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Limites et perspectives d’ordre statistiques relatives à l’étude des anti-infectieux en

Partie 3 : Discussion générale

1.5 Limites et perspectives d’ordre statistiques relatives à l’étude des anti-infectieux en

La pharmacocinétique des anti-infectieux est décrite comme extrêmement variable en réanimation, que ce soit sur le plan inter-individuel et/ou intra-individuel. Pour un patient donné, le volume de distribution d’un individu, n’aura pas même valeur pour un autre patient et n’aura pas la même valeur dans le temps pour un même individu. Le but de la modélisation pharmacocinétique de population est donc de pouvoir de quantifier (à défaut de l’expliquer) la variabilité des ces paramètres. D’un point de vue statistique, cela se traduit par l’utilisation

courante de modèles non-linéaires à effet mixtes. Le terme « mixte » décompose un paramètre pharmacocinétique en deux termes : un effet constant/moyen (effet fixe) et un effet variable (effet aléatoire) de façon à être en mesure d’estimer cette variabilité inter-individuelle. Deux écoles existent en modélisation pharmacocinétique : la première assume l’hypothèse que les paramètres pharmacocinétiques se distribuent sous un mode paramétrique, suivant une loi normale ou log-normale, l’autre ne faisant pas cette approximation et décrivant la distribution des paramètres sous un mode non-paramétrique.

Ainsi, la distribution des paramètres d’un modèle non paramétrique ne suit pas une fonction de densité continue mais associe des valeurs finies à des fréquences d’occurrence appelées points de support. Cette approche nous semble intéressante dans les études où l’effectif est faible et la variabilité très importante comme en réanimation, car elle prend en compte plus facilement les valeurs extrêmes (outliers) des paramètres (218). Dans l’hypothèse réaliste d’une distribution bimodale d’un paramètre pharmacocinétique, un modèle paramétrique ne serait pas capable de distinguer ces deux sous populations alors que le modèle non paramétrique le pourrait (218).

Autre problématique, quand il s’agit d’intégrer une covariable (par exemple le poids corporel ou le débit de filtration glomérulaire) à un paramètre pharmacocinétique, une régression linéaire est généralement effectuée par la méthode des moindres-carrés (méthode paramétrique). Cette technique fait l’hypothèse que les variances sont équivalentes ce qui limite son utilisation dans la population réanimatoire et remet en cause l’utilisation de méthodes paramétriques dans ce contexte. Il serait envisageable que ces relations puissent varier pour différentes gammes de valeurs et que des relations localisées ou discontinues soient plus pertinentes. Deux approches statistiques pourraient prendre en compte ces différents degrés d’associations : la régression quantile a récemment pu être adaptée à la pharmacocinétique dans le cadre de patients sous épuration extra-rénale continue dans le cadre de l’étude SMARRT (289). Cette approche non paramétrique permettrait de créer un modèle statistique pour chaque quantile de distribution de concentration observée et ainsi de prendre en considération les associations locales entre covariables et paramètres. La méthode Z (Zebu), développée par nos confrères Lyonnais possède la même finalité (290). Au lieu d’utiliser des quantiles, elle permet d’effectuer des régressions sur différentes combinaisons gammes de covariables/paramètres pharmacocinétiques. Le comportement pharmacocinétique d’un anti-infectieux donné pourrait ainsi être prédit de façon plus précise.

Compte tenu de cette difficulté à expliquer la variabilité pharmacocinétique, il serait judicieux d’augmenter le nombre de covariables testées et de tester de nouvelles méthodes statistiques d’analyse des relations covariables/paramètres. Les covariables pourraient soit être issues de la pharmacologie des systèmes, de la génomique ou du monitoring clinique des patients (débit de dialyse, scores cliniques pronostiques) mais pourraient également être des transformations de ces valeurs (poids et taille pour calculer des métriques alternatives) comme ce qui a été fait pour identifier les patients à risque de sous dosage en amikacine dans notre étude. A l’image de la pharmacogénomique où un important nombre de covariables est testé, les techniques statistiques pour mener à bien ces études se devront d’être robuste de manière à limiter le risque de faux-positifs (291). De nombreux travaux ont investigué cette problématique avec l’utilisation de corrections à la valeur de p-value (correction de Bonferoni) ou de techniques de régressions pénalisées comme le Lasso ou Elastic net (292). Mais dans le cadre où peu d’hypothèses peuvent être faites sur les liaisons entre paramètres pharmacocinétique et covariables (approche naïve), les techniques de machine learning serait également une approche intéressante. Dans ce travail, en dehors de la modélisation pharmacocinétique, elles ont été appliquées par l’élaboration d’arbres de classification étudiant l’atteinte de la cible pour le premier pic d’amikacine et ont montré des résultats assez intéressants par rapport concernant la corpulence et la fonction rénale (293). Les techniques de machine-learning (ou de data-mining) nécessitent généralement de grandes quantités de données (grand nombre de sujets et de covariables) afin de répondre à une problématique donnée. Quoique donnant souvent des résultats prédictifs sur une variable catégorielle, certaines équipes ont été capable de construire des modèles pharmacocinétique en utilisant des réseaux de neurones artificiels ou des machines supports de vecteurs (Support machine vector : SVM) pour décrire la pharmacocinétique du remifentanyl chez 30 volontaires sains avec des capacités prédictives meilleurs qu’un modèle non linéaire à effet mixte classique (294). Les erreurs moyennes au carré et absolues étant respectivement 95.8 mg2/L2 et 5.4 mg/L avec l’approche usuelle contre 57.1 mg2/L2 et 4.1 mg/L avec le modèle de réseaux neuronal soulignant bien un intérêt de ces nouvelles approches. La construction d’un modèle relève souvent de l’expérience, certains le définissant comme art (295). Une autre approche de machine learning dans son aspect d’automatisation des procédés peut être envisagée, il s’agit de l’algorithme « génétique » capable de tester une bibliothèque de modèles

automatiquement. Cette méthode a été testée pour sept molécules en comparaison avec une approche dite « manuelle » (296). Globalement, cette approche a été capable d’obtenir des modèles avec une meilleure vraisemblance, une sélection de covariables plus performante et une meilleure habilité à décrire l’absorption par voie orale.