• Aucun résultat trouvé

6. Structuration de la thèse

3.1 Introduction

3.2.2 Littérature empirique : Evaluation des effets indirects des dispositifs

La littérature empirique sur l’évaluation des effets indirects des politiques d’innovation fondées sur les relations science-industrie est presque inexistante. Cette limite dans la littérature est importante à souligner dans la mesure où elle est en incohérence avec les fondements des politiques de transferts science-industrie, qui comparativement aux autres politiques d’innovation, ont pour ambition de diffuser les connaissances scienti-fiques au plus grand nombre d’entreprises, afin d’affecter leurs performances au-delà des bénéficiaires directs. En d’autres termes, ces politiques visent à maximiser la pré-sence des externalités de connaissance.

Très peu d’études empiriques se sont intéressées à évaluer et à analyser les effets

in-directs des politiques d’innovation, toutes catégories confondues (Garone et al.,2014;

Castillo, Maffioli, Rojo, et Stucchi, 2014; Nishimura et Okamuro, 2016; Di Gennaro et Pellegrini, 2017). Parmi ces études, la seule qui s’est focalisée sur les politiques

d’in-novation fondées sur les relations science-industrie est celle deNishimura et Okamuro

(2016). Etant donné que ce chapitre se focalise sur la dimension spatiale des effets

indi-rects, nous allons présenter dans cette revue de littérature empirique au-delà de l’étude

deNishimura et Okamuro(2016), les travaux deGarone et al.(2014) et deDi Gennaro et Pellegrini(2017) pour la raison principale que ces deux études empiriques ont en com-mun de se focaliser sur la dimension spatiale des effets indirects.

Nishimura et Okamuro(2016) cherchent à évaluer l’impact causal direct et indirect d’un programme de consortium de R&D, financé par le gouvernement japonais sur les en-treprises. Ce programme sponsorise exclusivement les projets R&D de type science-industrie c’est-à-dire comprenant au moins une université et une entreprise privée. Le fi-nancement ("traitement") débute en 1997 pour une durée de deux ans [1997-1998]. Pour évaluer les effets indirects de ce programme, les auteurs se focalisent sur les relations commerciales comme principal canal de transmission des effets indirects. Plus préci-sément, ils cherchent à évaluer l’impact de ce programme sur les entreprises clientes des firmes du consortium. La méthode de première différence associée à la méthode d’appariement par score de propension indique que les clients des firmes du consortium améliorent leurs ventes de produits innovants, la productivité du travail et la productivité totale des facteurs comparativement aux entreprises, n’entretenant pas les relations com-merciales avec les firmes du consortium. En comparant les grandes firmes et les petites firmes, ils constatent que seuls les gros clients profitent des externalités pécuniaires (via les transactions commerciales).

Contrairement àNishimura et Okamuro(2016) qui évaluent les effets indirects via les

re-lations commerciales,Garone et al.(2014) se concentrent sur la proximité géographique

pour évaluer les effets indirects d’une politique de cluster au Brésil sur trois variables de résultat : la croissance d’emploi, la valeur totale des exportations et la probabilité d’expor-ter. Afin de mesurer les effets indirects générés par cette politique, les auteurs supposent que la proximité géographique au sein d’un secteur (industrie) constitue le principal ca-nal par lequel se produisent des exterca-nalités et considèrent la municipalité comme une variable proxy de la zone de localisation de la politique où il y’a un nombre positif de bé-néficiaires directs dans la même industrie. Les résultats obtenus via la combinaison d’un modèle à effets fixes et les méthodes de repondération appliquée sur les données de pa-nel (2002-2009) indiquent un effet indirect négatif de court terme sur l’emploi dans la pre-mière année après l’implémentation de la politique et un effet indirect positif de moyen et long terme sur les variables d’exportation. Les résultats soulignent aussi l’importance de prendre en compte les périodes de timing et de gestation de l’impact sur la performance des entreprises quand il s’agit d’évaluer les politiques de cluster. De même que l’étude

précédente,Di Gennaro et Pellegrini(2017) se focalisent sur la dimension géographique

et considèrent la municipalité comme zone d’influence de la politique afin d’évaluer et d’analyser les effets indirects des politiques publiques de R&D sur les dépenses de R&D des entreprises. Pour cela, ils proposent un cadre pour l’inférence causale en présence d’interactions spatiales au sein d’un nouveau modèle de différence-en-différences spa-tiale hiérarchique. En d’autres termes, ils utilisent une méthode qui permet de modéliser la présence des interférences spatiales dans un cadre de différence-en-différence. En

outre, l’innovation majeure de cette approche consiste en la possibilité d’évaluer les ef-fets indirects différenciés entre traités et contrôles. En appliquant cette approche sur un échantillon de 2389 entreprises dont 145 traitées, observées sur la période 2007 - 2013, les estimations montrent les effets indirects positifs et significatifs sur les bénéficiaires directs et les effets indirects négatifs et significatifs sur les bénéficiaires indirects.

Comme nous pouvons le constater, la mesure des effets indirects des politiques d’in-novation en général et des politiques d’ind’in-novation de type transfert science-industrie en particulier, a connu très peu d’attention. Il est donc très difficile de tirer des conclusions définitives. On peut néanmoins soulever quelques remarques non négligeables. La pre-mière remarque est inhérente à la méthodologie. La méthode d’évaluation semble ne pas

être robuste pour l’étude deNishimura et Okamuro(2016). En effet, ces auteurs utilisent

la méthode de première différence pour estimer l’effet indirect du traitement. Cette mé-thode consiste à faire la différence entre les performances des entreprises bénéficiaires indirectes et des entreprises de contrôle. Cela signifie que cette méthode ne contrôle pas pour les variables inobservées stables dans le temps susceptibles d’impacter le trai-tement et les performances des entreprises. Par ailleurs, cette étude évalue les effets indirects 10 ans après le traitement, ce qui peut laisser penser que d’autres facteurs pourraient être intervenus notamment un choc annuel, pour expliquer les variations des variables de résultat. Or, dans la spécification de leur modèle, ces auteurs ne prennent pas en compte les effets fixes annuels, ce qui rend leur modèle d’évaluation peu robuste.

Ces critiques sont prises en considération dans les études deDi Gennaro et Pellegrini

(2017) qui ont spécifié un modèle de différence-en-différence qui permet de contrôler

pour l’hétérogénéité, les effets fixes temporels et les facteurs constant dans le temps. La deuxième remarque porte sur les résultats d’analyse. Étant donné qu’il existe à notre connaissance, une seule étude d’évaluation des effets indirects des dispositifs de type transfert science-industrie, il est difficile de généraliser les résultats d’estimation sur l’im-pact indirect spécifique aux politiques d’innovation basées sur les relations science-industrie. Neanmoins, si l’on s’en tient aux résultats d’analyse sans distinction du type de politique d’innovation, on peut noter que sur le peu d’études existantes, les résul-tats tendent à montrer une additionnalité sur les performances socio-économiques des entreprises bénéficiaires indirectes et ce, quelle soit la voie par laquelle les spillovers

se diffusent (voir les travaux de Nishimura et Okamuro 2016; Garone et al., 2014 et

Di Gennaro et Pellegrini, 2017). Il convient de préciser que le nombre d’études empi-riques disponibles n’est pas assez élevé pour confirmer cette observation. Cependant, tout porte à croire que l’on observerait une additionnalité plutôt sur les performances socio-économiques. Par ailleurs, l’analyse de la dynamique des effets indirects semble montrer que ces effets n’apparaissent pas directement après le traitement mais quelques années plus tard. Il existerait donc un décalage temporel entre le traitement et l’apparition des effets indirects. La troisième remarque concerne les canaux de transmission des ef-fets indirects. La littérature empirique fait ressortir au moins deux voies par lesquelles les

effets indirects peuvent se produire : les relations commerciales entre entreprises traitées

et entreprises non-traitées (Nishimura et Okamuro 2016) et la proximité spatiale (Di

Gen-naro et Pellegrini 2017etGarone et al.,2014) qui n’est pas un canal de transmission à proprement dit mais plutôt un facilitateur de plusieurs types d’interactions possibles.