• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 COFFRAGES ET PAREMENTS

2 Qualité de parement

2.2 Caractéristiques de la peau de l’ouvrage

2.2.1 Evaluation de la qualité de parement

Cadre normatif

Après décoffrage, la surface du parement peut présenter différentes caractéristiques physiques et chimiques qui participent à sa classification. Pour évaluer ces caractéristiques, il est nécessaire de disposer de critères objectifs. Le texte normatif NF EN 1367016, de Février 2013 rapporte les définitions de types de parement. Les surfaces coffrées et non coffrées peuvent être classées suivant quatre types : parement de base, parement ordinaire, parement uni et parement spécial. Le classement suivant un des types de parement se fait en fonction des exigences attendues. Dans le cas de surfaces coffrées, « aucune exigence particulière n'est nécessaire » pour les parements de base et des « exigences particulières sont imposées » dans le cas d’un parement spécial. Ces exigences portent alors sur la peau de coffrage, la couleur, le bullage, les défauts localisés et le ragréage. En France, afin d'avoir des références qualitatives et quantitatives, il est possible de se référer aux documents P 18-50350 et DTU 2127, qui retient quatre qualités de parement en béton : parement élémentaire, parement ordinaire, parement courant et parement soigné. Le DTU 2127 donne certains éléments d'évaluation quantitatifs relatifs à la planéité des parements et à la texture.

Critères d’évaluation

Trois notions sont ainsi retenues pour l’évaluation de l’aspect du parement en béton d’après le document P 18-50350 :

- Planéité, indicée P : d'ensemble ou locale

- Texture, indicée E : bullage moyen ou localisé ou défauts localisés - Teinte, indicée T : échelle de gris à sept niveaux

Une méthode d'évaluation de la teinte des parements et du bullage est proposée par Lemaire et al.22. Ce travail a également fait l’objet d’un dépôt de brevet. L’outil permet l'évaluation d'une surface de parement de plusieurs m² suivant des paramètres objectifs comme la luminosité et la surface de bullage mesurés par traitement d'image.

La qualité de parement est affectée par la formulation et la mise en œuvre du béton. Une fois décoffré, le parement pourra voir son aspect modifié par les conditions d’environnement : développement de biofilm45,51–53, dépôts d’agents tachants2 par exemple.

2.2.2 Variation de la teinte de surface

La teinte des parements se doit d'être homogène, sans variation de tons sur un même élément. La perception de la teinte peut varier d'un percepteur à un autre et les intervalles de nuances de gris apportés par la norme guident les constructeurs et architectes dans l'obtention de la teinte désirée.

La teinte est notamment fonction de la composition du béton. Les propriétés chimiques et géométriques des éléments composants la surface du béton participent à la définition de la teinte. Par leurs propriétés optiques, les particules de petites dimensions font apparaître la surface plus claire que les grandes. La nature chimique des composants du béton influence leur teinte : les ciments dont la composition est pauvre en fer affichent une teinte plus claire par exemple43. La teinte des composants et en particulier celle des éléments les plus fins comme le ciment, les fillers, les éléments fins du sable et les pigments définissent la teinte finale du parement. La couleur des éléments les plus fins du sable est d'autant plus importante que le ciment est clair2,23,46. De plus, l'uniformité de la teinte peut être favorisée par ajout de fillers calcaires dans la formulation24. L'ajout de pigments dans la masse du béton, avant gâchage, permet d'obtenir des bétons colorés. Il est impératif que ces pigments soient inertes chimiquement pour ne pas perturber les propriétés mécaniques et physico-chimiques, autres que la teinte, du béton2. D'autres méthodes existent comme la peinture ou l'application de durcisseurs colorés. Les adjuvants peuvent également modifier la teinte d'un parement en influençant la rhéologie, le comportement du béton frais lors du coulage et la cinétique d'hydratation. L'âge du béton et le temps de coffrage vont également impacter la teinte du parement en modifiant les conditions de cure du béton : hygrométrie, température, aération. Pour assurer une teinte homogène sur un élément, il faut garantir des conditions de coffrage identiques d'une coulée à une autre, et également pour une même coulée. La teinte du parement peut aussi être impactée par le nombre de réutilisation du coffrage54. Outre la propreté de la surface coffrante, qui pourrait engendrer des transferts de couleurs ou des arrachements de matière, la nature et le mode d'application des agents de décoffrage ont une action sur la teinte. Des essais conduits sur quatre types d'agents décoffrants montrent que les huiles végétales synthétiques suivies des huiles végétales ont un impact plus faible sur la teinte du parement que les huiles synthétiques et minérales40.

2.2.3 Variation de la texture : du bullage

D’après les documents normatifs, la texture du parement est évaluée suivant le niveau de bullage, c'est-à-dire la répartition et les dimensions des bulles sur la surface du parement et leur nombre. Les dimensions, considérées par le document, des bulles varient entre 0.3 cm² et 3 cm². Il en est de même pour l'évaluation des défauts localisés qui sont définis selon leurs dimensions, allant de 3 fois à 5 fois la distance d'observation. Ces défauts localisés peuvent être des arrachements de matière ou encore des nids de sable et de de cailloux.

Les conditions de mise en œuvre du béton dans le coffrage affectent le bullage. La vibration, en lien avec la nature du coffrage, modifie la circulation des bulles d’air le long du coffrage. La vibration peut ainsi participer à la diminution du nombre de défauts visibles à l’échelle macroscopique23,49. Par exemple, pour des surfaces lisses et étanches en verre, la vibration aide à abaisser le bullage23 comme dans le cas d’un coffrage acier49. Dans le cas de surfaces rugueuses et absorbantes, la vibration entraine une augmentation du bullage, qui sans vibration en présentent moins23. L’application d’agent démoulant sur le coffrage contribue aussi à la modification du bullage23,40. Il est, par exemple, réduit par l'application d'huile végétale comparativement à l'huile minérale40. L’huile minérale induit également un bullage plus important dans les travaux de Martin23. De plus, le nombre de bulles et leur diamètre seraient plus influencés par la nature de l'agent de démoulage que par la nature du coffrage. Le bullage peut être également réduit grâce à une nouvelle méthode de coffrage par polarisation des bétons26. Avec cette technique, l'application d'un potentiel électrique entre le ferraillage et le coffrage modifie la circulation de l’eau. Elle a pour but de créer un film d'eau à l'interface béton/coffrage. La qualité de parement obtenue par polarisation du béton serait d'un niveau plus exigeant (critère P 18-50350) que celle obtenue avec application d'une huile.

2.2.4 Variation de la morphologie de surface

Les caractéristiques de la paroi coffrante et la mise en œuvre du béton impactent l'aspect du parement. L’empreinte laissée par la surface de coffrage sur la surface de l’ouvrage a été abordé en partie 1.3. Les surfaces de coffrage rugueuses et absorbantes (bois) aboutissent à des surfaces coffrées plus rugueuses et foncées23. Une correspondance entre la rugosité des coffrages et de la surface décoffrée est également relevée dans le cas de coffrages polymères (Figure 5) voire même avec des coffrages en acier calaminé2,38.

Figure 5 : Cartographies par profilométrie : a) surface d’un coffrage microtexturé en PDMS, b) surface de béton ultra haute performance après contact avec le coffrage microtexturé en PDMS. Horgnies et Chen, 201438

2.2.5 Constitution de la microstructure et développement des hydrates

Le procédé de coffrage influence la microstructure de la peau des bétons. La combinaison du mode de mise œuvre du béton, sa formulation et l'action des agents de décoffrage induisent une répartition des composants du béton différente à la surface du béton et au cœur du matériau.

L’effet de paroi explique notamment l’entrainement des éléments les plus grossiers vers le cœur du matériau et les éléments les plus fins avec l'eau à la surface. Une modification du rapport E/C est alors observée. Il existe un gradient du rapport E/C : ce rapport est plus élevé à proximité du coffrage23,55. La quantité d’eau présente à la surface du coffrage dépend également de la formulation du béton, du dosage en superplastifiant en particulier, et de la nature des huiles de décoffrage appliquées3. Plus le matériau contient de fines, plus l'épaisseur de la couche limite (en contact avec le coffrage) sera importante. L'action du superplastifiant se révèle sur la quantité d'eau à l'interface mais également sur l'intensité des contraintes de frottement à l'interface. Il permet d'améliorer la circulation des éléments fins le long de la paroi coffrante.

La modification de l’environnement physico-chimique à la surface du coffrage crée des conditions de croissance des hydrates particulières2,23,56. La croissance de la portlandite est notamment favorisée par certaines conditions à l’interface avec le coffrage, en particulier la formation d’un film d’eau. Sans agent de démoulage, la présence de portlandite sous forme de plaques est ainsi repérée dans diverses études et au contact de coffrage de nature variées. La portlandite se développe ainsi parallèlement à la surface après contact avec un coffrage en verre23, ou après contact avec un coffrage PVC38.

Figure 6 : Observations MEB : présence de portlandite en surface de béton après contact avec un coffrage verre non enduit d’huile de démoulage23

Dans ces études, la création d’un film d’eau à l’interface avec ces coffrages est avancée comme explication de la précipitation de la portlandite. Elle peut être mise en parallèle du développement de la portlandite à proximité des granulats dans la matrice de béton55. A proximité du granulat, cette présence de portlandite est expliquée notamment par le caractère rugueux de la surface du granulat et un rapport E/C local élevé. Ces conditions induisent une migration d’ions, vers la surface du granulat, où leur concentration facilite la précipitation de la portlandite. Le rapport E/C est élevé en raison de l’effet de paroi (réarrangement des grains de ciment) et de l’effet d’un micro-ressuage (accumulation d’eau sous le granulat).

Dans ses travaux, Gueit2,39 observe également une croissance particulière de la portlandite en surface dépendant de la nature d’un film (eau+tensioactif) appliqué à la surface du coffrage. Les propriétés hydrophobes-hydrophiles des tensioactifs influencent l'orientation des cristaux de portlandite. Pour les tensioactifs les plus hydrophiles, les cristaux semblent croître perpendiculairement à la surface. Dans le cas de tensioactifs moins hydrophiles, les cristaux de Portlandite se développent parallèlement à la surface. Pour Gueit2,39, la création d’un film d’eau à l’interface ainsi qu’une modification de la solubilité de la portlandite dans le mélange eau/tensioactifs et le possible manque d’espace au niveau de l’interface coffrage/béton peuvent expliquer la précipitation particulière observée de la portlandite.

La qualité de surface de coffrage, sa dimension ainsi que la composition du béton influencent la qualité de parement de celui. Celle-ci est évaluée sur différents critères esthétiques et physiques à différentes échelles : du mètre au millimètre pour les exigences normatives. De nombreuses recherches ont mis en évidence les phénomènes intervenant aux interfaces coffrage-agent de démoulage-béton à des échelles plus fines (micrométriques) correspondant aux tailles des hydrates du ciment formés sur la peau du béton. Celle-ci, dont la couche superficielle en contact avec l’agent de démoulage et le coffrage, est constituée majoritairement de ciment et constitue le parement.

La Figure 7 est une représentation schématique et synthétique de l’influence de différents paramètres qui participent aux phénomènes d’adhésion lors d’un contact coffrage/ciment, de la préparation de la pâte cimentaire, à l’obtention du parement final en passant par les étapes de mise en œuvre dans le coffrage et de décoffrage.

Les paramètres en gras sont des paramètres fixés de l’étude, ceux en orange seront étudiés suivant les différentes combinaisons coffrage/ciment considérées dans le cadre de cette thèse.

Figure 7 : Schéma de synthèse des paramètres participant aux phénomènes d’adhésion entre coffrage et ciment