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Chapitre 3 MATERIELS ET METHODES

6 Microscopie à force atomique

6.3 Courbes de force : cycles approche-retrait

Une courbe de force est associée au cycle approche-retrait du piézoélectrique. Ce cycle est soumis à la contraction/détente maîtrisées du tube piézoélectrique et à la capacité du levier souple de se déformer lorsqu'il entre dans le champ d'action des forces d'interaction répulsives ou attractives et qu'il est soumis à la force de consigne.

Une courbe de force obtenue avec l'AFM peut se décomposer en deux grandes étapes qui correspondent au cycle approche-retrait du levier. La première, l'étape d'approche, démarre à la position initiale du levier et prend fin lorsque la consigne (Setpoint - force maximale au contact) du système d'asservissement est atteinte. La seconde, l'étape de retrait débute alors et s'achève lorsque le levier revient à sa position initiale. Durant tout le cycle approche-retrait, les mouvements du levier sont relevés.

6.3.1 Description d'une courbe de force et des forces agissantes

Une courbe de force décrit l'équilibre des forces auxquelles est soumis le levier qui parcourt la surface d'un échantillon durant un cycle approche-retrait. Lorsque le levier n'est pas déformé, il est éloigné de la surface d'une distance Z. Cette position du levier « indéformable » est définie par la position de l'élément piézoélectrique. Durant le cycle approche-retrait, il peut être considéré deux régimes : un régime de non contact entre le levier et la surface de l'échantillon et un régime de contact. En effet, le levier est soumis à l'action des forces interparticulaires attractives, répulsives selon la distance entre la pointe et la surface de l'échantillon, distance notée D. Cette distance D de séparation pointe - surface échantillon intègre, sous l'action des forces interparticulaires, le déplacement éventuel du levier, noté δc et le déplacement éventuel, noté δs , de la surface de l'échantillon si celui-ci se déforme : D = Z – (δc - δs). Ces distances et déplacements sont illustrés en Figure 90.

Figure 90 : Représentation de la distance D, séparation pointe-échantillon en fonction de la distance Z et des déplacements éventuels du levier et de la surface de l'échantillon. Schéma adapté de Plassard, 200586

Lorsque le levier de raideur kc fléchit sous les forces agissantes F, ce déplacement δc est proportionnel à la force F suivant la loi de Hooke : F = - kcc.

Durant un cycle approche-retrait, les forces agissantes F sur le système pointe-surface échantillon sont à l'origine de trois potentiels86,141 dont la somme peut être notée wtot :

- un potentiel élastique (énergie potentielle élastique) associé au déplacement du levier de raideur kc : 𝑤𝑐(𝛿𝑐) = 1

2. 𝑘𝑐. 𝛿𝑐2

- un potentiel élastique (énergie potentielle élastique) lorsque la surface de l'échantillon, d'élasticité ks : 𝑤𝑠(𝛿𝑠) = 1

2. 𝑘𝑠. 𝛿𝑠2

- un potentiel d'interaction entre la pointe et la surface de l'échantillon sous l'action de F : : 𝐹 = − 𝜕𝑤𝑐𝑠

𝜕𝐷

Les forces agissantes F rassemblent les forces d'interaction pointe-surface échantillon et la force appliquée au levier pour atteindre la consigne (Peak Force setpoint ou setpoint) lorsque le contact est créé. La notion de contact est complexe à définir. A l'échelle nanométrique, la notion de contact diffère de celle définie à l'échelle macrométrique qui considère deux solides en contact lorsque ceux-ci partagent un point140. A l'échelle des atomes, ces derniers sont obligatoirement éloignés et ne peuvent s'interpénétrer. Une distance minimale existe toujours entre deux particules. Lorsque la distance entre deux atomes est inférieure à la distance d'équilibre dans le vide, les forces de répulsion sont dominantes vis-à-vis des forces d'attraction d'après le potentiel de Lennard-Jones (Figure 91).

Ce dernier exprime le principe d'exclusion de Pauli et définit l'interaction entre deux particules86,135,140.

La présence de forces répulsives et attractives, selon la distance qui sépare la pointe de la surface de l'échantillon, les atomes de ces deux corps, permet de considérer des régimes dits de contact et des régimes dits de non contact (Figure 92).

Figure 92 : Représentation schématique des régimes dits de contact et de non contact en fonction de la distance interatomique et défini par le potentiel de Lennard-Jones. Zuttion, 2016136

Les courbes de force décrivent ces deux régimes, contact et non contact. Elles permettent d’évaluer les propriétés mécaniques (module, adhésion...) de la surface de l'échantillon. En régime de contact, les interactions entre la pointe et la surface de l'échantillon sont associées au réarrangement des atomes de ces deux corps : pointe et surface de l'échantillon. Les réorganisations atomiques de ces corps, considérés en contact, induisent des contraintes ou des déformations mécaniques étudiées suivant les théories de la mécanique du contact. Dans les études exploitant les fonctionnalités de l'AFM, plusieurs modèles sont généralement rapportés dont le modèle de Hertz, le

modèle de Johnson-Kendall-Roberts (JKR) et celui de Derjaguin-Müller-Toporov

(DMT)86,135,136,138,140,141.

Afin d'extraire des informations sur le comportement mécanique des surfaces cimentaires à partir des mesures AFM, il est nécessaire de choisir un modèle de contact à appliquer. La méthodologie définie dans le cas des surfaces cimentaires est développée dans le chapitre 6.

6.3.2 Etapes d'un cycle approche-retrait - Mode Peak Force QNM

La mesure AFM permet de reconstruire la topographie d'une surface et d'en évaluer ses propriétés mécaniques (module, adhésion...) grâce à l'étude des courbes de force. Celles-ci peuvent représenter la force en fonction de la distance Z du piézo ou représenter la force en fonction de la séparation pointe - surface échantillon. Les premières sont dénommées « courbes force-distance » et les secondes « courbes séparation ». Qu'il s'agisse d'une courbe distance ou force-séparation, les étapes d'approche et de retrait sont les mêmes.

Un cycle approche-retrait est maîtrisé par la fréquence d'oscillation du levier, contrôlée par le système piézoélectrique, qui est de 2 kHz. L'amplitude de l'onde d'oscillation du système piézoélectrique est de 150 nm. Le cycle complet approche-retrait, qui pourra être par la suite appelé charge-décharge, se produit sur une période de temps de 500 µs. La tension appliquée au système piézoélectrique est de forme sinusoïdale. La phase d'approche correspond à la phase d'extension du levier : distance de 300 nm, et la phase de retrait à la phase de retraction : distance de 300 nm.

Les deux phases principales du cycle d'approche-retrait sont elles-mêmes ponctuées par des étapes permettant de repérer l'action des forces interaction et le comportement du contact pointe-échantillon.

Le cycle approche-retrait peut être décomposé en six étapes (Figure 93) :

- Au démarrage de la mesure AFM, le levier se situe dans une position pour laquelle il n'entre pas, ou très peu, dans le champ d'interaction des forces interparticulaires (amplitude de l'onde 150 nm, position du piézo à 300 nm de la surface).

- L'extension du piézoélectrique entraîne le déplacement de la partie fixe du levier vers la surface de l'échantillon. A l'approche de la surface, le levier est attiré par les forces attractives de type Van der Waals, électrostatiques ou capillaires. A mesure de la progression du levier vers la surface, l'influence des forces est telle que le levier fléchit (déflexion négative) et la pointe entre en contact avec la surface (position 2 - saut au contact).

- L'extension du piézoélectrique se poursuit : l'équilibre des forces d'interaction attractives et répulsives, et l'ajustement à la valeur de consigne engendre un changement de signe des forces agissantes. La déflexion du levier devient positive, jusqu'à ce que le tube piézoélectrique arrive en position d'extension maximale (position 3). Cette position correspond à la valeur de force maximale atteinte, nommée Peak Force. Cette valeur de force maximale est contrôlée par le système d'asservissement qui s'assure que la consigne est respectée.

- L'extension maximale étant atteinte, la phase de rétraction débute : pointe et surface de l'échantillon sont en contact et la force appliqué au levier diminue. L'équilibre des forces agissantes (interaction - éventuel contact physique) conduit le levier à adopter une position non défléchie (position 4).

- Le levier sort progressivement du champ d'action des forces attractives Ces forces attractives atteignent leur maximum conduisant à une importante flexion du levier. A cette position se fait la rupture brutale entre la pointe et la surface de l'échantillon (position 5).

- La rétraction du piézoélectrique se poursuit, le levier s'extrait définitivement de l'action des forces interparticulaires (position 6).

Figure 93 : Description d'une courbe de force : étapes d'un cycle approche-retrait - Extension puis rétraction du levier. Schéma adapté de Bruker®