour la phase rutile est en bon accord avec l’augmentation de la teneur massique
pour cette phase (Figure 3.1). La taille moyenne des cristallites d’anatase est sensiblement
réduite par l’utilisation de chlorure de potassium.
La concentration en ions chlorure augmente significativement lorsque l’on ajoute du KCl,
passant ainsi de 10
-2mol.L
-1en absence de sel (pH = 2,0) à 1,7 mol.L
-1en présence de ce dernier
avec un rapport molaire K/Ti = 2. De même, la concentration d’ions potassium passe de
0,0 mol.L
-1à 1,7 mol.L
-1en présence de chlorure de potassium. H. Cheng et al.
137reportent que
la présence de sels de chlorure (SnCl
4, NaCl), au cours d’une synthèse hydrothermale à partir
d’un précurseur de type TiCl
4, serait favorable à une diminution de la taille moyenne des
cristallites et à la formation de la phase rutile. Ils supposent que le cation présent dans le sel
serait capable de s’adsorber sur la surface chargée négativement du TiO
2, réduisant ainsi la
surface disponible des particules, et de ce fait, la croissance cristalline. En outre, en partant du
78
même précurseur, A. Pottier et al.
197ont montré que l’élévation de la force ionique du milieu (à
partir de NaCl) entrainerait une augmentation de la proportion de phase amorphe pour des
pH ≥ 5, ce qui aurait pour conséquence de diminuer la taille moyenne des cristallites. La
formation de la phase rutile est associée à la présence de Cl
-. En effet, l’ion chlorure serait
susceptible d’affecter la sphère de coordination (octaédrique) qui entoure les atomes de titane
dans la suspension colloïdale et d’orienter le processus de condensation préférentiellement vers
certaines phases cristallographiques.
La présence de chlorure de potassium (KCl) permet donc d’augmenter la quantité de
rutile formée dans les échantillons à faible pH et de diminuer la taille des cristallites,
notamment pour la phase anatase. Si le mécanisme semble lié à la teneur en ions chlorure dans
le milieu, le pH semble jouer également un rôle sur le type de phases cristallographiques
obtenues. Aussi, l’évolution de la composition des phases a également été suivie par variation
du pH, à partir d’acide chlorhydrique (HCl) ou d’hydroxyde de potassium (KOH). Afin de
favoriser la formation de catalyseurs polyphasiques contenant la phase rutile, un rapport
molaire K/Ti = 2 a été utilisé par la suite.
1.1.2Influence du pH
La composition cristallographique du TiO
2a été suivie en fonction du pH, au cours du
traitement hydrothermal. La Figure 3.4 montre l’évolution des fractions massiques de chacune
des trois principales phases cristallographiques du TiO
2en fonction du pH.
Figure 3.4 : fraction massique des phases de TiO2 cristalisées en fonction du pH au cours du traitement hydrothermal (K/Ti = 2, T = 180°C et t = 48 h)
79
Des systèmes monophasiques de TiO
2ont été obtenus pour des pH ≤ 0,4 et pH ≥ 7,0
pour les phases rutile et anatase respectivement. Des systèmes triphasiques constitués des
phases anatase, rutile et brookite ont été synthétisés pour des valeurs de pH comprises entre
0,8 et 2,5. Pour l’intervalle situé entre des pH de 3,0 et 7,0, ce sont des systèmes biphasiques
constitués des phases anatase et brookite qui sont produits.
J.-P. Jolivet et al.
198reportent qu’en milieu aqueux, les processus de nucléation et de
croissance cristalline des oxydes sont contrôlés par des réactions d’olation et d’oxolation
(Eq. 3.1 et 3.2). Ces réactions nécessitent la présence de ligands hydroxo (OH
-) et aquo (H
2O), et
leur capacité à former des ponts entre deux complexes octaédriques de titane.
3.1
3.2
Comme décrit précédemment, les principales phases du dioxyde de titane sont
différenciées par le nombre d’arêtes que partagent les octaèdres de TiO
6entre eux (cf : chapitre
1, 4.2.1), deux pour la phase rutile, trois pour la phase brookite et quatre pour la phase anatase.
Ainsi, la formation des différentes structures cristallographiques de TiO
2peut être reliée à la
composition de la sphère de coordination qui entoure l’atome de titane en solution. En milieu
aqueux, le titane peut être entouré de différents ligands pour aboutir à un complexe du type
[Ti(OH)
aCl
b(H
2O)
c]
(4-a-b)+avec a+b+c = 6 selon A. Di Paola et al
126. A. Pottier et al.
147et S.
Cassaignon et al.
127reportent que dans un milieu aqueux, par thermohydrolyse à partir de TiCl
4et TiCl
3respectivement, des complexes neutres de type [Ti(OH)Cl
3(H
2O)
2]
0et [Ti(OH)
2Cl
2(H
2O)
2]
0sont les précurseurs de la formation des phases rutile et brookite respectivement. La présence
d’ions chlorure n’étant pas favorable à la formation de ponts entre les complexes de titane, le
nombre de liaisons possibles va être limité, favorisant ainsi la formation des phases rutile et
brookite. De ce fait, la phase anatase serait quant à elle issue de complexes peu ou non chloré,
comme décrit par H. Scheng et al.
137où encore par S. Yin et al.
199à partir de TiO
2amorphe.
Le nombre de ligands chlorure présents dans la sphère de coordination du titane
pourrait être relié à deux paramètres : la concentration en ions chlorure et le pH du milieu.
Précédemment, il a été identifié que l’augmentation de la concentration en ion chlorure par
l’addition de KCl dans le milieu, favorisait la formation de la phase rutile. La diminution du pH,
par ajout de HCl, a deux effets sur le milieu, d’une part l’augmentation de la concentration en
ions chlorure, et d’autre part, l’augmentation de la concentration en proton (H
+). D’après K.
80
Yanagisawa et al.
146, la protonation de la surface du dioxyde de titane serait favorable à un
mécanisme de dissolution puis recristallisation de la phase anatase en phase rutile et brookite,
pour des pH acides (< 0,3 avec HCl) en milieu hydrothermal à partir de TiO
2amorphe.
La Figure 3.5 représente les diffractogrammes obtenus pour un pH = 11,0 au cours du
traitement hydrothermal. Les pics de diffraction correspondant à la phase anatase apparaissent
sur les diffractogrammes. Toutefois, une raie très large entre 2θ = 20° et 50° peut révéler la
présence d’une phase amorphe de TiO
2. En outre, une phase de titanate de potassium (K
2Ti
4O
9:
fiche JCPDS 00-027-0447, annexe I), est révélée par la présence d’un pic bien marqué à la
position 2θ = 10°, correspondant à la raie d’intensité maximale pour cette phase. Cette phase
est généralement utilisée pour la formation de la phase métastable de TiO
2(B) par traitement en
milieu acide
200. Aucun pic de diffraction ne laisse supposer la présence de cette phase pour des
pH de 9,0 et inférieurs (Figure 3.2). L’obtention de titanates de potassium sera donc limitée par
l’emploi de pH inférieur ou égal à 9,0 au cours des synthèses hydrothermales. Le potassium
semble donc capable d’interagir avec le TiO
2au cours du traitement hydrothermal à pH très
basique pour former des phases de titanate de potassium.
Figure 3.5 : Diffractogrammes des rayons X obtenus pour différents rapports molaires K/Ti (pH = 11,0, T = 180°C et t = 48 h)
Outre la composition cristallographique des photocatalyseurs, la taille des cristallites
pour chaque phase a été suivie. La Figure 3.6 montre la taille moyenne des cristallites obtenue
pour chaque phase en présence, à différents pH.
81
Figure 3.6 : Taille moyenne des cristallites obtenue pour les différentes phases en fonction du pH au cours du traitement hydrothermal (K/Ti = 2, T = 180°C et t = 48 h)
La taille moyenne des cristallites de rutile diminue lorsque le pH augmente. Cette
dernière passe ainsi de 108,0 nm pour un pH de 0,0 à une taille moyenne de 16,0 nm pour un
pH de 2,5, au-delà, il n’y a pas formation de la phase rutile. La taille moyenne des cristallites
pour les phases brookite et anatase se situe entre 6,6 et 13,0 nm pour la phase anatase et 6,6 et
14,4 nm pour la phase brookite. Les phases brookite et anatase semblent peu affectées par
l’évolution du pH, concernant la taille moyenne de leurs cristallites, contrairement à la phase
rutile. La photocatalyse étant un processus de catalyse hétérogéne, l’évolution de la surface
spécifique des échantillons a été mesurée. La Figure 3.7 reporte la surface spécifique mesurée
en fonction du pH.
Figure 3.7 : Surface spécifique en fonction du pH de la synthèse hydrothermale (K/Ti = 2, T = 180°C et t = 48 h)
82
La surface spécifique a tendance à augmenter avec le pH, passant de valeurs inférieures
à 50 m
2.g
-1pour des pH très acides (0) à des valeurs supérieures à 200 m
2.g
-1pour des pH plus
basiques (≥ 7). C’est entre des pH de 0,0 et 3,0 que la surface spécifique évolue le plus
significativement, de 30 m
2.g
-1à 180 m
2.g
-1avec l’augmentation du pH. Or la phase rutile est
présente sur ce domaine de pH. La Figure 3.8 montre l’évolution de la surface spécifique et de la
taille moyenne des cristallites de la phase rutile en fonction de la teneur massique de la phase
rutile des échantillons, pour des pH compris entre 0,0 et 3,0 inclus.
Figure 3.8 : Surface spécifique (a) et taille moyenne des cristallites de la phase rutile (b) en fonction de fraction massique de la phase rutile (0,0 ≤ pH ≤ 3,0, K/Ti = 2, T = 180°C et t = 48 h)