lecultiverabovo,leprendre dansl'œuf,
comme
diraitSterne.Si,aulieu d'être élevédansletravail quotidien,parunpère pionnier;si,au lieu d'avoiraccepté dèsl'âgededixansla responsabilitéde nourrirsamère,sa jeune sœuretson jeunefrère,Lincoln eûtétéfilsde bourgeoiseteût reçu l'éducationde noscollèges français, sousunedisciplinefaitepourannihiler sa nature physique,ilaurait,
comme
tantd'entrenous, payé de l'énervement de soncorps,dela virilitéde son énergie morale,etdutiersde sonexistence,lemincebagageintellectueldontl'Universitédotesesélus.
Lepremier devoir del'hommeestdesebienporter.Lincolnétaitriched'une santérobuste. Aussin'hésita-t-ilpasunseul instantà reprendre son ancien métier.Sesbras,habitués àmanierlahachedubûcheron,firentdenouveau évoluer l'instrument dont chaque coup ébranlecesvieux géants desforêtsdu nouveauinonde.Redevenurailspitter,ilsemit àdébiterdestraversespourles chemins defer.
Comme
ilétaitdéjàun peu connu»dans" l'illinois par son intelligence etlesquelquesapplications qu'il avaitpufairedeses connaissances, lesobriquet derailspitterfutaccoléàsonnom
de Lincolnetlui estrestéjusqu'à lafin.Iltrouva encorel'occasionde s'engager
comme
portefaix etmanœuvre
surles bateaux à vapeur duMississipi qui fontle servicede laNouvelle-Orléans.Comme
quelques années auparavant,lespérégrinationsfluvialesramenèrent l'ardeurde la lecture. Ses épargnesluiservaientà acheter des revuesetdes livresàbonmarché, danslesquelsils'absorbaitlorsquelamanœuvre
luilaissait quelquerepos.Leséconomiesmomentanéesqu'il avait réaliséesdanslaprofessiond'arpenteur luiavaientdonnédugoûtpourlespositionsindépendantes.Ilavaitcompris qu'à lui, tout
comme
auxautres,ilpourraitlui arriver,avec quelquesefforts,de sortirdelasubordinationàlaquelle, pourlaquatrièmefois, l'assujettissaitla misère.Ilrésolutdetenterencorela fortune, abandonnala batellerie etvint s'installerépicierdanslapetitevillede Decatur.Toujours ambitieux des'élever,
Abraham
chercha àutiliserlesconnaissances dontlalecture avaitmeublésamémoire, etunefoissonmagasind'épicerie fermé àlanuit tombante,ilappelaitàluilespetits enfants etlesadultes etleur enseignaitun peudece qu'il avaitappristout seul.Pourparlerplussimplement,ilsefitmaîtred'école.Ilinculqua àsesélèveslesprincipes decette religion sobreetsans fastequeluiavaient enseignésses pères.Aveccet esprit lucide, cette diction claire qu'il apporta dansla suiteàl'exposition des questions lesplus ardues,ildéveloppa devantlesenfants etdevantlesjeunes gens qu'on lui confiaitlesidées saines et droitesqui ontfaitla gloiredesa tropcourte carrière.
En
instruisantlesenfants,ilcherchait àfairedeshommes.
Dès que ses élèvessavaientlire, illeurfaisaitétudierlesarticlesdela Constitutionaméricaineetleur expliquaitlesdroits etlesdevoirsducitoyen.
20
LINCOLN.
Combienles
hommes
qui ontappris" àliresousLincoln doiventêtrefiers aujour-l'huid'avoirreçulesleçonsd'unpareilmaître! Quelexemplede persévérante nergieila légué àses disciplesdeFlllinois!Demaîtred'écoleà procureuriln'y aquel'épaisseurducode. Ladistance étaità moitiéfranchiepar Lincoln quiavaitdéjàétudiéles loisde sonpays.Le hasardluifournitle
moyen
de passer delachairedu pédagogue aubureau de l'avocat.Uneplacedeclerc setrouvaitvacante chezundeses voisins, proprié-taired'unoffice.11remplaçaleclerc etsefithomme
deloi.Par sontravail et sa persévérance,ilacquituneconnaissance approfondie dudroit.11s'établitpour soncompteetbientôtsoninstruction solide, sagrande réputation dedroiture, sesmanièresaffablesluivalurentuneclientèleimportante.Ilquitta la petite villede Decatur pourSpringfield, etlà,sarenommée
lesuivant,ildevintl'avocat leplusdistinguédubarreau.Ilavait alors26 ans(1837)etexerçait saprofession de concert avec sonassociéJohnT. Sevvart.Parsaseulevolonté, parsaténacitédansunenoble ambition,lesimplerail spkter estdevenu l'hommedistinguéà quitouslesplaideurs del'Illinoisveulent confier leurs causes.Iladignementcaptivé la considération, cette considération sienviable quivalelancer danslavie politique.
C'esticiquelagrandehistoired'AbrahamLincoln
commence
;c'est mainte-nantquenousallonslevoirauxprisesavecles difficultésd'untoutautre ordre.Mais Lincolnseratoujoursle
même homme,
ilnevariera ni d'allures nide sen-timents:le travail et lamisère, lequakerismeetl'étude en avaientfaitunhomme
complet.Ilétaitprêtpourseshautesdestinées.VIEPOLITIQUE DELINCOLN. LA CONSTITUTION*DESÉTATS-UNIS.
—
REPUBLICAINS ET DÉMOCRATES.Pourapprécierlesévénements,pourjugerles
hommes,
il estessentielde connaîtrelemilieu politiquedanslequelilssemeuvent,danslequelilsvivent.Ledocumentnationalquirésumelecaractèred'un peuple, sonpassé, ses aspi-rationsversl'avenir,c'estlaconstitutiondecepeuple.
On
adit, etavecraison:« Unenationn'aquelegouvernementqu'elle mérite. » Voyonsdonc, avant d'étudierl'hommepolitiquedans
Abraham
Lincoln,quellessontlesbasessur lesquelleslegrand fondateur delarépublique américaineavaitposél'édifice socialetpolitique des États-Unis.Étudionssa Constitution.En Amérique,la
commune
existaitavantl'Etat,etlarépubliqueétantl'image dela famille,quin'estqu'unecommune
enpetit, devaitêtrefatalement la forme d'ungouvernementlibrementdiscuté etfacilementaccepté.La commune, auxEtats-Unis,estunindividudistinctdansl'Etat.Elle estcomplètement maî-tressede prendretouteslesmesures quiluiparaissentconvenables sansquele gouvernementcentralaitàintervenir.Ilestd'axiomepolitique que chaque individuest lemeilleur juge,en cequinetoucheque lui-même,decequiluiLINCOLN.
21 convient ou nelui convientpas.Aussilasouveraineté réside-t-elledans le peuple quinomme
ses select-mcn,magistratsauxquelsestconfiélesoindelacommune,
etqui ne représententquelepouvoirexécutifchargé d'appliquerles mesures votées partouslesélecteurs réunis.Lepeuple
nomme
égalementles officierspublicschargés de préleverlestaxes, ceux dontlesattributionssontdefaireexécuterlesrèglements depolice;ilnomme même
legreffieret lecaissierdelacommune. Uneindemnitéestallouée à chacun,etnulne peut, sous peine d'amende,refuser l'emploidontl'ahonoré laconfiancedeses concitoyens.L'Étata cependantunecertaine action,mais bienlimitée, sur lacommune.
Si la législaturevote destravauxet laperception d'unimpôt,la
commune
est forcée d'obéir.Maislamanièredontcetimpôtestperçu ne regarde pasl'État.On
luienvoiel'argentquelaloiadécrété,iln'apas à exiger davantage.Toutestcombiné
,dansl'organisationdela
commune
,pourlaisseràchacun son indépendanceaussicomplètequepossible.AussiauxEtats-Unisl'hommeest citoyen.«Cettepréoccupation de l'indépendance personnelle,ditM.Belloc, a faitquel'autoritédes magistrats aété restreinteautantquepossible.Pourcela onaemployé deux moyens:d'abordonn'aconcédélesfonctionsmunicipale1.', que pour un temps extrêmementlimité,une année,parexemple;ensuiteona disséminél'autoritédansungrandnombrede mains.Chacuns'accoutume à re-garderla prospéritédelacommune comme
son propre ouvrage;ily prend intérêt etl'aimeenraisonde l'importancequ'ily a acquiseetdelasomme
de bien-êtrequ'ilenretire. »Au-dessus dela
commune
estYÉtat. ChaqueÉtata uneexistencepropre.C'estunerépubliqueindépendante danslagrande république.L'Étataseslois, sesadministrateurs, qui ne relèvent d'aucuneautorité supérieure.Danschaque État,lepouvoirlégislatifestexercé pardeuxassembléesélues.L'uneestle Sénat,l'autre laChambredesreprésentants.Les représentants sont
nommés
pourunan,lessénateursrestentdeux outroisannéesenfonctions.La Chambre estrenouvelée intégralement,leSénat partiers,detellesortequecettedernière assemblée renferme toujours deshommes
habituésauxaffaires.Au
sommetdel'édificeconstitutionnel setrouve placéleCongrès,composé d'un Sénatetd'uneChambredesreprésentants.Toutlepouvoirlégislatifréside dansleurs votes.LepouvoirexécutifestconfiéauPrésidentdes Etats-Unisqui, demême
queleVice-Président,estnommé
pour quatreans.C'estàlaConstitutionfédéralerédigée parWashington que lesAméricains doiventle développementexceptionnelqui, ensoixante ans, afaitdeleur nationunenationde premierordre. Lalibertéest
comme
lesoleil,tousles peuples aujourd'hui veulentseréchaufferàses rayons.LaRévolutionfrançaise, enlafaisant luiresur l'Europe,aétépourlesÉtats-Unislepluspuissantagent decolonisation.En Amérique,lescolonstrouvent plus deliberté, plus d'avan-tagesmatériels, plusdeprivilèges sociauxetpolitiquesqueneleurenoffre22
LINCOLN.
laterre natale:ilsy émigrent en masse;laguerre
même
n'apasarrêtéce mouvement.Danscepays,oùl'individualitéestlaisséeàtoutesoninitiative,personne ne rougitdesa position,quelque infimequ'ellesoit.Telmarchandquis'envapar
lesrues, traînantson haquetetcriantdes
pommes
duCanada,seramillionnaire demain,pour redevenir pauvre quelques mois aprèsetrefairedéfinitivement fortunesi, aumilieu detoutes ses péripéties, l'intelligence etlaprobité n'ont jamaisétéentamées.Les Orientaux regardentleschoseslesplus étonnantes sans êtrejamaissurpris,maisce n'est làquedel'indifférenceapathique;c'est réelle-mentpour l'Américainquelepoète Horace aécritson proverbe:Nilmirari,ne s'étonnerderien.Le Yankee,quine doute derien,nesaurait, par simple logique,avoir lesdédainsniaisquelesraces aristocratiques professentpource qu'ellesappellentunhomme
de rien,elles qui nesont plus grand' chose. La réussite d'unhomme
de volontéet d'intelligence n'a rien qui étonne dansce pays deliberté.Les parvenus, danscettedémocratie, sontd'essence nationale.
Lesuccèsd'AbrahamLincoln
comme
avocatn'adoncriende surprenantaux Etats-Unis.Ilétaithonnête,conciliant,ferme dansle droitcomme
dansses devoirs, et aussi légistequ'aucun avocat deSpringfield.Ilavait alors trente ans.En
politiqueilétaitrangé danslafractiondeswhigsavancés.Pourleswhigs, l'unitédelarépubliquemarcheavanttout.Unpourtous,touspourun, voilà leur devise.NousverronscombienLincolnaété fidèleàceprincipe sauveur qui, gràcê à son énergietenace,aétémaintenuparun tempsde guerrecivileoùl'indivisibilitédesEtats-Unisaétésiterriblementmenacée.
.Les whigs,plus rationnellementappelésrépublicains,formentleparti op-posé àcelui des démocrates, annexionistes forcenés qui poussentle libéra-lisme jusqu'à vouloir démocratisertoutlecontinent américain.Paruneétrange inconséquence,ces torysoudémocrates,sifanatiquesdeliberté, sontles sou-tiensdesesclavagistes.
LINCOLN ESTENVOYÉ REPRÉSENTANTAL CONGRÈS DEWASHINGTON.
—
ILESTÉLUPRÉSIDENT DESÉTATS-UNIS.Lincoln,quiavait siégépendanttroisannées consécutives àla législaturede sonÉtat, futenvoyé auCongrès, en1847,parlepartirépublicaindel'illinois.
IlentrapourlapremièrefoisàlaChambredesreprésentants,àWashington,le premier lundi de décembre.Ilfutundeceuxqui,danscette enceinte, blâmè-rent laguerre quelesEtats-Unisvenaient d'entreprendre contreleMexique.
Illadésapprouvaénergiquement
comme
injuste et inconstitutionnelle.Ce res-pect dela Constitution,quiéclateicipubliquement, nousleverronsdominer savie politique.L'abolitiondel'esclavagetrouva enluiunrudechampionetilnelaissapas