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Relations entre inactivité professionnelle et santé

CHAPITRE 1 : NEETs, enjeux d’une nouvelle catégorisation pour les jeunes en inactivité

2. Relations entre inactivité professionnelle et santé

Cette partie se divise en deux moments, où nous aborderons dans un premier temps les impacts de l’inactivité professionnelle sur la santé avant de nuancer ces impacts en fonction des contextes et personnes. Les études portant sur les relations entre inactivité professionnelle et santé concernent principalement les chômeurs et non les NEETs. Nous nous sommes donc attardés sur les études portant sur les NEETs dans un premier temps avant de restreindre l’analyse aux chômeurs chez qui la littérature est plus fournie. C’est pour cette raison que nous parlons ici de personnes inactives professionnellement puisque cela nous permet de considérer aussi bien les NEETs que les chômeurs. Dans le cadre de nos recherches, l’enjeu pour nous va être de comprendre les liens opérant dans ces relations afin de voir dans quelle mesure l’effet d’une formation peut avoir un impact sur le bien-être des NEETs.

De très nombreuses études se sont intéressées aux liens existant entre la situation d’inactivité professionnelle et la santé (Baggio et al., 2015; Eriksson, Agerbo, Mortensen, & Westergaard- Nielsen, 2010; Goldman-Mellor et al., 2016; Labbe, Moulin, Sass, Chatain, & Gerbaud, 2007; Labbe et al., 2007; Lundin, Falkstedt, Lundberg, & Hemmingsson, 2014; F. McKee-Ryan et

25 al., 2005; Nordenmark, Gådin, Selander, Sjödin, & Sellström, 2015; Paul & Moser, 2009). La santé se définit comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (OMS, 1946). Ces études se sont donc penchées sur les relations entre l’inactivité professionnelle et le bien-être psychique, physique et social des personnes. Au fur et à mesure des réflexions sur le sujet, le lien de causalité interrogea. Est-ce une mauvaise santé qui cause le chômage ? Ou est-ce le chômage qui altère la santé ? Cette question a donné lieu à deux hypothèses (Bourguignon & al, 2018). Premièrement, l’hypothèse d’exposition, où l’accent est mis sur l’impact du chômage sur la santé. Puis deuxièmement, l’hypothèse de sélection où l’accent est mis sur le rôle de la santé sur le fait d’être au chômage. Goldman-Mellor et al., (2016) ont montré que la relation entre la situation de NEET et la santé mentale était bidirectionnelle. La situation de NEET peut augmenter les chances de développer un problème de santé mentale, mais dans le même temps, avoir un problème de santé mentale peut avoir un impact sur le fait de devenir NEET (Goldman- Mellor et al., 2016 ; Henderson et al., 2017). Deux importantes méta-analyses se sont penchées sur ces questionnements (McKee-Ryan et al., 2005; Paul & Moser, 2009). Sans hasard véritable, leurs résultats soutiennent et confirment les deux hypothèses. Cependant, l’une comme l’autre récoltent des résultats plus significativement forts concernant l’hypothèse d’exposition. En d’autres termes, cela revient à dire qu’effectivement il est plus dur de trouver du travail lorsque la santé mentale et physique de la personne est mauvaise, mais que c’est principalement le chômage qui va altérer le plus la santé des chômeurs.

2.1.

L’hypothèse d’exposition

Nous allons ici désormais citer les études principales qui concernent l’hypothèse d’exposition. De manière générale, les données recueillies sur les NEETs, en comparaison avec les NON-

26 NEETs montrent que l'état de santé général perçu est moins bon chez les NEETs (Nordenmark et al., 2015).

Parmi les troubles physiques associés à une inactivité professionnelle (McKee-Ryan et al., 2005), nous pouvons citer par exemple une augmentation du risque de pathologies cardiovasculaires (Lundin et al., 2014). Les auteurs postulent que ce serait potentiellement dû à une réaction somatique liée au stress.

Synthétiquement les troubles de l’humeur liés à l’inactivité professionnelle vont être les suivants : (1) favorise les troubles anxieux, dépressifs, psychotiques et de gestion des émotions (Baggio et al., 2015; Goldman-Mellor et al., 2016; McKee-Ryan et al., 2005; Paul & Moser, 2009) ; (2) amenuise le bien-être subjectif et l’estime de soi (Clark, Georgellis, & Sanfey, 2001; Eichhorn, 2014; Paul & Moser, 2009) ; (3) le chômage à moyen ou long terme va augmenter les probabilités que la personne soit admise pour la première fois en hôpital psychiatrique (Eriksson et al., 2010).

L’inactivité professionnelle peut aussi causer des troubles du comportement : (1) une augmentation de la consommation de drogues, d’alcool ainsi que des comportements agressifs (Baggio et al., 2015; Goldman-Mellor et al., 2016; Popovici & French, 2013) ; (2) l'isolement et le désengagement social (Baggio et al., 2015) ; (3) une augmentation du taux de suicide (Chen, Chou, Lai, & Lee, 2010). Nous avons placé à la suite de cette partie, un récapitulatif des effets néfastes de l’inactivité professionnelle sur la santé (cf tableau 2).

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Troubles Références

Physique Favorise les pathologies cardiovasculaires Lundin et al., (2014)

Humeur

Favorise les troubles anxieux, dépressifs, psychotiques et de gestion des émotions

Baggio et al., (2015) ; Goldman-Mellor et al., (2016) ; McKee-Ryan et al., (2005) ; Paul & Moser (2009)

Amenuise le bien-être subjectif et l’estime de soi Clark, Georgellis, & Sanfey (2001) ; Eichhorn (2014) ; Paul & Moser (2009) Favorise les probabilités d’admission pour la

première fois en hôpital psychiatrique Eriksson et al., (2010)

Comportement

Favorise la consommation de drogues, d’alcool et comportements agressifs

Baggio et al., (2015) ; Goldman-Mellor et al., (2016) ; Popovici & French (2013)

Favorise l'isolement et le désengagement social Baggio et al., (2015)

Favorise le suicide Chen, Chou, Lai, & Lee (2010)

Tableau 2 : Récapitulatif des effets néfastes de l’inactivité professionnelle sur la santé

Nous avons vu que la situation de NEET pouvait avoir des conséquences extrêmement délétères pour la santé. Ce questionnement a suscité l’émergence de différentes théories chez les chercheurs. Nous pouvons par exemple citer la théorie de la privation latente de Jahoda (Jahoda, 1981). Cette théorie pose l’hypothèse selon laquelle la situation de chômage prive les personnes de satisfaire leurs besoins fondamentaux et que cette privation serait la cause des effets néfastes de l’inactivité professionnelle. Jahoda postule qu’uniquement l’emploi permettrait de répondre à ces besoins fondamentaux. Par exemple, il va répondre à la fonction manifeste de nécéssité d’argent. Ensuite le travail va aussi répondre aux besoins latents d’avoir un statut social et une identité, mais aussi de structurer le temps, d’avoir un réseau social, de mettre en place et de monter en compétences (Bourguignon & al, 2018). Étant donné l’absence d’accomplissement sur ces différentes fonctions fondamentales, dues à l’inactivité professionnelle, le chômage aurait un effet néfaste sur la santé. Comme nous avons vu dans la partie précédente, cette théorie a depuis été testée et confirmée. Pour aller un peu plus loin sur cet aspect, Bernaud (2018) dans un ouvrage portant sur la psychologie existentielle, précise qu’une personne ayant une activité

28 dans laquelle elle s‘investit car elle a un sens profond pour elle, permettrait de favoriser plus fortement la réalisation de ces besoins fondamentaux et son bien-être.

Bien que ces constats soient connus depuis plus de 30 ans, les services publiques n’arrivent toujours pas à s’habituer à ce haut pourcentage de chômage et à sa prise charge adaptée (Paul & Moser, 2009). Ce qui est particulièrement alarmant compte tenu du fait que cela favorise la mortalité (Qing, 2015). Cependant, ces éléments sont à nuancer et mettre en perspective par rapport aux différences interindividuelles et contextuelles. Par exemple, Houssemand & Meyers (2011), ont mis en évidence que la santé mentale des chômeurs ne diminue pas nécessairement si le contexte social et économique est favorable et associé à un niveau élevé de protection sociale. De même, les ouvriers masculins seraient plus vulnérables aux effets négatifs du chômage sur la santé mentale que les autres groupes sociaux (Paul & Moser, 2009).

2.2.

Impacts différents selon les catégories de populations

et contexte

La prise en considération des différences interindividuelles et contextuelles dans nos futures analyses va être un paramètre à contrôler avec attention. Comme nous l’avons vu, il existe une forte hétérogénéité chez les NEETs. Cette hétérogénéité va pouvoir influencer les résultats d’actions d’accompagnement ou d’évènements spécifiques selon les personnes. Dans cette partie, nous focaliserons notre attention sur les différences d’impacts de l’inactivité professionnelle en fonction des différences interindividuelles et contextuelles. Les méta- analyses soulignent que l’inactivité professionnelle va avoir des effets différents selon certains facteurs (McKee-Ryan et al., 2005; Paul & Moser, 2009). McKee-Ryan & Kinicki (2002) ont d’ailleurs proposé une taxonomie complète des différents facteurs pouvant intervenir dans cette relation inactivité professionnelle et santé dans une perspective d’hypothèse d’exposition. Ils

29 ont depuis mis à jour ce modèle pour leur méta-analyse (McKee-Ryan et al., 2005). Ce nouveau modèle se propose d’examiner la variabilité des différences de réactions face au chômage. Les modérateurs prédictifs principaux identifiés sont les suivants : l’importance accordée au travail, les ressources et stratégies pour faire face au stress, l’évaluation cognitive de la situation, le capital humain et certaines caractéristiques démographiques (McKee-Ryan et al., 2005). Nous avons placé en annexe 1 l’ensemble du modèle. Brunot & Juhel (2012) précisent que ce serait la perception et l’interprétation de la situation de chômage qui serait en jeu dans ces différences d’impact. Ces différences interindividuelles et contextuelles vont donc jouer un rôle important sur la santé des NEETs. Par ailleurs, ce qui nous questionne désormais, va être le rôle de ces différences interindividuelles et contextuelles sur les probabilités de devenir NEETs. Quels sont les facteurs de risques identifiés favorisant ce statut ?