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Chapitre 2 CARACTERISATION DES SURFACES A DIFFERENTES ECHELLES

2 Caractérisation mécanique de l’état de surface des matériaux cimentaires

2.3 Contact et Morphologie de surface

2.3.1 Rugosité et adhésion : modèles de contact

Les principales théories présentées précédemment supposent un contact parfaitement plan entre surfaces. Or une rugosité de surface existe, pour les surfaces cimentaires comme pour d'autres matériaux. Elle est différente suivant l'échelle d'observation, et agit sur la nature du contact, l'action des forces d'adhésion140. Il existe des modèles, qui pour lever cette difficulté, proposent de décomposer les systèmes en systèmes à degré de rugosité défini. Cette décomposition permet alors d'atteindre un niveau de contact pour lequel le contact est supposé parfait. Cette décomposition peut être décrite comme la fragmentation, à plus faible échelle, des aspérités des surfaces en contact. Un caractère fractal est ainsi défini pour les surfaces. Il est, par exemple, étudié pour comprendre l'impact du niveau de rugosité sur l'adhésion de cellules osseuses230. Les modèles de contact classiques peuvent aussi être modifiés par attribution d'un degré polynomial aux surfaces140 : modèles de Hertz-n, JKR-n et DMT-n.

Plusieurs modèles (Figure 41) proposant d'intégrer l'impact des aspérités des surfaces (sphère/plan) sur l'évaluation des forces d'adhésion231 peuvent être cités. Ils considèrent le contact d'une sphère par rapport à un plan.

Figure 41 : Représentation schématique des modèles de Rumpf, Rabinovich et Cooper intégrant l'effet de la rugosité de surface sur l'adhésion. Butt et al., 2005231

Ces modèles sont décrits en détail par Butt et al.231. Le modèle de Rumpf assimile les aspérités de la surface plane à des demi-sphères de très faibles dimensions (rayon r) relativement au rayon R de la sphère. L'adhésion entre cette surface à demi-sphères et la particule de rayon plus important est réduite par rapport à un contact sphère/plan. Le modèle de Rabinovich modifie le précédent et intègre un paramètre de rugosité de surface, RMS1, dans l'expression des forces d'adhésion. Cependant, ce facteur est dépendant de l'échelle d'observation. Ce modèle est modifié par une nouvelle expression de la force d'adhésion. Celle-ci intègre des paramètres d'échelle associés à la valeur de RMS. Ces paramètres d'échelle correspondent à la distance minimale qui distingue deux aspérités positives des surfaces et notés λ1 et λ2. Ces modèles sont notamment appliqués dans différentes études : titane déposé sur un wafer de silicone, et particules de lactose et de verre en contact avec différents types de polymères231. Le modèle de Cooper envisage la rugosité des surfaces comme des sphères uniformément réparties à la surface de la sphère de plus grand rayon.

L'état de surface des matériaux a un impact indéniable sur la nature du contact entre la sonde et la surface et participe à l’adhésion entre ces deux solides. Les différents modèles présentés231 aident à approcher la forme du contact en tenant compte des variations de hauteurs mais dans le cas de « géométries simples »: contact sphères/plan, sphère/sphère. Devant la multiplicité des modèles existants, la complexité de l'évaluation de la géométrie des surfaces et de la forme du contact est manifeste.

2.3.2 Etat de surface cimentaire : traitements préalables à la caractérisation

La pâte cimentaire présente trois caractéristiques induisant des difficultés de choix des modèles applicables en raison de : sa rugosité, sa porosité et son hétérogénéité. La préparation de la surface : du polissage, de l'enrobage et de l'imprégnation va influencer les analyses morphologique, chimique et mécanique de ces surfaces.

L'intérêt d’un traitement préalable de la surface de l'échantillon dépend du sujet d'étude. Les propriétés de surface sont différentes de celles du cœur de l'échantillon. La surface présente un état

particulier : avec ses propriétés morphologiques, chimiques et mécaniques propres. Ainsi, lorsque ce sont les propriétés de la masse de l'échantillon qui sont recherchées, il est préférable de supprimer l'état originel et spécifique de la surface pour atteindre un état assimilable au cœur de l'échantillon. La fabrication des échantillons peut, en effet, engendrer des défauts de surface comme des aspérités dues au coffrage par exemple ou bien des fissures dues au découpage de l'échantillon. Il est ainsi nécessaire de retirer cette couche de surface modifiée pour atteindre les propriétés représentatives du corps de l'échantillon232,233. Néanmoins, un traitement de surface modifie l'état de surface de l'échantillon : des artefacts de polissage peuvent survenir par exemple.

Pour les travaux de cette thèse, il est primordial de préserver autant que faire se peut l'état de surface morphologique, chimique et mécanique de la surface cimentaire à 24 heures ayant été contact avec le coffrage. Dans cet objectif, aucun traitement ou préparation de surface n'est appliqué, et ceci pour toutes les techniques de caractérisation employées : interférométrie, MEB, AFM, spectroscopie Raman.

Pour les mesures à l'échelle très fine de l’AFM et où la notion de contact est complexe à appréhender, la conservation de l’état de surface brut après décoffrage entraîne une contrainte expérimentale de réalisation de la mesure AFM ainsi que de traitement des données obtenues par ces mesures. Généralement, dans les études traitant des propriétés mécaniques, un polissage est réalisé au préalable des mesures102,119,173,174,196,234,235. Les travaux concernant l'évaluation des propriétés mécaniques sans préparation de surface sont plus rares201,236. Le polissage pratiqué avant les mesures d’évaluation de propriétés mécaniques de surface peut créer des artefacts (tassement, confinement, arrachement de matière) et produire des structures qui ne sont pas propres aux matériaux172,237,238. L'analyse de la structure peut en être faussée. Par exemple, Peled et al.119 ne pratiquent pas l'imprégnation qui, selon eux, impacterait la topographie mesurée par AFM mais choisissent de polir les surfaces d'étude. D’autres auteurs102,174,175,196 mettent en place des procédures de traitement de surface qui garantissent selon eux l'obtention d'une surface considérée suffisamment lisse pour appliquer les théories de contact. Certains auteurs234,239 proposent des critères d'évaluation du seuil de rugosité acceptable pour assurer la répétabilité des mesures d’indentation instrumentée. Miller et al.234, par exemple, présentent un critère sur la rugosité de la surface cimentaire pour déterminer la faisabilité des essais d’indentation instrumentée. Ce critère définit une relation liant une rugosité seuil, évaluée par la valeur du paramètre RMS, la profondeur de pénétration de l’hétérogénéité (phase) dominante, la dimension de la surface analysée et celle de l’hétérogénéité (phase) dominante.

Un traitement de surface est aussi généralement appliqué comme préalable à la caractérisation chimique de la microstructure des ciments, mortiers ou béton par MEB170,173,233,240,241. Ce traitement consiste principalement en une préparation des échantillons par polissage puis par enrobage et éventuellement en une métallisation. L'enrobage, l'imprégnation sont recommandés notamment pour stabiliser la structure du matériau poreux qui pourrait être fragilisée par le polissage233,242,243. En outre, le repérage des pores et des vides est rapporté comme étant plus aisé242. Dans certaines études, le polissage des surfaces des échantillons peut être aussi réalisé préalablement aux mesures de rugosité51 ou à l'analyse de l'angle de contact 52 sur des surfaces cimentaires.