• Aucun résultat trouvé

2.7 Quelques remarques

2.7.2 Limites du procédé

Nous concluons ce chapitre en évoquant quelques congurations présentant un intérêt majeur du point de vue applicatif et pour lesquelles l'emploi de la méthode de régularisation demande encore plusieurs développements théoriques importants. Nous indiquons à l'occasion quelques pistes susceptibles d'amener des réponses partielles aux questions ici soulevées.

Les principales dicultés rencontrées sont liées d'une part à la non-convexité du domaine (coins ou arêtes rentrants), d'autre part au souhait d'appliquer des conditions aux limites de pression imposée ou de paroi traitée. En l'absence d'écoulement cependant, l'analogie du problème avec ceux de l'électromagnétisme permettent de bénécier en grande partie des résultats des nombreuses études mathématiques et numériques menées dans ce domaine.

Coin rentrant sans écoulement. Dans des applications comme l'étude de la diraction en l'absence d'écoulement, nous sommes confrontés au problème de la propagation d'une onde acoustique dans un domaine polyédrique, à frontière lipschitzienne, présentant des singularités géométriques, telles des coins ou arêtes rentrants, dans le voisinage desquelles le champ de déplacement est singulier. Dans ce cas, la solution du problème appartient encore àH0(div,Ω)∩H(rot,Ω), mais cet espace ne s'identie plus à l'espaceH1(Ω)3∩ H0(div,Ω). Le problème régularisé reste bien posé, en vertu des résultats de [48], mais une méthode d'éléments nis nodaux converge alors vers une solution qui n'est pas à rotationnel nul (l'équivalence avec le problème fort n'étant dans ce cas plus valable) et qui ne représente donc pas la solution du problème de départ.

Ce fait est illustré sur la gure 2.14, sur laquelle est comparée la solution d'un problème régularisé, posé dans un domaine bidimensionnel présentant un coin rentrant, avec celle d'une méthode d'éléments nis conformes dans l'espaceH(div; Ω), qui est en mesure d'approcher de manière correcte la solution physique de ce problème. Précisons que la connaissance précise du champ singulier au voisinage du coin requiert un ranement très important du maillage. Nous constatons également sur la gure 2.14 que l'eet de la singularité n'est pas local, puisque les champs calculés dièrent aussi à distance du coin rentrant.

Cependant, il semble qu'il ne soit pas possible de construire une fonction à valeurs vectorielles, polyno-miale par morceaux qui soit contenue dans H(div; Ω)∩H(rot; Ω) et non dans H1(Ω)3. En eet, une telle fonction devrait alors avoir des composantes normale et tangentielle continues au travers des interfaces des éléments, ce qui implique son appartenance à H1(Ω)3. Les travaux de recherche réalisés en électromagné-tisme, brièvement évoqués dans la sous-section 2.2.1, indiquent néanmoins des recours possibles, au moins en dimension deux.

Tout d'abord, il est connu que l'espace H0(div; Ω)∩H(rot; Ω) =n

u∈L2(Ω)2 | divu∈L2(Ω) ; rotu∈L2(Ω) ; (u·n)|∂Ω = 0o

2.7. Quelques remarques 55

Figure 2.14 Isovaleurs de la norme du vecteur déplacement u, calculé dans une cavité polygonale pré-sentant un coin rentrant en l'absence d'écoulement. À gauche, un problème régularisé (s= 1) est résolu par une méthode d'éléments nis de Lagrange P1 (calcul réalisé avec le code mélina), tandis qu'à droite, on résout le problème par une méthode d'éléments nis mixtes de Raviart-Thomas RT0 (la représentation de la solution est constante dans chaque élément).

admet une décomposition directe de la forme :

H0(div; Ω)∩H(rot; Ω) =H0(grad; Ω)⊕rotS,

où H0(grad; Ω) = {u ∈ H1(Ω)2 | (u·n)|∂Ω = 0} et où S désigne l'espace des fonctions singulières de l'opérateur laplacien. Se basant sur ce dernier résultat et sachant que la partie régulière de la solution est susceptible d'être approchée par une méthode d'éléments nis de Lagrange, il sut de prendre en compte de manière explicite sa partie singulière par des fonctions de base conformes aux singularités présentes, l'espace des singularités étant de dimension nie et égale au nombre de coins rentrants du domaine pour tout ouvert de R2. Ce type d'approche fait partie des méthodes de fonctions singulières (ou de compléments singuliers) précédemment citées et utilisées en électromagnétisme [4,88].

Dans [29], Bo et al. étudient le problème régularisé dans des domaines non convexes au moyen d'élé-ments nis nodaux. La discrétisation est alors modiée par une procédure d'intégration réduite de manière à ce que l'espace discret obtenu soit bien un sous-espace deH0(div; Ω)∩H(rot; Ω). Plusieurs tests numériques de calcul de valeurs et fonctions propres sont présentés et conrment les résultats théoriques établis. Par ailleurs, une formulation variationnelle associée à l'opérateur(−graddiv +srotrot)n'utilisant pas l'espace H0(div; Ω)∩H(rot; Ω) ainsi qu'une manière de la discrétiser par éléments nis ont récemment été propo-sées [31]. Cette formulation fait intervenir des champs de vecteurs distincts, respectivement appliqués aux opérateurs divergence et rotationnel. Cette méthode n'a toutefois pas fait l'objet de tests numériques.

Citons enn la méthode de régularisation à poids, introduite par Costabel et Dauge [51], qui consiste à poser le problème régularisé dans un espace de Sobolev à poids, les poids en question s'annulant au voisinage des coins rentrants et faisant apparaître les exposants des singularités du domaine.

Dans le cas d'un ouvert deR3, la situation s'avère beaucoup plus dicile puisque l'espace des singularités est de dimension innie du fait de la présence d'arêtes rentrantes en plus de coins rentrants. La méthode de régularisation à poids, qui présente l'avantage sur les méthodes de compléments singuliers ne pas nécessiter de calcul explicite des fonctions singulières, semble alors prometteuse et indiquée.

Coin rentrant en écoulement uniforme : cas d'une plaque rigide en bord d'attaque. En dimen-sion deux, nous considérons une plaque rigide et semi-innie16 placée dans un conduit, cette conguration étant la seule autorisant un coin rentrant en présence d'un écoulement uniforme de nombre de MachM non nul. Dans ce cas, la position d'un problème régularisé semble mettre en évidence une ou plusieurs incohérences du modèle.

v0 =c0M

Figure 2.15 Plaque rigide en bord d'attaque.

Une modélisation classiquement admise de ce problème n'impose pas de condition de Kutta au bord d'attaque [93, 40]. Il n'y a donc pas d'introduction de sillage et la solution est considérée irrotationnelle au voisinage du bord de la plaque. Le problème régularisé reste bien posé et admet une solution unique dans l'espace V. Pourtant, cette dernière est a priori à rotationnel non nul car, comme dans le paragraphe précédent, la démonstration d'équivalence est alors mise en défaut. Nos deux suppositions initiales, à savoir un déplacement appartenant àH1(Ω)2et irrotationnel, paraissent par conséquent incompatibles. Si, en l'absence d'écoulement, il était possible d'aaiblir la première hypothèse en se plaçant dans H(div; Ω)∩H(rot; Ω) et donc en cherchant une solution singulière, il faut ici pouvoir donner un sens aux termes de l'équation provenant de l'opérateur de convection, le nombre de Mach étant non nul. L'espace H1(Ω)2 semble pour cette raison incontournable. Cependant, la remise en cause de l'hypothèse d'irrotationnalité implique une modication du modèle et reste donc une question ouverte.

Conditions aux limites naturelles. Nous considérons dans ce paragraphe le cas de conditions aux limites dites naturelles, qui, dans le cas de l'équation de Galbrun, reviennent à imposer la divergence du déplacement aux limites du domaine. Physiquement, ces conditions naturelles correspondent à des conditions de pression imposée et interviennent généralement dans des problèmes de couplage uide-structure ou pour des raisons de symétries apparentes du problème.

Les conditions aux limites naturelles sont, au même titre que les conditions de type Neumann pour les problèmes elliptiques, imposées dans la formulation variationnelle du problème et non dans l'espace d'approximation. Le cadre fonctionnel s'en trouve donc modié et, comme dans le cas d'une condition de paroi traitée (cf. paragraphe suivant), le résultat de Costabel [48] n'est pas vérié.

Conduit à parois traitées. Dans le domaine aéronautique, les parois des nacelles de turboréacteurs sont traitées à l'aide de matériaux absorbants qui visent à atténuer le bruit rayonné en sortie de conduit. Ces matériaux sont caractérisés par leur impédance spécique, qui est en général une fonction de la fréquence17. Pour un écoulement uniforme de vitessev0et en régime harmonique, la condition aux limites pour une paroi traitée, d'impédance réduite complexe notée Z(ω, v0), se traduit par la relation, reliant les perturbations de pression et de déplacement normal à la paroi, suivante :

p=ρ0c0Z(u·n),

où n désigne la normale unitaire dirigées vers l'extérieur du domaine contenant le uide [112, 153]. En utilisant la relation (1.68) dans un écoulement uniforme, nous obtenons une condition aux limites, dite condition d'impédance, portant uniquement sur le déplacement u:

divu=−Z c0

(u·n).

16. Dans ce cas, la frontière du domaine n'est plus lipschitzienne.

17. Ceci est évidemment un modèle idéalisé. Une condition aux limites plus réaliste ferait en eet intervenir un opérateur d'impédance traduisant la réaction non locale des matériaux absorbants dont sont tapissées les parois des conduits.

2.7. Quelques remarques 57

L'interprétation variationnelle du problème avec parois traitées fait ainsi intervenir un espace vectoriel dont les champs ont une trace normale appartenant à l'espaceL2sur les bords du domaine représentant les parois traitées. N'étant plus dans le sous-espace de H1(Ω)d (d = 2ou3) de conditions aux limites homogènes (u·n)|∂Ω = 0, nous ne disposons pas du résultat du théorème 4.1 de [48] pour montrer la coercivité de la forme sesquilinéaire b(·,·) du problème (2.26) sur l'espace d'approximation considéré. Néanmoins, si la vitesse de l'écoulement porteur est nulle, nous pouvons nous baser sur les notes [43] (dans le cas d'un domaine polyédrique) et [49] (pour un domaine lipschitzien quelconque), qui montrent que H1(Ω)d est dense dans

W =n

u∈H(div; Ω)∩H(rot; Ω)| (u·n)|∂Ω ∈L2(∂Ω)o ,

qui est l'espace fonctionnel auquel appartiennent les solutions recherchées. Par conséquent, il est possible de discrétiser le problème régularisé par une méthode d'éléments nis nodaux, même lorsque le domaine n'est pas convexe. L'équivalence entre le problème régularisé et le problème initial est par ailleurs immédiate.

Cette dernière approche n'est cependant plus valable en présence d'un écoulement, puisque l'espace dans lequel la solution est recherchée n'est plusW, mais bel et bienH1(Ω)d, avecd= 2ou3.

Chapitre 3

Régularisation en écoulement cisaillé

La méthode de régularisation, précédemment introduite pour la résolution de problèmes de propagation dans un guide en présence d'un écoulement porteur uniforme, va à présent être étendue aux cas d'écoulements porteurs cisaillés. Deux congurations distinctes sont considérées, leurs traitements mathématiques respectifs étant relativement diérents. Nous étudions tout d'abord un écoulement uniforme par morceaux, qui présente donc une (ou des) discontinuité(s) et constitue peut-être l'exemple le plus simple d'écoulement cisaillé. Nous traitons ensuite le cas d'un écoulement cisaillé de uide parfait compressible dont le prol de vitesse ne présente pas de discontinuité.