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6. Structuration de la thèse

1.3 Les enjeux de l’évaluation des politiques fondées sur les relations science-

1.3.1 Fondements généraux de l’évaluation des politiques d’innovation

Les fondements généraux concernent ici, les enjeux de l’évaluation des politiques publiques en faveur de l’innovation sans distinction aucune. La question à laquelle on cherche à répondre est celle de savoir pourquoi il est important d’évaluer les politiques d’innovation. La réponse se trouve dans l’apparition des effets pervers des politiques d’in-novation, la mesure de l’efficacité de ces politiques, la meilleure allocation des ressources publiques et compte tenu du contexte particulier de la France en matière d’évaluation, dans l’enrichissement de la culture de l’évaluation en France.

1.3.1.1 L’apparition des effets pervers des politiques d’innovation

Les politiques d’innovation ou les aides publiques de R&D sont conçues pour at-teindre les objectifs spécifiques. S’il est admis que ces politiques peuvent en effet entrai-ner les effets positifs sur les performances innovantes des entreprises, il n’en demeure pas moins que ces dernières peuvent au-delà de leur possible inefficacité, engendrer des effets indésirés ou négatifs. Dans ce contexte, il est nécessaire d’analyser ces ef-fets pervers afin d’anticiper l’efficacité de ces politiques. L’analyse de la littérature nous a permis d’identifier les effets suivants : l’effet d’éviction qui se produit lorsque les dé-penses publiques de R&D sous forme d’aides font baisser les dédé-penses privées de R&D

des entreprises au lieu de les inciter. PourLallement (2011), l’effet d’éviction est lié au

fait que les aides publiques de R&D peuvent induire une hausse des prix (salaires des chercheurs, etc.) liés aux activités de R&D. Cet auteur distingue l’effet d’éviction partiel et l’effet d’éviction total. Ainsi, un effet d’éviction partiel se produit lorsque "la dépense privée induite est strictement inférieure à l’aide". En d’autres termes, on parle de l’effet d’éviction partiel lorsque les dépenses privées de R&D, par rapport à ce que l’entreprise aurait fait en l’absence de la subvention, augmentent d’une partie seulement du montant de la subvention. Quant à l’effet d’éviction total, ce dernier apparait "lorsque la dépense privée induite est égale à 0". Autrement dit, il y a effet l’effet d’éviction total quand les dépenses privées de R&D, par rapport à ce que l’entreprise aurait fait en l’absence du fond public, restent inchangées.

A côté de ces effets, Guellec et Van Pottelsberghe(2000) identifie l’effet de "distorsion

allocative" qui apparait lorsque les politiques de R&D amènent les entreprises à choi-sir les pistes sectorielles et technologiques moins efficaces que celles auxquelles les seules forces du marché auraient conduit. On pourrait aussi observer la distorsion de la concurrence. Plus concrètement, il s’agit de la modification des conditions normales de la concurrence due à une aide publique à la R&D apportée à certaines entreprises au détriment des autres.

1.3.1.2 Mesure de l’efficacité / efficience

De nombreux pouvoirs publics consacrent d’importants moyens financiers pour pro-mouvoir l’innovation dans le but de stimuler la croissance économique et donc de créer les emplois. Toutefois, l’ampleur des aides à la R&D ne garantit pas toujours le succès de la politique et ce, en raison de la complexité et l’incertitude qui accompagne le pro-cessus d’innovation. La preuve en est que la France est devenue le troisième pays de l’OCDE derrière le Canada et la Corée du Sud et juste devant les Pays-Bas qui

sou-tient le plus les entreprises pour innover (CNEPI9,2016) et pourtant, elle est considérée

comme un pays suiveur en matière de capacité d’innovation (GII10,2015)en Europe via le European innovation scoreboard. De ce fait, l’évaluation des politiques publiques en faveur de l’innovation constitue un enjeu essentiel afin de mesurer leur efficacité et leur efficience. Plus précisément, il s’agit de vérifier si les objectifs fixés par les politiques ont été atteints d’une part (efficacité) et d’autre part si les résultats obtenus sont satisfaisants aux vus des moyens engagés (efficience) ; ce qui permet d’apprécier leur impact sur la capacité de croissance des économies ainsi que leur capacité à répondre aux problèmes environnementaux et sociétaux. Pour la première problématique, les responsables poli-tiques cherchent le plus souvent à savoir combien d’euros une entreprise dépense en

R&D pour un euro perçu sous forme d’aide publique à la R&D (Lallement,2011). Cette

question renvoie à la notion d’additionnalité. Il en existe trois formes : l’additionnalité par entrant c’est-à-dire l’effet additonnel sur les facteurs des activités de R&D tels que les dépenses de R&D, l’additionnalité par output c’est-à-dire l’effet additionnel sur les résultats des activités de R&D et l’additionnalité comportementale c’est-dire les change-ments de comportement induits par les aides à la R&D. La question de l’additionnalité sera abordée en profondeur au chapitre suivant. Les études d’évaluation se focalisent le plus souvent sur les deux premières formes d’additionnalité parce qu’elles reposent sur des variables mesurables. En ce qui concerne la deuxième problématique, celle de l’effi-cience, les responsables politiques cherchent à savoir si les bénéfices engendrés par les politiques de R&D sont supérieurs au coût supporté. Pour répondre à cette interrogation, les chercheurs mènent très souvent l’analyse coût-bénéfice.

1.3.1.3 Meilleure allocation des ressources publiques

Compte tenu des tendances actuelles de restriction des dépenses publiques, il y a un intérêt grandissant et un besoin de connaître la manière dont les fonds relatifs aux politiques de l’innovation peuvent être alloués de façon efficace et efficiente. La justifica-tion des dépenses publiques est au cœur des politiques publiques au moins pour deux raisons. La première raison est que l’évaluation des politiques publiques de l’innovation produit les informations qui permettraient d’implémenter les dispositifs d’aide à l’innova-tion basés sur les preuves du succès. La deuxième est que c’est aussi un instrument pour informer les responsables politiques et les citoyens du bien-fondé d’une politique de l’innovation et de la technologie en leur fournissant les résultats.

La France a placé depuis plusieurs années l’innovation au centre de sa stratégie pour redynamiser son économie. Elle n’a donc pas cessé de multiplier les mesures censées

favoriser l’innovation (CNEPI,2016). Toutefois, force est de constater que les résultats en

sont décevants compte tenu des moyens importants engagés. En effet, la France se posi-tionne à la 21ème place des pays innovants selon l’Organisation Mondiale de la Propriété

Intellectuelle (OMPI) en matière de capacités d’innovation (GII,2015) et paradoxalement, elle figure parmi les pays qui consacrent d’importants financements publics au niveau de l’État et des Régions à la recherche et au soutien à la R&D des entreprises. Par ailleurs, les dépenses intérieures de R&D de la France a connu une forte croissance ces dernières années (43 156 millions de dollars en 2000 contre 55 701 millions de dollars en 2015 soit

une croissance d’environ 29%). D’après le rapport de la CNEPI (2016), la France est

devenue ainsi un des pays de l’OCDE qui soutiennent le plus les entreprises pour inno-ver. Dans ce classement, les Pays-Bas dépensent moins que la France et pourtant ils sont classés 4ème selon l’OMPI. Pour éviter la dispersion des ressources financières pu-bliques, il importe d’implémenter une évaluation de ces différentes mesures de soutien à l’innovation afin d’identifier parmi ces mesures, celle(s) qui "marche(nt)" et celle(s) qui ne "ne marche(nt) pas".

1.3.1.4 Enrichissement de la culture de l’évaluation en France

Dans les différents rapports de l’OCDE commandés par le gouvernement sur le sys-tème d’innovation, l’un des enseignements qui revient plus souvent, est l’insuffisance de l’évaluation de la politique d’innovation, en particulier au regard de son impact écono-mique. Par ailleurs, la France est très en retard dans la pratique des évaluations des politiques publiques et donc dans la mise en œuvre des mesures publiques basées sur les preuves empiriques. Ceci pourrait expliquer la juxtaposition des différentes mesures de soutien à l’innovation qui n’aboutit pas toujours à l’impact socio-économique sou-haité. A cet effet, la France a très récemment développé la culture de l’évaluation. Cela s’observe par exemple à travers la mise en place des initiatives porteuses des missions inhérentes à l’évaluation. C’est le cas de la création de la Commission nationale char-gée de l’évaluation des politiques d’innovation dans le cadre du Plan innovation lancé en

novembre 2013 (France-Stratégie,2018). Ainsi, la conception d’un dispositif d’évaluation

dans le domaine de l’innovation est un enjeu en ce sens que cela permettrait à la France de rattraper son retard en matière de la pratique de l’évaluation dans ce domaine. Aussi, l’évaluation des IRT contribuerait à l’enrichissement des pratiques et méthodes de l’éva-luation des politiques de l’innovation.

Outre les fondements généraux de l’évaluation des politiques d’innovation, les fonde-ments plus spécifiques à l’évaluation des IRT en tant politiques de transferts mettent en évidence les difficultés d’efficacité de ces politiques.