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CHAPITRE 2 : quel(s) accompagnement(s) pour les NEETs ?

2. Parcours institutionnel

2.2. Limites et perspectives

Dans cette partie nous allons examiner les limites de ces dispositifs. Nous verrons qu’ils sont

principalement axés sur le développement des compétences techniques pour chercher du travail et peu sur les soft-skills. Au-delà des objectifs et des contenus de ces formations, nous verrons dans un second temps comment une logique administrative basée sur le chiffre peut aussi avoir des conséquences néfastes sur la prise en charge des NEETs. Au regard de ces limites, nous proposerons ensuite des pistes de réflexions et des propositions pour remédier à ces manquements.

2.2.1. Des accompagnements aux ‘job searching

skills’

De nombreuses études ont mis en évidence que les compétences qui sont prioritairement et majoritairement travaillées dans ce type d’accompagnement sont les ‘job searching skills’, soient les compétences pour trouver un travail (Graversen, Ours, & C, 2008; Koen, Klehe, & Van Vianen, 2013; Van Ryn & Vinokur, 1992). Ces compétences, d’ordre essentiellement techniques, font références aux interventions qui enseignent les techniques de recherche d'emploi (rédaction de CV, de lettre de motivation, entrainement à l’entretien d’embauche, remise à niveau en informatique, en anglais, etc.). Dans le domaine de la recherche, certaines études se sont focalisées sur la transmission d’un contenu permettant de donner des moyens efficaces pour lutter contre les effets néfastes de l’inactivité professionnelle (cf chapitre 1) sur

52 la santé mentale (Creed, Machin, & Hicks, 1999; Machin & Creed, 2003; Seddon, Hazenberg, & Denny, 2013; Vuori & Vinokur, 2005). Plus rares cependant, d’autres interventions associent ces deux objectifs (Vinokur, Schul, Vuori, & Price, 2000; Vuori, Price, Mutanen, & Malmberg- Heimonen, 2005). Goldman-Mellor et al., (2016) dans leur travail empirique portant sur l’impact de l’inactivité professionnelle chez les NEETs, indiquent que la priorité pour les interventions futures est de renforcer les “soft-skills” des NEETs. C’est une orientation de recherche qui est d’ailleurs encouragée par d’autres auteurs qui soutiennent que l’amélioration des niveaux en soft-skills augmente grandement la perception de l’employabilité des NEETs (Gary Stanley Becker, 1983; Berntson et al., 2008; Berntson, Sverke, & Marklund, 2006; Flynn et al., 2013; Fugate et al., 2004). A ce jour, il existe encore trop peu d’études sur ce sujet. Nous pouvons citer l’étude de Hodzic, Ripoll, Bernal, et Zenasni (2015) qui ont testé un programme d’intervention permettant d’améliorer l’employabilité autour de la stimulation des compétences émotionnelles pour une population de femmes Espagnoles au chômage. Ils ont d’ailleurs mis en évidence une augmentation du bien-être de l’employabilité chez leur participant. Nous pouvons aussi citer la recherche de Sahni (2011) qui a proposé un programme complet de stimulation des soft-skills à des étudiants en management pour les préparer au mieux à la transition vers le monde du travail. Ce programme était axé autour du développement des soft-

skills suivantes : communicationnelles, interpersonnelles, émotionnelles, collectives,

organisationnelles, de leadership, de présentation, de gestion du temps, de prise de décision, et de gestion du stress. Les résultats de cette étude montrent que la quasi-totalité des soft-skills entrainés ont progressé. Cependant, bien que ce soit un élément parfois difficile à opérationnaliser, l’absence de groupe contrôle ainsi que l’utilisation de questionnaires non- standardisés, nous amène à relativiser les résultats positifs de cette étude sur l’amélioration des

soft-skills. De plus, il est important ici de nuancer l’apport des formations en soft-skills. En

53 & Powell (2011) ont souligné le potentiel manque de transférabilité des soft-skills en situation réelle par rapport aux hard-skills. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre suivant.

Les limites de la prise en charge des NEETs ne se cantonnent pas uniquement aux contenus et objectifs pédagogiques de formations mais aussi sur une politique administrative contraignante qui peut avoir un effet néfaste sur cette prise en charge.

2.2.2. Une logique de chiffre dommageable

Certains auteurs dénoncent aujourd’hui une logique administrative qui gère les structures de gestion du chômage (Bourguignon & Herman, 2013; Roques, 2008; Zunigo, 2013). Cette logique est d’ailleurs dénoncée par les acteurs de l’insertion eux-mêmes (Zunigo, 2013). Le manque de financement dans le domaine de l’insertion amène les structures à être en concurrence (Zunigo, 2013). D’une part pour obtenir les financements et d’autre part pour avoir un maximum de jeunes afin de justifier leur financement (Zunigo, 2013). L’évaluation de l’efficacité d’un dispositif catalysant les financements futurs, se réalise sur la base de la performance du taux de placement du dispositif. Par exemple, pour le modèle de financement FSE dans lequel s’inscrivent ces recherches, un placement est considéré comme positif si le participant à la sortie de l’action est soit en emploi, en formation, ou a repris les études. Comme l’ont fait remarqué Bourguignon & al (2018), ce système peut conduire à des dérives de placement inadéquats en vue d’améliorer le ‘bilan placement’. Ce qui est d’autant plus dommageable car selon Eurofound (2012), les NEETs auraient une méfiance plus importante envers les instituions que les NON-NEETs.

Comme nous avons vu en début de chapitre, l’employabilité est un concept complexe qui ne peut pas être considéré uniquement sur la base d’un ‘placement positif’. Cette logique comptable occulte l’essence même du travail de ces structures qui devrait être l’amélioration

54 de l’employabilité des jeunes dans son entièreté. De plus, il est à noter qu’à cette logique de

performance s’ajoute les travaux de Roques (2008), qui ont mis en évidence une non- considération des paramètres psychologiques pour la quasi-totalité des dispositifs d’accompagnement. Ce constat est fortement dommageable au regard de l’impact de l’inactivité professionnelle sur la santé psychologique chez les NEETs.

Nous avons vu dans cette partie que les structures de gestion du chômage chez les NEETs étaient principalement focalisées sur les hard-skills. La considération des soft-skills et de la mesure du bien-être sont des paramètres qui restent à creuser dans le domaine de l’insertion professionnelle des chômeurs et plus spécifiquement pour l’accompagnement des NEETs. Un autre élément qui n’apparait nulle part, est la gestion de l’imprévu. En effet, nous allons voir dans la partie suivante le rôle primordial que joue l’inattendu dans les carrières professionnelles. Nous verrons aussi qu’il est possible d’accompagner les NEETs dans la gestion de cette incertitude.