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Littérature existante et contexte

en Afrique de l’Ouest : une contrainte

2.5.1. Littérature existante et contexte

Quelques rares études analysent, dans le con- texte des pays développés l’impact d’avoir des parents entrepreneurs sur les choix pro- fessionnels, en particulier celui d’être entre- preneur plutôt que salarié (Dunn et Holtz- Eakin, 2000 : Colombier et Masclet, 2008 ; Laferrère et McEntee, 1996). Toutes s’accor- dent sur une probabilité d’être entrepreneur bien plus élevée parmi les enfants d’entre- preneurs que parmi les enfants de salariés. À notre connaissance, seules deux études s’intéressent à l’impact du contexte familial sur les performances des petites entreprises (Lentz et Laband, 1990 ; Fairlie et Robb, 2007b). Elles portent toutes deux sur les États-Unis. Lentz et Laband (1990) montrent que les entrepre- neurs de deuxième génération ont plus de succès dans la conduite de leur entreprise, par rapport aux entrepreneurs de première géné- ration et ce grâce à l'acquisition précoce de capital humain. En effet, les enfants d’entre- preneurs acquièrent des compétences mana- gériales à travers un contact continu avec l’entreprise familiale, alors que les enfants de salariés ne voient pas leurs parents au travail. Les auteurs concluent que cet avantage con- duit les enfants d’entrepreneurs à choisir volontairement le statut d’activité de leurs parents.

Fairlie et Robb (2007b), quant à eux, identi- fient trois canaux pouvant potentiellement expliquer les meilleurs résultats obtenus par la deuxième génération d’entrepreneurs : un ni- veau plus élevé de compétences managériales et de compétences spécifiques à un secteur d’activité, acquises grâce à l’expérience dans l’entreprise familiale, et l'héritage d’une entre- prise. Dans ce dernier cas, les parents trans- mettent à leurs enfants du capital physique mais aussi social tel qu’une réputation ou une clientèle établie. Avec d’autres données que celles utilisées par Lentz et Laband (1990), ils montrent que disposer d’une expérience professionnelle dans la l'entreprise d'un mem- bre de la famille améliore significativement les performances des petites entreprises. Concernant les pays en développement, il n’existe aucune étude spécifique portant sur l’impact du contexte familial sur les résultats obtenus par les entreprises informelles. Une seule étude aborde indirectement cette pro- blématique, celle de Fafchamps et Minten (2002) s’intéressant à l’effet des réseaux sociaux sur la productivité des négociants agricoles à Madagascar. Dans cette étude, un quart des négociants interrogés déclarent avoir un père ou une mère exerçant dans le com- merce, et 14 % d’entre eux indiquent faire ce métier par tradition familiale ; l’auteur conclut néanmoins qu’avoir des parents dans ce sec- teur d’activité n’a pas d’incidence positive sur la productivité. Au contraire, l’auteur montre que la productivité est plus élevée parmi les négociants ayant appris leur métier seul. Les résultats obtenus par Fafchamps et Minten ne sont pas a priorigénéralisables à l’Afrique de l’Ouest, dans la mesure où l’acquisition de capital humain dans les pays ouest-africains est très différente de celle observée à Mada- gascar ; en outre, le commerce est un secteur

d'activité spécifique en termes d’acquisition de compétences et de niveau de capital req- uis. En effet, dans les secteurs informels africains, il existe deux principales façons d'acquérir du capital humain, à savoir l’ap- prentissage traditionnel et l’expérience dans des entreprises informelles. L’apprentissage traditionnel est beaucoup moins répandu à Madagascar qu’en Afrique de l’Ouest. Ce type d’apprentissage est de plus assez marginal dans le secteur du commerce. Ainsi, dans les capi- tales de sept pays ouest-africains, 27,8 % des entrepreneurs informels ont appris leur méti- er par l’apprentissage traditionnel, alors que cette proportion n'atteint que 14,2 % dans la capitale malgache. En excluant le secteur du commerce, l’apprentissage traditionnel con- cerne 40,7 % des entrepreneurs informels ouest-africains, contre seulement 16,8 % dans la capitale malgache[ 55 ]

. En outre, le commerce est un secteur d’activité très spécifique en termes de quantité de capital requise : dans les pays ouest-africains, le montant moyen de capital utilisé par les entreprises informelles dans le secteur du commerce est de 528 dol- lars internationaux (DI), contre 1 053 DI dans les autres secteurs[ 56 ].

L’hypothèse de ce chapitre est que les entre- preneurs de seconde génération ont de meil- leures performances que ceux de première génération, grâce à un meilleur accès et/ou un meilleur rendement du capital humain, phy- sique et social. La présence d’un membre de la famille dans un même secteur d’activité peut améliorer l’acquisition de capital humain pour différentes raisons. Tout d’abord, cela peut faciliter le choix du maître d’appren-

tissage. En Afrique de l’Ouest, l’apprentis- sage traditionnel se déroule généralement en trois phases : la première année, l’apprenti doit observer ce que font le maître d’appren- tissage et les travailleurs de l’atelier ; dans une deuxième phase, l’apprenti doit exercer certains travaux mineurs ; en dernière phase, l’apprenti prend entièrement part aux activités de l'atelier et est responsable des résultats qu'il obtient (Haan, 2006). Lors de cette dernière phase, des compétences en organisation, ma- nagériales et des connaissances spécifiques au secteur d’activité sont transmises, notam- ment en matière de fixation des prix, de mar- keting , et de relations avec les fournisseurs/ clients. Or, il a été observé que certains maî- tres profitent d’une forte demande de forma- tion, en multipliant le nombre d’apprentis, ce qui nuit au temps consacré à chaque apprenti et à leur occasion de pratiquer par eux-mêmes, le nombre de commandes ne suffisant plus à l’ensemble des apprentis (Charmes et Oudin, 1994). Par conséquent, un membre de la famille travaillant dans le même secteur d'ac- tivité permet à la famille de choisir un maître disposant des meilleures compétences profes- sionnelles et d’un bon carnet de commandes. En outre, les liens familiaux continuent à jouer en Afrique de l’Ouest un rôle important lors de la sélection des apprentis par les maîtres (Birks et al., 1994). Avoir des membres de la famille dans le même secteur d’activité peut permettre d’être plus facilement accepté par un « bon » maître. Enfin, la transmission de compétences spécifiques au secteur d’activité de l’entreprise peut se dérouler avec plus de facilité lorsque le maître fait partie de la fa- mille, du fait de traditions séculaires limitant le

[ 55 ] Source : calcul de l’auteur basé sur des enquêtes 1-2-3 (Phases 2, 2001/02, AFRISTAT, DIAL, INS pour Abidjan, Bamako, Cotonou, Dakar, Lomé, Niamey, Ouagadougou et Phase 2, 2001/02, INSTAT, DIAL pour Antananarivo).

transfert du savoir aux membres d’une même famille ou du même clan (Haan, 2006). En ce qui concerne l’acquisition de capital humain informel par l’expérience, avoir un membre de la famille entrepreneur peut offrir plus d'opportunités d’accumuler de l’expé- rience dans son entreprise. L’expérience dans l’entreprise d’un membre de la famille peut par ailleurs permettre une meilleure acquisition de capital humain que celle dans une quelcon- que entreprise, car le propriétaire de l’entre- prise peut souhaiter donner plus de responsa- bilités à un membre de sa famille, au nom de ces mêmes traditions séculaires mais aussi car l’entrepreneur peut être plus concerné par le succès professionnel d’un des membres de sa famille que par celui de quelqu’un qui ne lui est pas lié.

Comme dans les pays développés, l’acquisi- tion du capital physique peut être facilitée par le fait d’avoir un membre de la famille qui est entrepreneur. D’une part, les entrepreneurs, du moins ceux qui réussissent, peuvent être plus en mesure d’investir que des salariés. D’autre part, certains entrepreneurs de deuxième gé- nération héritent – totalement ou partielle- ment – de l’entreprise d’un membre de leur famille.

Les recherches menées par Lentz et Laband (1990) n’incluent pas le capital social en tant que canal possible de transmission du statut d’entrepreneur entre générations. Fairlie et Robb (2007b) l’introduisent de manière indi- recte, en l’incluant dans les éléments transmis lors de l’héritage d’une entreprise familiale. Dans les pays en développement, le capital social joue un rôle fondamental pour les per- formances des entreprises informelles, en rai- son de l’imperfection des marchés (Bacchetta

et al., 2009). Comme le montrent Fafchamps

et Minten (2002), le capital social – ou, plus précisément, les réseaux sociaux – améliorent la circulation d’information fiable sur les opportunités technologiques et du marché, ainsi que sur les listes noires d’agents non fiables. Le capital social peut également faci- liter la fidélisation d’une clientèle, grâce à la réputation et la confiance. En outre, comme le montre Pasquier-Doumer (2010b), une grande partie des réseaux sociaux mobilisés pour amé- liorer son activité professionnelle est liée à la famille. L’avantage potentiel des entre- preneurs de deuxième génération pourrait donc s’expliquer en partie par les réseaux sociaux.

2.5.2. Données et stratégie

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