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II. LES DIFFÉRENTS MODÈLES THÉORIQUES POUR LE CALCUL DE LA CAPACITÉ DE

1. OUTILS ACTUELS DE LA GESTION INTÉGRÉE DE L’EAU PAR BASSIN VERSANT (GIEBV)

1.5 Limites des outils réglementaires et de planification actuels de la GIEBV

Suite à la présentation des outils réglementaires et de planification encadrant la prise de décision au niveau local en ce qui a trait à la protection des milieux aquatiques et de leurs bassins versants, il est maintenant possible de discuter des limites de ces derniers.

Tout d’abord, un des gros problèmes rencontrés avec l’utilisation des outils réglementaires et d’aménagement du territoire actuels est qu’ils ne sont pas intégrés les uns avec les autres. Étant donné que plusieurs activités différentes présentes sur le territoire d’un bassin versant d’un lac peuvent se répercuter sur ce dernier, en termes d’apports en phosphore, il semble essentiel de posséder un outil d’aide à la décision pour l’aménagement du territoire qui tient compte de leurs impacts cumulatifs.

« Malheureusement, il faut admettre que les outils législatifs actuellement en place pour protéger les lacs et cours d’eau ne sont pas adéquats, et ce, même lorsqu’appliqués. La preuve est que même avec un respect de la bande riveraine, des normes de lotissement minimal et du règlement sur le traitement des eaux usées, plusieurs lacs inquiètent les riverains, les environnementalistes et le monde municipal. Une des raisons à ceci est qu’aucun lac n’a la même sensibilité au développement. Chaque lac ou cours d’eau est unique. De plus, les normes actuelles ne tiennent pas compte des activités qui se déroulent dans le bassin versant, mais agissent seulement sur la première bande du lac ou cours d’eau. On n’a pas de vue d’ensemble ou d’élément intégrateur. (...) Il a été clairement démontré que l’approche actuelle de protection des lacs se limite à un lotissement minimum de 4000m2, à la protection de la bande riveraine et à l’application du

règlement sur le traitement des eaux usées est inadaptée. » (SIADL, 2007).

Par exemple, les responsables de l’aménagement du territoire au niveau municipal et régional ont de plus en plus de décisions à prendre quant aux projets de développement à autoriser en bordure des plans d’eau. Sans un outil qui leur permet de

tenir compte de l’impact total des projets déjà existants dans le bassin versant sur la santé de ce dernier, il est difficile de bien évaluer l’importance relative d’un nouveau projet ponctuel se rajoutant et de justifier certaines décisions d’aménagement.

« Un des problèmes auxquels les MRC et municipalités font face, c’est la justification des refus face au développement. En effet, comment refuser un projet de développement lorsque celui-ci respecte les normes de lotissement minimal, de la bande riveraine, du traitement des eaux usées, ect.? Comment interdire un Xième développement récréotouristique dans un même bassin versant

alors qu’il respecte toutes les lois et tous les règlements en vigueur? Pour ce faire, nous croyons, et c’est un constat du milieu scientifique, que nous devrons déterminer la capacité de support

d’un lac afin de permettre un meilleur encadrement du développement » (SIADL, 2007).

« (...) M. Assel, directeur adjoint de la direction régionale des Laurentides du MDDEP, nous mentionnait ne pouvoir refuser un certificat d’autorisation pour un golf respectant les normes de rejet en phosphore, et ce, même s’il s’agissait du septième golf à se jeter dans un même cours d’eau. C’est dans cette optique également que le MDDEP s’implique actuellement dans SIADL et que ces derniers désirent travailler de concert avec nous dans l’évaluation de la possibilité d’utiliser les modèles d’apport en phosphore aux lacs pour en évaluer la capacité de support. » (SIADL, 2007).

Ainsi, l’avantage majeur que permet l’utilisation d’un outil évaluant la capacité de support d’un plan d’eau aux apports en phosphore, est de pouvoir tenir compte des impacts cumulatifs et globaux des différentes sources problématiques pour la qualité de l’eau d’un lac, présentes dans son bassin versant. Ce concept cadre bien avec le principe d’une gestion intégrée de l’eau par bassin versant.

Figure 18 : Description de la gestion intégrée du territoire (Fredette, 2007)

« L’approche de gestion par bassin versant vise à tenir compte de tout ce qui se passe dans le bassin versant, tant en matière d’activités humaines que naturelles. Cette approche découle de la Politique nationale de l’eau, adoptée à l’automne 2002, et suppose une participation de tous les acteurs concernés par un même bassin : municipalités, entreprises agricoles, forestières, récréatives, etc. (...) L’approche de gestion par bassin versant est d’autant plus intéressante qu’il faut rappeler que la dégradation d’un lac ou d’un cours d’eau ne dépend pas uniquement de l’occupation résidentielle au bord de l’eau, mais également de toutes les activités pratiquées dans le bassin versant. » (MAMR, 2007c).

L’évaluation de la capacité de support d’un lac aux apports en P s’inscrit donc dans une vision intégrée de l’aménagement du territoire qui fait référence non seulement à une stratégie de gestion intégrée par bassin versant (PNE), mais aussi de développement durable (PDD), deux modes de gestion qui font maintenant partie de nos objectifs communs de société.

Figure 19 : Définition du concept de développement durable (Ville de Mont-Tremblant, 2008 tiré du MDDEP)

De plus, les modèles de capacité de support permettent d’évaluer la situation spécifique de chaque lac et de lui relier les interventions dans son bassin versant qui sont adaptées à sa propre situation.

« Un élément qui ressort des données que nous avons est que les lacs n’ont pas tous la même sensibilité ni la même vulnérabilité aux apports en phosphore. Un développement identique effectué dans deux bassins versants de lacs différents peut avoir des répercussions diamétralement opposées pour ces deux lacs. Alors, comment faire pour évaluer l’impact desdits développements sur notre environnement lacustre? » (SIADL, 2007).

En effet, chaque lac est différent, autant au niveau de son cycle hydrologique qu’au niveau de la diversité et du nombre d’activités présentes dans son bassin versant. Les critères actuels ne permettent pas ce genre de raffinement, établissant plutôt des normes à suivre pour l’ensemble du territoire québécois (voir figure 14). Voilà pourquoi

il est essentiel d’avoir un outil d’aide à la décision supplémentaire, comme le concept de capacité de support, qui permettra l’établissement d’objectifs pour la prévention de l’eutrophisation spécifiques pour chaque lac.

Par ailleurs, la modélisation a l’avantage de permettre l’évaluation des répercussions d’une action future sur la santé d’un plan d’eau. En effet, il est possible de faire varier les paramètres des modèles de capacité de support en fonction d’une utilisation du territoire projetée et ainsi de pouvoir en évaluer l’impact en termes d’apports en phosphore au plan d’eau. Il est ainsi possible, grâce aux modèles de capacité de support, de visualiser les impacts possibles des actions projetées, avant de les autoriser.

« Le principal avantage de ces modèles est de prévoir l’effet d’apports non réalisés sur la concentration de phosphore d’un lac et, ainsi, anticiper la situation future du lac. (...) C’est à ce niveau que les modèles de capacité de support entrent en jeu et offrent leurs plus grands avantages. » (Fredette, 2007)

Bref, le concept de capacité de support semble trouver son utilité et sa raison d’être parmi nos outils actuels de gestion de l’eau. Étant donné qu’il semble maintenant clair que ce sont les MRC et municipalités qui ont le pouvoir de gérer les décisions d’aménagement du territoire en fonction de la protection des plans d’eau, reste à voir si les outils d’aménagement du territoire et d’urbanisme dont elles disposent leur permettront de tenir compte des prescriptions découlant de la modélisation de la capacité de support d’un lac aux apports en phosphore.

2.

INTÉGRATION DU CONCEPT DE CAPACITÉ DE SUPPORT À