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PARTIE II. ROLE DE LA CONSOMMATION D’AINS DANS LA SURVENUE DU CANCER DE LA

1. ALGORITHME D’IDENTIFICATION DES CAS INCIDENTS DE CANCER

2.2. Matériel et méthodes

2.4.3. Limites et forces de notre étude

Ces résultats, encore préliminaires, doivent être interprétés avec précaution. Les études

observationnelles, notamment de pharmaco-épidémiologie et celles basées sur les bases de

données médico-administratives, sont également soumises à un certain nombre de biais

potentiels.

Biais de causalité inversée

Un des principaux biais en pharmaco-épidémiologie concerne l’indication de prescription

d’un médicament qui peut parfois être liée avec l’évènement étudié. L’indication des AINS

n’est pas disponible dans les bases de données médico-administratives. Or une partie des

personnes est susceptible de prendre des AINS pour traiter des symptômes douloureux en

rapport avec leur cancer non diagnostiqué à ce moment, ceci est souvent le cas pour des

douleurs osseuses en rapport avec des lésions secondaires principalement du cancer de la

prostate et du sein, souvent ostéophiles. Cette hypothèse était suggérée dans une étude par le

fait que cette élévation du risque était maximale pour les cancers métastatiques [136]. Ce

biais, qui va dans le sens d’une surestimation du risque relatif entre la consommation du

médicament et la survenue du cancer est en partie contrôlé en faisant varier le temps de

latence à plusieurs années qui en effet retrouvait une diminution du risque relatif dans toutes

les localisations cancéreuses. Un biais de causalité inversée ne peut donc pas être totalement

exclu et pourrait expliquer les associations positives observées par les bases de données

médico-administratives.

Biais de détection

Les patients sous AINS remboursés et donc soumis à une prescription médicale (ce qui est le

cas dans les bases de données médico-administratives) sont sous surveillance médicale et sont

plus à même de bénéficier d’examens médicaux ou de dépistage. Ceci pourrait entraîner un

biais de détection et expliquer les associations positives observées, notamment dans le cadre

des cancers de la prostate, du sein et colorectaux qui sont accessibles à un dépistage

individuel simple. Les médicaments pris en automédication ne sont pas comptabilisés dans la

plupart des bases de données médico-administratives. Or il a été montré dans un complément

de l’étude finlandaise en tenant également compte de données d’expositions issue d’un

questionnaire [136] que l’association positive observée entre le cancer de la prostate et la

consommation d’AINS disparaissait lorsqu’il était également pris en compte dans l’analyse

des médicaments consommés sans prescription médicale. Un des moyens de contrôler ce biais

serait de prendre en compte les données de mammographie, coloscopie ou biopsie prostatique

dans les années précédentes pour voir si les consommateurs d’AINS avaient plus recours à ces

moyens de dépistage / diagnostics.

Biais de classification

Nous avons développé dans le chapitre II.1.4.2 les biais de classification potentiels en lien

avec les algorithmes utilisés pour l’identification des cas incidents. En effet, nous avons

observé que dans les tranches d’âge les plus âgées nous sous-estimions la détection des cas

incidents qui comportent la présence d’un acte nécessaire au diagnostic. Or nous savons que

ces actes sont souvent moins réalisés chez les sujets les plus âgés. Nous avons tenté de

contrôler ce biais de classification en restreignant notre population d’étude aux moins de 75

ans dans les trois localisations. Néanmoins, les résultats restaient inchangés dans les trois

localisations (Annexe H, I, J).

Concernant l’exposition, les bases de données médico-administratives enregistrent de manière

détaillée, nationale et automatique l’exposition médicamenteuse telle que délivrée sur

prescription médicale dans les pharmacies. Contrairement aux données basées sur les

questionnaires, il n’y a pas de biais de mémorisation. Néanmoins, des biais de classification

de l’exposition propres aux BDMA concernent l’absence de données sur les AINS achetés en

vente libre, souvent consommés de manière occasionnelle pour des douleurs. Cependant, cette

consommation ne représente pas forcément un usage chronique. Ceci pourrait être à l’origine

d’un biais de classification vers le nul, spécifiquement chez les consommateurs occasionnels.

Ceci est particulièrement vrai pour les AINS usuels qui sont souvent prescrits pour être pris en

cas de besoin. L’aspirine, dont l’indication est plutôt liée à des pathologies chroniques est

moins exposée à ce biais. De plus, l’analyse de l’exposition repose sur le postulat que la

dispensation rapportée dans les BDMA est une bonne approximation de la consommation

effective et donc de l’exposition. D’autre part, le recul d’exposition est souvent plus faible

pour les BDMA que pour les études sur questionnaires qui le plus souvent tentent de recueillir

des consommations « vie entière », ce qui n’est pas possible avec les données françaises de

l’Assurance Maladie.

Biais de confusion

Les données sur les facteurs de risque établis des cancers d’intérêt et des facteurs de confusion

potentiels ne sont pas disponibles dans les données de l’Assurance Maladie, nous n’avons

donc pas pu ajuster sur ces facteurs, souvent le cas dans les études sur les bases de données

médico-administratives. Une manière de minimiser ce biais serait d’utiliser ou de développer

des indicateurs ou des algorithmes basés sur l’ensemble des données du SNIIR-AM pour

identifier certains de ces facteurs, comme le niveau socio-économique, et dans une moindre

mesure le tabac, l’obésité, le diabète ou d’autres.

2.4.4. Conclusion / perspectives

Dans cette étude, menée à partir des données médico-administratives de l’EGB, nous avons

pu de manière précise décrire l’exposition aux AINS dans un échantillon national,

représentatif de la population française. Il apparaît que ces médicaments sont prescrits de

manière très fréquente et constante dans le temps. Cependant cette dispensation de

médicament ne reflète pas toujours une consommation effective et chronique. Concernant

l’étude d’association entre exposition et survenue de cancer de la prostate, du sein et

colorectal, nous mettons en évidence une augmentation de risque des deux premiers cancers

quelle que soit la molécule et une absence d’association pour le cancer colorectal. Néanmoins,

ces associations disparaissent lorsque nous augmentions le temps de latence entre la

consommation de l’exposition et la date de fin d’observation.

La poursuite de ce travail consiste en l’étude de l’effet de la consommation d’AINS en

fonction de la dose et la durée cumulée d’exposition dans un modèle de cox avec variables

dépendant du temps à changements multiples sur la survenue des 3 cancers d’intérêt.

Egalement, la prise en compte des comorbidités renseignées dans le PMSI pour déterminer

des facteurs de confusion sur lesquels nous pourrions ajuster ou même la création d’un score

de propension à la prescription des AINS pourrait être utile dans le modèle de cox pour

limiter les biais d’indication.

Enfin, la prise en compte des évènements médicaux préalables comme une coloscopie ou une

mammographie pourrait nous permettre de mieux contrôler le biais de détection.

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