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Chapitre 5 : Description des résultats

5.5 Être mère ailleurs : le meilleur et le pire

Nous avons également exploré, chez nos participantes, les émotions qu’elles éprouvent en lien avec leur rôle maternel. Leurs réponses révèlent qu’elles vivent une multitude d’émotions et de sentiments opposés et contradictoires par rapport à leur relation avec leur jeune enfant ou leurs jeunes enfants, la joie et le bonheur côtoyant l’anxiété constante et le sentiment d’oppression. La section qui suit sera consacrée à la description des émotions et sentiments qu’elles ressentent et qui sont liés autant à leur statut de mère qu’à leur statut de femme immigrante.

5.5.1 Le plus beau côté : amour, joie, émerveillement

Toutes nos participantes ont exprimé ressentir de la « joie », du « bonheur » ou être « contentes » quand elles pensent au fait qu’elles sont mères ou quand elles sont avec leur petit.

Pour Charlotte, le sourire de son bébé est comme un soleil qui lui fait oublier sa fatigue. Marguerite rapporte que « [c]’est le bonheur d’être avec [son bébé], de penser à lui ». Finalement, pour Pénélope, le bonheur qu’elle éprouve à être mère est évident même aux yeux des autres :

Je sais pas, il y a beaucoup de gens qui me disent que tes yeux […] sourient de, du bonheur avec ton petit à côté. […] Oui, oui, ça me donne beaucoup de bonheur, ça me donne […] tout ce que j’ai besoin dans la vie.

Plusieurs ont également décrit leur émerveillement face au développement de leur petit, qui les fait beaucoup rire. Pour certaines, quand elles ne sont pas avec leur enfant, leur enfant leur manque, comme c’est le cas pour Karina : « C’est sûr que c’est une joie immense de l’avoir et même quand elle est pas avec moi. […] Elle n’est pas là, y’aura un vide. Y’a un vide ».

Finalement, six participantes ont mentionné spécifiquement que leur enfant ou leur statut de mère les remplissait de fierté. Ce statut Facebook, rapporté par Pénélope, illustre bien la fierté qu’elle-même et d’autres participantes ressentent par rapport au fait d’être mère :

Comme j’en ai lu à quelque part que, j’en ai lu pas mal de choses dans la vie, mais la plus importante, c’est d’être une fière maman. […] D’habitude, comme il y a des statuts qui se prononcent comme ça : la plus grande réalisation, d’être maman.

Trois femmes interrogées aimaient leur nouveau statut social de mère et avaient développé un sentiment d’appartenance à la communauté des jeunes familles.

Six participantes ont mentionné spontanément éprouver de l’empathie ou de la tolérance à l’égard des autres parents depuis qu’elles sont mères. Pour certaines, l’admiration est dirigée vers leurs propres parents et se transforme en reconnaissance pour les sacrifices qu’ils ont faits pour elles.

5.5.2 Le moins beau côté : anxiété, tristesse, oppression

La presque totalité de nos participantes ont mentionné se poser beaucoup de questions par rapport à la normalité du développement de leur enfant, par rapport à leurs choix de pratiques parentales et se sentir souvent stressées ou inquiètes par rapport à diverses situations.

Pour certaines mères, c’est le développement normal de l’enfant ou sa santé qui est source d’inquiétudes, comme nous le résume très bien cette mère primipare :

Ben, des fois, on se disait : « est-ce que c’est normal? ». Toujours : « est-ce que, est-ce que, ben, y marche pas à douze mois, est-ce que, est-ce qu’il va marcher? Ah, y dit pas des syllabes encore, est-ce que c’est normal? ». Toujours comme ça en fait. « Est-ce que c’est normal qu’il fasse pas si? Est ce que c’est normal qu’il fasse pas ça? ». Toujours des p’tites choses comme ça. (Éliane)

Plusieurs mères se posaient également beaucoup de questions quant aux décisions qu’elles prennent par rapport à leur enfant. Pénélope, qui a changé son fils de garderie, nous illustre à merveille ces questionnements récurrents : « Euh, mais ici, oui, c’est une fille aussi gentille, mais, je sais pas, des fois j’me pose des questions, est-ce que j’en ai fait le bon choix? Est-ce que…? Je sais pas ».

Deux participantes ont vécu un stress en lien avec le fait qu’elles sentaient que leur comportement pouvait être surveillé par les autorités, qui leur donnent beaucoup d’information sur comment elles doivent se comporter avec leur enfant. Charlotte nous explique cette impression d’être constamment observée :

C’est, c’est comme, euh... Ici, il y a plus de contrôle de, de tout le monde. Tout le monde : l’infirmière, le médecin, le nutritionniste, le gouvernement. Est-ce que vous avez un enfant? Vous devez faire comme ça. Même si je le fais. Même si je le fais [au pays d’origine] avec ma première, mais je sentais comme surveillée. (Charlotte)

Les autres sources de stress et de questionnements mentionnées par les participantes sont les suivantes : ne pas savoir si on est une « bonne mère », être obligée de confier son enfant à quelqu’un sans savoir s’il va bien s’en occuper, avoir soi-même des problèmes de santé liés à l’allaitement, avoir des problèmes financiers et devoir continuer à étudier tout en étant responsable d’un bébé.

Quatre mères rapportent clairement vivre de la culpabilité lorsqu’elles pensent ne pas avoir pris de bonnes décisions, ne pas avoir bien fait leur travail de mère ou lorsqu’elles mettent l’enfant en punition. D’autres se blâment d’avoir mal géré certains comportements lorsque leur enfant adopte une « mauvaise habitude », comme le besoin d’être au sein pour se calmer ou l’habitude de cracher ses aliments à l’heure des repas. La tristesse a été abordée par sept de nos participantes. De façon générale, la tristesse, la déprime, la solitude sont liées davantage à l’éloignement de la famille qu’au rôle maternel en tant que tel. Quelques femmes ont mentionné se sentir parfois et de façon très passagère, irritées par l’activité incessante de leurs enfants. Mais ce sentiment est de très courte durée et négligeable par rapport à leur joie d’être mère. Trois femmes se sont senties, à un certain moment au cours de la première année de vie de leur enfant, dépassées par l’ampleur de la tâche à accomplir de devoir s’en occuper sans le soutien de leur famille.