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Limites de la méthode des éléments finis

La méthode des éléments finis et la simulation numérique en général sont des outils extrêmement puissants. L'attrait de ces techniques vient notamment du fait qu'elles permettent de visualiser des résultats impossibles à appréhender autrement, comme les champs à l'intérieur d'une pièce par exemple. Nous faisons ici le point sur les contraintes inhérentes à ces méthodes et répondons à une question fondamentale dans le cadre de notre travail: pourquoi essayer de trouver des règles de conception au lieu de simuler chaque transformateur individuellement?

V.3.1 Inconvénients de la méthode des éléments finis

La méthode des éléments finis, à côté de ses possibilités si intéressantes, possède deux inconvénients majeurs:

- d'une part elle demande une certaine expertise pour exprimer un problème (savoir quoi simuler), évaluer si un maillage est correct, dépouiller un résultat de simulation et s'assurer qu'il a bien un sens, etc,

- d'autre part elle nécessite un délai non négligeable pour arriver à un résultat: d'abord à cause du temps de calcul, qui peut varier de quelques secondes à plusieurs dizaines d'heures suivant la complexité du modèle, et ensuite par le temps nécessaire à l'entrée et au dépouillement des données, qui pour des simulations simples (modèle 2D en régime sinusoïdal par exemple) devient le délai le plus important.

Ces deux inconvénients ont heureusement tendance à diminuer. Une première explication vient évidemment de l'évolution très rapide des puissances de calcul: la plupart des logiciels offrent maintenant des performances honorables sur de simples PC. Si on y ajoute que la recherche dans la formulation des problèmes eux-mêmes évolue également assez vite, on comprend qu'une échelle de cinq ans amène déjà des différences tout-à-fait significatives dans le type de problèmes qu'on peut espérer résoudre.

D'autre part, on observe une tendance à rendre les logiciels de simulation numérique de plus en plus faciles à utiliser. Une évolution extrême en ce sens est celle d'Ansoft ("PEMag") ou de Saber ("Saber MMP"), qui proposent des logiciels de modélisation de pièces magnétiques faisant appel à la simulation par éléments finis de manière tout-à-fait transparente pour l'utilisateur. Ce type de mise en œuvre peut évidemment se révéler très intéressant lors d'un processus de dimensionnement, mais il faut également attirer l'attention sur le risque d'erreur provenant d'un manque de contrôle du calcul par éléments finis.

V.3.2 Les mirages de la simulation numérique

Si la méthode des éléments finis devient un outil de plus en plus "maniable", nous voudrions cependant mettre en garde contre une certaine image de ce type de simulations.

Tout d'abord, la simulation par éléments finis n'est pas "magique". Elle peut en effet produire des graphes spectaculaires de modèles comptant éventuellement plusieurs centaines de milliers d'équations mais ceci n'assure ni la qualité de tels résultats ni qu'elle constitue en toutes circonstances un moyen de calcul sûr et efficace. A ce titre, "grand nombre d'équations" n'est pas forcément synonyme de "précision". En pratique, le résultat d'une simulation sera souvent moins spectaculaire, tenant en un seul chiffre (les pertes d'un enroulement par exemple).

Ensuite, ce n'est pas forcément en reproduisant dans les moindres détails la géométrie d'une pièce qu'on obtient les meilleurs résultats. Un utilisateur expérimenté préférera par exemple utiliser un premier modèle grossier puis un second modèle plus précis mais sur un domaine plus limité. Dans d'autres circonstances, on profitera d'approximations légitimes pour simplifier la géométrie de la pièce à modéliser. On ira même parfois jusqu'à simuler un modèle dont la géométrie et les propriétés physiques sont très éloignées de la pièce réelle mais qui fournit au moyen d'équivalences les résultats demandés (voir §VIII.1). En toutes circonstances, on préférera simplifier les modèles pour limiter autant que possible le nombre d'équations, à moins que le fait de recourir à un modèle plus volumineux permette justement de gagner du temps.

Enfin, on ne réalise jamais une simulation, mais cinq, dix ou davantage. Une simulation ne fournit en effet jamais qu'un résultat isolé, qui ne peut souvent même pas être comparé pleinement à la pièce réelle, dont le modèle ne constitue qu'une approximation. Or le concepteur ne recherche pas la valeur des pertes pour un modèle, mais plutôt le modèle qui génère le moins de pertes, ce qui demande évidemment tout un travail de comparaisons et d'optimisation, exactement comme pour des pièces réelles. Le temps de calcul et de mise en œuvre doit donc être multiplié par le nombre de simulations à effectuer pour arriver au modèle optimal.

S'il suffisait de réaliser une seule simulation de quelques minutes pour obtenir le dessin optimal d'un enroulement ou d'un noyau, la méthode des éléments finis serait l'outil idéal qui éclipserait tous les autres. La situation réelle est cependant différente: pour chaque dimensionnement, de nombreuses simulations sont nécessaires et celles-ci demandent temps et expertise. C'est ce qui explique pourquoi la méthode analytique 1D, malgré son manque de précision, reste l'outil le plus utilisé en milieu industriel. C'est ce qui explique aussi pourquoi les articles se limitent généralement à quelques simulations 2D relatives à des transformateurs précis et pourquoi les simulations 3D sont si rares.

Cet ensemble de remarques explique l'intérêt de notre travail. Le but que nous poursuivons ici n'est en effet pas de calculer les pertes dans un cas précis, mais plutôt de faire tout le travail de comparaison et de compréhension nécessaire pour fournir des règles de conception prenant en compte les aspects 2D et éventuellement 3D d'un dimensionnement. Les logiciels, aussi maniables

V.3 - Simulations numériques par éléments finis: Limites de la méthode des éléments finis II - 134 soient-ils, restent des outils de conception assistée et ne peuvent remplacer l'expert humain de ce point de vue. Les améliorations dont nous avons parlé ci-dessus au §V.3.1 restent donc souhaitables mais ne constituent pas une solution en ce qui concerne la compréhension des phénomènes.

V.4 Conclusion

Une des premières tâches de notre travail a été de choisir un logiciel de simulation électromagnétique comme principal outil d'investigation. Après une étude comparative des logiciels présents sur le marché (fin 1995/début 1996), un consensus s'est dégagé pour choisir le logiciel "Mega", développé par l'Université de Bath (UK), sur base du fait qu'il était le seul à permettre la connexion de conducteurs massifs (dans lesquels on recherche la densité de courant) à des sources et des charges en éléments localisés, en même temps que la faculté de réaliser des simulations très variées (2D/3D, linéaires/non linéaires, régime sinusoïdal/transitoire). Le choix de ce logiciel ne s'est pas démenti par la suite. L'absence d'un module de maillage automatique, qui devrait être disponible sous peu, s'est révélé par contre son inconvénient majeur.

Pour rappel, la simulation par éléments finis consiste dans sa forme variationnelle à discrétiser le problème à étudier et à rechercher un extrémum d'une fonction des inconnues qui en est la solution (ici l'énergie du système, fonction des potentiels en ses différents noeuds). Différentes formulations sont utilisées en fonction des résultats demandés. Aux fréquences quasi-statiques, on utilise notamment des simulations différentes suivant qu'on veut étudier la répartition de la densité de courant ou les effets capacitifs.

Cette méthode, si elle est très puissante et constitue souvent le seul outil d'analyse disponible, demande cependant du temps (pour le calcul mais aussi pour la génération du modèle et le dépouillement des résultats) et une certaine expertise. Elle ne fournit donc pas de solution immédiate et universelle. Il faut en particulier de nombreuses simulations avant d'arriver à déterminer les caractéristiques optimales d'une pièce. On réserve donc cette technique à l'étude des problèmes où un dimensionnement classique s'avère incertain. Il convient en toutes circonstances de limiter la taille des modèles utilisés.

Conformément à cette analyse, nous nous servirons des simulations par éléments finis pour étudier les pertes en deux et en trois dimensions dans les transformateurs de puissance, en nous efforçant de comprendre les phénomènes et de dégager des règles de conception plus précises. De ce point de vue, la simulation numérique, même dans ses versions les plus évoluées, est en effet encore loin de remplacer un expert humain.

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