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Chapitre 1 COFFRAGES ET PAREMENTS

3 Ciment

3.2 Mécanisme d’hydratation

3.2.1 Hydratation du clinker

Le ciment est un matériau qui s'hydrate lorsqu'il est mis en présence d'eau. C'est-à-dire que ses composés anhydres vont réagir avec les composés de l'eau pour former d'autres composés chimiques appelés hydrates. Les silicates et les aluminates sont les composés à l'activité hydraulique la plus forte64. Les mécanismes d'hydratation sont complexes. La cinétique des réactions de production des hydrates, la dissolution des ions des anhydres et la précipitation de nouveaux composés sont interdépendantes. Cette partie se concentre sur l'hydratation des phases principales du clinker Portland. L’hydratation des laitiers est également abordée.

Cinétique de l’hydratation

La chronologie globale du processus d'hydratation dans les premières 24 heures est connue. Celle-ci peut être suivie à l'aide de techniques variées de microscopie électronique ou le suivi du dégagement de chaleur par calorimétrie isotherme65. Les mécanismes d'hydratation peuvent être différents selon la formulation de ciment avec la présence de divers constituants secondaires et le développement de nouveaux matériaux d'ajout comme les nano-particules qui impactent les caractéristiques et propriétés des ciments65–68.

L'hydratation reste aujourd'hui majoritairement étudiée sur la base des réactions se manisfestant pour certaines phases du clinker et du ciment Portland en particulier69. Pour le ciment Portland, cinq étapes peuvent être distinguées60,69–72 comme illustré en Figure 8 :

1. Période 1 : dès que le ciment et l'eau sont associés, la première période est repérée par l'apparition d'un premier pic correspondant à un fort dégagement de chaleur. Une première dissolution apparaît avec la formation d'hydrates : des CSH et de l'ettringite issus des aluminates et des ions sulfates. Cette période correspond à la période d'ouvrabilité, avec des résistances mécaniques faibles.

2. Période 2 : couramment appelée phase dormante ou phase d'induction, cette période dure, généralement, de 2 à 3 heures durant lesquelles le dégagement de chaleur est faible et le pH augmente. La dissolution des ions se poursuit pour atteindre la sursaturation dans la solution interstitielle. Les réactions de cette période font l'objet de diverses hypothèses en particulier sur la formation des CSH62,73–78.

3. Période 3 : phase d'accélération, la sursaturation de la solution interstitielle accélère la consommation des C3S. Durant cette période, les CSH se développent et la portlandite, CH, précipite. La prise apparait avec la formation de la portlandite. Le début de prise signe la perte de maniabilité. Le décoffrage peut avoir lieu durant cette période lorsque les résistances mécaniques seuil sont atteintes. Le deuxième pic de chaleur se manifeste sur la courbe calorimétrique isotherme (Figure 8). Comme pour la phase précédente, différentes théories sur les paramètres de contrôle de la réactivité de cette phase existent73–76.

4. Période 4 : période de décélération à partir du deuxième pic de chaleur. Une nouvelle dissolution de l'ettringite se produit pour former des composés mono-sulfo aluminates. Cette précipitation peut se manifester par un léger pic sur la courbe de suivi de chaleur.

Néanmoins, c'est une période d'évolution lente de l'hydratation. Ce ralentissement serait la traduction de l'hydratation par diffusion au travers d'une couche d'hydrates initialement développée en surface des grains anhydres66. Lors de cette période, le durcissement de la pâte apparait.

5. Les réactions d'hydratation sont ralenties mais ne cessent pas pour autant. La microstructure évolue plus lentement sans que les anhydres ne soient entièrement hydratés. Cette phase est parfois englobée dans la période 477.

La Figure 8 illustre les étapes de la cinétique d’hydratation par le suivi de l’évolution du flux de chaleur.

Figure 8 : Evolution du flux de chaleur durant l’hydratation de l’alite (E/C= 0.4), Scrivener et Nonat, 201173. Etapes 1 et 2 : fort dégagement de chaleur puis ralentissement durant la dissolution, et période d’induction, étape 3 : période d’accélération, étape 4 : période de décélération, étape 5 : ralentissement des réactions et poursuite de l’hydratation.. Echelle du temps en minutes et heures pour les périodes 1 et 2, en heures pour la période 3, puis en jours pour la période 4 et 5, l’hydratation se poursuivant sur des années72.

Les réactions chimiques qui ont lieu lors de la phase d'induction et de la phase d'accélération de l'hydratation du ciment Portland, et en particulier des phases du clinker, ont fait l’objet de synthèses qui recensent des modèles de formation des hydrates et des paramètres contrôlant cette formation lors des phases d'induction et d'accélération62,69,77,78.

Les discussions concernant la phase d’induction sont décrites dans plusieurs travaux73–76. Deux théories semblent se dégager. L’une d’elle soutient l'hypothèse de la création, lors de la période d'induction, d'une couche protectrice d'hydrates sur toute la surface des grains de ciment. Cette couche est composée d'une forme de CSH aux propriétés protectrices limitant l'hydratation du grain. Cette première forme de CSH se transforme et donne naissance à une deuxième structure de CSH formant une couche plus perméable autour du grain : l'hydratation serait relancée. La croissance des CSH et leur site de développement déterminent le taux d'hydratation75,76. L’autre théorie69,73 se base sur le concept de la dissolution géochimique74 (un minéral A se transforme en minéral B grâce au fluide environnant), la concentration des ions de la solution contrôle le degré de réactivité. Le développement des CSH dépend de l'état de surface du grain : énergie de surface élevée ou faible,

présence de défauts existants ou naissants. Cet état de surface varie avec le degré de saturation. Le principe est détaillé dans les travaux de Juilland et al.77. Concernant la phase d'accélération, la question se pose quant à savoir pourquoi et comment les réactions, en particulier la croissance des CSH et l'apparition de la portlandite, sont activées et accélérées. Pour Nicoleau et Nonat74, ce serait la réaction de dissolution de la phase anhydre qui contrôlerait son hydratation, même après les premières heures, et le rôle de la croissance des CSH ne serait pas déterminant. Scrivener et al.69 rapportent des études montrant que la période d'accélération est liée au développement des CSH et à leur forme de croissance en surface. La phase d'accélération prendrait fin lorsque les surfaces possibles de développement diminueraient. Les CSH émergeraient de sites particuliers à la surface des grains, se développeraient sous forme d’aiguilles jusqu’à recouvrir la surface des grains. Lorsque l'espace viendrait à manquer, le développement des aiguilles diminuerait et une forme plus dense de CSH se formerait à la surface (Figure 9). Le mécanisme d'amorce de la phase d'accélération, qui suit la phase d'induction, semble être toujours débattu : le déclencheur est-il la précipitation de Portlandite ou le développement des CSH ?78

Figure 9 : Schéma du développement des CSH en fonction de la période d’hydratation. Bazzoni, 201478

Les travaux sur la formation des hydrates principaux, la cinétique de cette formation, et les agents catalyseurs ou inhibiteurs de celle-ci se poursuivent mais certains points semblent être convenus par l'ensemble de la communauté. En particulier, l'hydratation résulterait d'un processus de dissolution-précipitation. De plus, l'existence d'une surface hydratée des anhydres avant même contact avec l'eau serait convenue, du fait de l'humidité du milieu de conservation des grains de ciment. Cette couche tend plus à être une couche d'anhydres altérés qu'une couche de CSH formés. Il est possible qu'elle consiste en une phase distincte. Elle serait présente durant la phase d'accélération69,74,76,79.

Produits majoritaires de l’hydratation du clinker

Les réactions principales d’hydratation

Deux produits d'hydratation représentent la majorité des composants de la pâte cimentaire67 : les silicates de calcium hydratés, notés C-S-H et la portlandite (Ca(OH)2) notée CH. A partir des aluminates de calcium et des ferro-aluminates de calcium vont principalement se former de l'ettringite.

La dissolution des phases anhydres principales conduit à la mise en solution des ions calcium, hydroxyle, silicates, aluminates et sulfates. Les phases silicates sont plus solubles que leurs produits, les CSH73. La précipitation de la portlandite est une réaction endothermique, contrairement à celle des CSH69. L'alite va réagir rapidement, relativement à la bélite selon les réactions suivantes67 :

𝑦𝐶3𝑆 + 𝐻……….→ (3𝑦 − 𝑥)𝐶𝐻 + 𝐶𝑥− 𝑆𝑦− 𝐻 𝑦𝐶2𝑆 + 𝐻……….→ (2𝑦 − 𝑥)𝐶𝐻 + 𝐶𝑥− 𝑆𝑦− 𝐻

Les phases aluminates sont très réactives, du sulfate de calcium comme le gypse, le plâtre ou l'anhydrite permet de ralentir le phénomène de prise80,81. Les réactions chimiques des phases aluminates en présence d'eau, et avec du sulfate de calcium (gypse par exemple) sont respectivement60:

Hydratation

𝐶3𝐴 + 𝐻……….→ 𝐶2𝐴𝐻8+ 𝐶4𝐴𝐻13+ 𝐶3𝐴𝐻6

Hydratation en présence de sulfate de calcium

𝐶3𝐴 + 𝐻 + 𝐶𝑆̅𝐻2(𝑔𝑦𝑝𝑠𝑒)……….→ 𝐶3𝐴. 3𝐶𝑆̅. 𝐻32 (𝑒𝑡𝑡𝑟𝑖𝑛𝑔𝑖𝑡𝑒 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑎𝑖𝑟𝑒) 𝐶3𝐴 +𝐶3𝐴. 𝐶𝑆̅. 𝐻12

𝐶3𝐴 𝐶4𝐴𝐻13

La présence de gypse entraine la précipitation d'une première forme d'ettringite, le trisulfo-aluminate de calcium hydraté, nommée également AFt (C3A. 3CS̅. H32 ou encore C6AS̅3H32). Lorsque le gypse, le plâtre ou l'anhydrite n'est plus disponible, l'apport en sulfates provient de la dissolution de l'ettringite formée. Celle-ci va réagir avec leC3A pour produire une deuxième forme d'ettringite : le monosulfo-aluminate de calcium hydraté, appelé AFm, (C3A. CS̅. H12). Lorsque l'ettringite est stable, les aluminates toujours en solution réagissent avec l'eau pour former les hydrates de la réaction avec l'eau28 : C2AH8, C4AH13, et C3AH6.

Les phases aluminates et ferro-aluminates réagissent avec l'eau pour former des produits similaires60 :

Hydratation

𝐶4𝐴𝐹 + 𝐻……….→ 𝐶2(𝐴𝐹)𝐻8+ 𝐶4(𝐴𝐹)𝐻13+ 𝐶3(𝐴𝐹)𝐻6

Hydratation en présence de sulfate de calcium

𝐶3𝐴𝐹 + 𝐻 + 𝐶𝑆̅𝐻2(𝑔𝑦𝑝𝑠𝑒)……….→ 𝐶3(𝐴𝐹).3𝐶𝑆̅. 𝐻32 (𝑒𝑡𝑡𝑟𝑖𝑛𝑔𝑖𝑡𝑒 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑎𝑖𝑟𝑒) 𝐶3𝐴 + 𝐶3(𝐴𝐹). 𝐶𝑆̅. 𝐻12

𝐶3𝐴 𝐶4(𝐴𝐹)𝐻13

De même que pour les aluminates, il se forme également C3(AF). CS̅H12 et les produits de réactions dans l’eau jusqu’à épuisement.

3.2.2 Hydratation du laitier de haut fourneau

Afin de répondre aux enjeux de développement durable pour la fabrication du ciment, d’autres produits tels que les laitiers de haut de fourneau, peuvent se substituer à une partie du clinker. La composition chimique des laitiers est proche de celle du clinker51,82 (Tableau 1). Elle permet ainsi de produire des ciments plus éco-respectueux en diminuant leur empreinte environnementale.

Tableau 1 : Comparaison de la composition chimique du clinker et du laitier. He, 201551

L’impact de l’introduction de laitier dans les ciments est notamment détaillé dans les travaux de Stephant82. Les produits d’hydratation principaux du laitier sont les mêmes que ceux du clinker en raison de la proximité de composition chimique. Ainsi, sont retrouvés des CSH, de la portlandite et les phases AFt et AFm67,82. Toutefois, les proportions et la nature de ces hydrates sont modifiées en raison des quantités différentes d’aluminium, silicium, magnésium et calcium entre le clinker et le laitier (Figure 10). D’après la Figure 10, dans le cas d’un ciment CEM II/B contenant entre 21 et 35 % de laitier et 65 % -79% de clinker, les produits d’hydratation sont les mêmes. Il peut être noté que la teneur en portlandite diminue avec la quantité de laitier.

Figure 10 : Prédiction de la composition d’une pâte de ciment Portland en fonction de la teneur en laitier. Berodier, 201567

De plus, une différence de vitesse d’hydratation entre le clinker et le laitier est rapportée67,82. Le degré d’hydratation global des ciments au laitier tend à être plus faible avec l’augmentation de la teneur en laitier relativement à un ciment Portland classique82. D’après Berodier67, la réaction des laitiers débuterait à deux jours à 20 °C.

Si les degrés d’hydratation des ciments à base de laitier sont observés, une différence de vitesse d’hydratation est en effet constatée (Figure 11). Par exemple, pour un ciment CEM II/A, le degré d’hydratation à 24h est plus faible que celui d’un CEM I82.

Figure 11 : Evolution du degré d’hydratation pour différents types de ciment. Détermination du degré d’hydratation par mesure de la contraction chimique et de la quantité d’eau liée. Stephant, 201582

La réaction d’hydratation des laitiers nécessite la présence d’un activateur permettant d’élever le pH de la solution51. Cet activateur peut être une base forte (chaux, soude), un sel d’alcalin d’acide faible (carbonate, aluminate ou métasilicate de sodium) ou un sulfate de calcium comme par exemple le gypse ou l’anhydrite voire la portlandite. Les sulfates de calcium et la portlandite seraient les activateurs les plus communs45.