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Données et stratégie empirique

en Afrique de l’Ouest : une contrainte

2.5.2. Données et stratégie empirique

Les données mobilisées pour cette étude sont les enquêtes 1-2-3, menées entre 2001 et 2002 et représentatives des sept capitales commer- ciales de pays de l’UEMOA : Cotonou (Bénin), Ouagadougou (Burkina Faso), Abidjan (Côte d’Ivoire), Bamako (Mali), Niamey (Niger), Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo). Les enquêtes 1-2-3 sont des enquêtes imbriquées organisées en trois phases, et spécialement conçues pour étudier le secteur informel (voir Brilleau et al., 2005). Nous exploitons ici les phases 1 et 2. La phase 1 est une enquête emploi qui comprend des informations précises sur les caractéristi- ques sociodémographiques des enquêtés, no- tamment le secteur d'activité et le statut du père lorsque l'enquêté avait 15 ans. La phase 2 est une enquête qui porte sur un sous-échan- tillon d’UPI identifiées en phase 1. Elle fournit des données très précises sur la valeur ajou- tée, les ventes, les investissements, les facteurs de production des entreprises informelles et les caractéristiques du propriétaire. Les en- quêtes 1-2-3 définissent les entreprises infor-

melles comme des unités de production qui (a) ne disposent pas de comptabilité formelle écrite et/ou (b) ne sont pas enregistrées. Cette définition n’inclue pas de critère de taille. L’un des principaux avantages des enquêtes 1-2-3 est leur structure imbriquée : la phase 1 permet à la phase 2 de fournir une image représentative du secteur informel. Un autre avantage est qu’elles permettent d’identifier la deuxième génération d’entrepreneurs et présentent des proxies du capital humain, du capital social, et de la transmission du capital physique entre générations.

À partir de ces données, nous cherchons donc à tester l’hypothèse selon laquelle les entre- preneurs de seconde génération auraient un avantage, en termes de compétitivité, relati- vement aux entrepreneurs de première géné- ration. Dans un second temps, il s’agit d’iden- tifier le rôle des trois canaux retenus dans l’origine de cet avantage : les transferts de capital physique, de capital humain et de capital social.

À l’instar de Lentz et Laband (1990), nous distinguons deux types de capital humain : les compétences managériales, qui incluent les compétences administratives et de gestion du personnel, et les compétences spécifiques au secteur d’activité, qui regroupent les infor- mations spécifiques au processus de produc- tion. Nous supposons que grandir au contact d’une entreprise familiale favorise l’acquisi- tion de compétences managériales mais que les compétences spécifiques au secteur d’ac-

tivité ne sont transmises que si l’entreprise familiale était dans le même secteur d’activi- té que celle de l’entrepreneur informel. C’est pourquoi nous distinguons deux types d’en- trepreneurs de seconde génération. Le pre- mier est celui des entrepreneurs dont le père exerçait une activité d’entrepreneur, mais dans un secteur non forcément lié au leur[ 57 ]

. Ce type d’entrepreneurs sera noté SEpar la suite. Le second est celui des entrepreneurs ayant des parents ou des membres de leur famille ayant une entreprise fortement similaire à la leur en termes d’activité[ 58 ]. Parce que ces

entrepreneurs suivent une tradition familiale, ils seront notés TRADdans la suite.

Nous supposons que les entrepreneurs dont le père était entrepreneur (SE)bénéficient d’un avantage à travers la transmission intergéné- rationnelle de compétences managériales, de capital physique et/ou d’un rendement plus élevé de ces facteurs. Pour les entrepreneurs bénéficiant d’une tradition familiale dans l’ex- ercice de leur activité (TRAD), nous suppo- sons qu’ils peuvent bénéficier de deux canaux supplémentaires, la transmission de compé- tences spécifiques au secteur d’activité et la transmission de capital social, et ce pour les raisons précédemment évoquées.

La première étape de l’analyse consiste à tester l’existence d’un avantage comparatif pour les entrepreneurs de seconde génération. Pour les raisons évoquées, nous supposons que

TRAD a un effet positif sur la productivité des facteurs de production de plus grande ampleur que SE.

[ 57 ] Nous aurions aimé prendre également le statut de la mère mais malheureusement cette information n’est pas disponible dans les données que nous utilisons.

[ 58 ] Plus précisément, TRAD prend la valeur 1 si le propriétaire déclare que : il ou elle a monté son entreprise informelle en suivant une tradition familiale, et/ou il ou elle a choisi les produits/services informels vendus en suivant une tradition familiale, et/ou un membre de sa famille a créé l’entreprise informelle.

Considérons une entreprise disposant de capital de travail, de capital physique et de capital humain, respectivement notés L, K et H. La fonction de production est supposée être une fonction Cobb-Douglas que nous estimerons sous sa forme logarithmique. Avec cette spécification, SE et TRAD sont sup- posés accroître la productivité du travail, du capital physique et du capital humain à travers un terme multiplicatif neutre au sens de Hicks. Nous estimons ainsi l’équation suivante :

V=(gSG(SG)(L))a(hSG(SG)(K))b(lSG(SG

(H))g=f

SG(SG)LaKbHg

V représente le profit, SG indique si l’en- trepreneur est de la seconde génération, avec

SG

=

{SE, TRAD}, gSG (SG), hSG(SG), ISG

(SG),et fSG(SG), sont des fonctions qui ex-

priment l’effet de SE ou TRAD sur la produc- tivité du travail L, du capital physique K et du capital humain H.

SiSE ou TRAD ont un effet positif et signifi-

catif sur V, alors les entrepreneurs de seconde

génération ont des rendements plus élevés de leurs facteurs de production.

Le profit V est défini comme la différence entre le montant total des ventes moins le montant total des dépenses, celles-ci incluant tous les coûts de consommation intermé- diaire dont les salaires, y compris celui de l’en- trepreneur. Les différences de parité d’achat entre les pays ont été prises en compte. Le profit est la mesure retenue de la perfor- mance de l’entreprise mais le montant des ventes sera également utilisé pour s’assurer de la robustesse des résultats.

Le t rava i l (L) est mesuré par le nombre d’heures mensuelles de travail utilisé dans l’entreprise. Le capital physique (K) inclut les locaux, les machines, les véhicules, les outils et les meubles. Chaque item a été évalué par son coût de remplacement. Comme pour le pro- fit, ces montants sont ajustés par les diffé- rences de prix entre les pays. Le capital humain (H) est mesuré par l’expérience potentielle

des entrepreneurs[ 59 ] sur le marché du travail,

ainsi que par son niveau d’éducation. Ces estimations présentent le problème ha- bituel d’endogénéité possible des facteurs de production, de par leur accumulation dans le temps et les caractéristiques inobservables de l’entreprise. Malheureusement, pour corriger ce biais, nous ne disposons ni de données de panel ni de bons instruments. Par consé- quent, nous choisissons une approche très simple qui divise l’échantillon en entreprises informelles de différents niveaux de stock de capital et de travail.

Dans une deuxième étape d’analyse, nous cherchons à identifier la source de l’avantage des entrepreneurs de seconde génération, en distinguant le meilleur accès aux compétences managériales, spécifiques au secteur d’activité, les capitaux physique et social des meilleurs rendements de ces facteurs de production. Pour ce faire, nous incluons dans l’équation (1) une proxie du capital hérité KI, nous distin-

guons dans le capital humain les compétences managériales H

MS et les compétences spéci-

fiques au secteur de l’entreprise HESSet à

l’instar de Fafchamps et Minten (2002) nous introduisons dans la fonction de production le capital social S. La fonction de production devient alors :

(1 )

Nous identifions ensuite laquelle de ces va- riables est la plus à même de capturer l’effet d’avoir bénéficié d’une tradition familiale ou d’avoir un père entrepreneur.

Pour estimer l’équation (2), le capital physi- que hérité (

K

I) est pris en compte à l’aide

de trois variables : (i) la quantité de capital physique obtenue par la famille[ 60 ]

,(ii) une proxie prenant la valeur 1 si la part de capital physique obtenue par la famille est plus éle- vée que la moitié de la quantité totale de capital physique, (iii)une proxie qui prend la valeur 1 si le propriétaire utilise un local donné par la famille.

Trois variables permettent de prendre en compte les compétences managériales (

H

MS). La première indique si le propriétaire a une expérience précédente de management d’une entreprise. La deuxième est le fait que le pro- priétaire connaisse les institutions de micro- finance. Elle indique un meilleur accès à l’in- formation pouvant à son tour améliorer la productivité. La dernière indique si le proprié- taire tient une comptabilité, révélant une meil- leure organisation dans la manière de gérer l’entreprise.

Pour prendre en compte les compétences spécifiques à l'entreprise(

H

ESS), quatre va- riables sont à notre disposition. La première prend la valeur 1 si le propriétaire a appris sa profession à travers l’apprentissage tradition- nel et 0 sinon. L’apprentissage traditionnel donne au propriétaire une expérience pas-

sée du secteur d’activité pendant laquelle la transmission de compétences spécifiques au secteur d’activité de l’entreprise pourra être importante. La deuxième indique si le propriétaire dispose d’une expérience passée dans l’entreprise informelle avant d’en devenir propriétaire. Cette expérience peut lui appor- ter de bonnes connaissances de la technologie de production utilisée dans l'entreprise, des opportunités sur le marché, de la clientèle et des fournisseurs. Cela lui permet aussi de se faire connaître de la clientèle. La troisième i n d i q u e s i l e p ro p r i ét a i re d i s p o s a i t d ’ u n e expérience de ce secteur d’activité avant son entrée dans l’entreprise qu’il dirige. Enfin, nous utilisons le nombre d’années d’expé- rience dans le secteur d’activité qu’il occupe à la date de l’enquête.

Le capital social (S) est approché par deux variables. La première prend la valeur 1 si le propriétaire indique qu’il n’a pas de problème à trouver des clients et que le manque de clientèle ne représente pas le principal obsta- cle au développement de son activité. Cette variable peut refléter la fidélité des clients, la réputation et le fait que l'entreprise soit con- nue. Pourtant, cette variable peut souffrir d’un biais d’endogénéité car il est probable que l’auto-évaluation du propriétaire soit influ- encée par sa performance. Les entrepreneurs au profit élevé sont plus susceptibles de dire qu'ils ne manquent pas de clients. Par con- séquent, nous introduisons une deuxième variable du capital social, plus exogène, qui est l’appartenance à une association profession- nelle. Dans le contexte ouest-africain, savoir

[ 60 ] Plus précisément, nous considérons que le capital physique est obtenu par la famille si le propriétaire a indiqué que le capital était financé par un prêt provenant de la famille, par un héritage ou par un don d’un membre de la famille ou d’un ami. Malheureusement, dans ce dernier cas, il est impossible de distinguer dans l’enquête les amis de la famille. Nous supposons que les dons d’amis sont pratiquement inexistants dans le cas des activités professionnelles, ce qui est cohérent avec ce que l’on observe à Ouagadougou (Pasquier-Doumer, 2010b).

comment s’inscrire à une association profes- sionnelle et être accepté comme membre pourrait dépendre du niveau de capital social plutôt que de la taille de l’entreprise. Ce sujet n’a pourtant pas fait l’objet de nombreuses recherches.

Comment se distinguent

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