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6. Structuration de la thèse

1.2 Fondements des politiques d’innovation fondées sur les relations science-

1.2.2 Fondements plus spécifiques aux relations science-industrie et au

Outre les fondements généraux, les politiques d’innovation fondées sur les relations industrie peuvent être justifiées par les obstacles inhérents aux relations science-industrie et par le contexte particulier du système de recherche et d’innovation français.

FIGURE1.2 –Les financements des phases de développement de l’innovation

Source : J. Lachmann, Economica 2010

1.2.2.1 Contexte français

Depuis 1994, la France, comme plusieurs pays de l’OCDE dotés d’une capacité de recherche publique, a fait des transferts science-industrie l’une de ses priorités politiques. Cette politique est basée sur le fait que le secteur public de la recherche est une source potentielle unique de savoirs et de technologies que les entreprises ne peuvent dévelop-per elles-mêmes, parce qu’ils reposent sur des modes d’invention scientifiques ouverts et incompatibles avec une logique de profit économique. Au cours de ces dernières an-nées, ces politiques ont pris différentes formes notamment la mobilité professionnelle des personnes (chercheurs, docteurs), la création d’entreprises issues de la recherche publique, la propriété intellectuelle et sa valorisation, la recherche collaborative, la re-cherche sur contrat, les dépenses ciblées sur la maturation y compris les mécanismes non marchands tels que les conférences, les publications, les collaborations informelles. Cependant, la plupart des pays de l’OCDE rencontrent des difficultés dans le dévelop-pement des liens entre monde académique et industrie du fait que ces deux "mondes"

ont des missions, des cultures et des règles de fonctionnement très différentes (OCDE,

2014).

CCes difficultés sont beaucoup plus prononcées pour ce qui est de la France. Cela s’illustre par la faible implication des financements privés dans le budget des établis-sements d’enseignement supérieur et de recherche (autour de 2 % en 2010, contre 6 %

en moyenne dans les pays de l’OCDE, dont 15 % en Allemagne (OCDE,2014). Cette

défaillance est aussi expliquée par le faible taux de co-publications public-privé, qui en France est significativement moins élevé que, par exemple, en Suisse, en Allemagne, aux

clas-sement des pays qui consacrent d’importants financements publics au niveau de l’État

et des Régions à la recherche et au soutien à la R&D des entreprises (CNEPI,2016).

Paradoxalement, lorsqu’on regarde le classement en matière de capacité d’innovation, la France occupe la 21ème place. Ces chiffres illustrent bien la situation particulière de la France en matière d’échange des connaissances entre la sphère publique et la sphère privée. Par ailleurs, la France est reconnue pour son excellence en matière de production des connaissances et de savoirs scientifiques puisqu’elle réalise 3,5% des publications scientifiques du monde (source : Thomson Reuters, traitements OST du HCERES). Dans ce contexte, il y a manifestement un intérêt politique à valoriser ce potentiel scientifique à travers leur transformation en produits, procédés, applications, etc. Cette valorisation socio-économique se fait à travers les transferts de ces connaissances produites dans la sphère publique vers l’économie et la société. Ainsi, dans le contexte français, l’un des fondements des politiques de transferts science-industrie trouve son origine dans la volonté de la part des pouvoirs publics d’exploiter les connaissances scientifiques pro-duites dans le secteur public de manière à ce qu’elles puissent impacter positivement la croissance économique que ce soit au niveau régional ou national. Ainsi, les collabora-tions entre la science et l’industrie peuvent jouer un rôle important dans l’économie et la société, comme nous le détaillons dans la sous-section 1.2.3.

1.2.2.2 Freins aux relations science-industrie

Même si les bénéfices que les universités et les entreprises peuvent tirer d’une co-opération science-industrie sont nombreux, ces deux communautés n’ont pas une pro-pension forte à s’engager dans les coopérations. Cela s’explique par les différences tant structurelles que fonctionnelles entre ces deux entités. Par exemple, les entreprises tra-vaillent généralement sur les projets à court terme avec une certaine exigence sur la ren-tabilité économique, tandis que les universités fonctionnent dans le long terme avec le souci d’être bien jugées par les pairs. Par ailleurs, l’administration universitaire est beau-coup plus complexe que celle des entreprises. De plus, la coopération entre ces deux structures générerait des coûts de transaction. Dans les entreprises, une coopération externe est susceptible de perturber le déroulement normal des activités de l’entreprise dans la mesure où il faut trouver au sein de l’entreprise une personne qui a des

compé-tences en matière de gestion des relations extérieures (TECHNOPOLIS et MIOIR,2012).

Il s’agit d’une activité supplémentaire pour l’entreprise et pour la personne désignée, qui suppose la mobilisation des techniques de gestion spécifiques en termes de gestion de contrat, gestion de la propriété industrielle etc. Pour les universités et les instituts de

recherche, la coopération externe peut être ralentie par au moins trois facteurs (

TECH-NOPOLIS et MIOIR, 2012). Le premier facteur est le système d’incitation des carrières dans la mesure où les chercheurs universitaires sont évalués par leurs pairs à travers

leurs publications dans les revues scientifiques et donc le fait de travailler sur un projet avec une entreprise peut non seulement freiner la sortie d’une publication mais aussi di-minuer la qualité scientifique de la dite publication. En effet, il est difficile voire impossible pour une entreprise d’accepter que le chercheur universitaire publie un article qui porte sur une innovation alors qu’elle n’a pas encore déposé le brevet. De plus, lorsqu’il s’agit d’une innovation de procédé, les entreprises adoptent généralement le secret comme mode de protection de leur innovation. Dans ce cas, il sera difficile pour le chercheur d’écrire un article sur ledit projet auquel il a participé car il aura signé un engagement de confidentialité.

Le deuxième facteur est le manque de moyens pour mener la recherche partenariale. Ce manque de moyens peut être une source de désincitation à la coopération externe. Le dernier facteur tout aussi important est le manque de culture tournée vers l’entreprise. Le taux de coopération science-industrie qui est beaucoup plus élevé aux USA qu’en France, s’explique en partie par cette culture américaine des chercheurs tournée vers

l’entreprise et par un système d’incitation des carrières bien valorisé.Bruneel, D’Este, et

Salter(2010) ont fait une étude sur les barrières à la coopération science-industrie. Pour cela, ils ont fait un distinguo entre les barrières liées à l’orientation et celles liées aux tran-sactions. Ils trouvent que l’expérience antérieure de la recherche collaborative abaisse les barrières liées à l’orientation, que les niveaux plus élevés de la confiance réduisent les deux types de barrières, et que l’ampleur de l’interaction diminue les barrières liées à l’orientation, mais augmente les obstacles liés à la transaction. Pour ces auteurs, la confiance inter-organisationnelle serait l’un des mécanismes les plus forts pour réduire les obstacles à l’interaction entre les universités et l’industrie. "Bâtir la confiance entre les universitaires et les praticiens industriels nécessite des investissements à long terme dans les interactions, fondés sur la compréhension mutuelle des différents systèmes d’in-citation et d’objectifs. Elle nécessite également un accent sur les contacts en face-à-face entre l’industrie et le milieu universitaire, initiés par des références personnelles et

soute-nus par des interactions répétées" (Bruneel et al. 2010). De même,Balconi et Laboranti

(2006) constatent que la coopération entre l’industrie et l’université est basée sur des

équipes de chercheurs des deux côtés. Des liens solides sont associés avec la haute performance scientifique, la proximité cognitive et les relations personnelles. Certains

auteurs à l’instar deCaldera et Debande(2010) soulignent que la coopération entre les

universités et les industries ne peut fonctionner efficacement que si l’on implémente les institutions intermédiaires avec des compétences en matière de gestion des transferts

de technologie.Conti et Gaule(2011) affirment que l’une des raisons pour lesquelles les

Etats-Unis surpassent l’Europe en matière de licences de technologie de l’université est que les agents de transfert de technologie des États-Unis emploient plus de personnel ayant une expérience dans l’industrie ; ce qui signifie que le personnel employé par ces institutions est tout aussi important. Les pouvoirs publics doivent donc intervenir afin de mettre en place des structures permettant de faciliter le transfert des technologies de la

sphère publique vers la sphère industrielle. Ces structures sont représentées par diffé-rentes formes notamment les parcs scientifiques, les bureaux de transferts de technolo-gies et récemment les Instituts de Recherche Technologique dans le cadre du PIA. Par conséquent, les IRT ont un rôle fondamental à jouer dans le transfert des connaissances et technologies.