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CHAPITRE 1 : NEETs, enjeux d’une nouvelle catégorisation pour les jeunes en inactivité

1. NEET, une définition et une nomenclature à l’échelle Européenne

1.3. Représentations sociales et NEETs

Au-delà de ces descriptions techniques et administratives des NEETs, il existe des représentations sociales (RS) associées qui permettent d’expliquer comment ils sont perçus, décrits et définis. Il nous semble important de poser la question de ces RS afin d’une part, de mieux cerner si la complexité et la variabilité de cette population est perçue et intégrée par la société et par les NEETs eux-mêmes ; et d’autre part, de mieux comprendre les modalités de communication avec les NEETs, car les RS permettront d’améliorer la communication autour de cet objet (Moliner, Rateau, & Cohen-Scali, 2002).

1.3.1.

Les représentations sociales

Les RS sont des formes de connaissance, de croyances, socialement élaborées et socialement partagées, se rapportant à un ou plusieurs objets de la réalité sociale des individus et des groupes (Moscovici, 1961). La théorie des RS correspond à une théorie de la connexion sociale (Flament & Rouquette, 2003). Elle fait apparaître ce qui nous relie au monde et aux autres (Flament & Rouquette, 2003). De cette manière, les RS servent de grille pour lire la réalité en lui donnant un sens (Moliner, 1992). Différents groupes peuvent donc avoir différentes représentations d'un même objet. Dans ce sens, les RS vont définir les actions pouvant être prescrites ou interdites au sein de ce groupe (Robieux, Zenasni, Flahault, & Tavani, 2017). Selon Moliner, Rateau, & Cohen-Scali (2002), les RS ont quatre caractéristiques : (1) l'ensemble des RS est organisé, en structure où les éléments entretiennent des relations les uns avec les autres ; (2) les RS sont

20 partagés par les individus du même groupe social, le consensus global dépendra de l'homogénéité du groupe ; (3) les RS sont produites collectivement au cours d'un processus global de communication ; (4) les RS sont socialement utiles, elles permettent d’appréhender l'objet auquel se rapporte les RS. Elles facilitent aussi dans les interactions avec le groupe, en particulier, lorsque ces interactions sont des objets sociaux.

Au-delà de ces caractéristiques, selon Abric (1976), les RS ont également quatre fonctions: (1) une fonction de connaissance qui aide à comprendre et expliquer la réalité, à promouvoir la communication et les échanges sociaux ; (2) une fonction identitaire qui définira l'identité sociale de chaque individu et la spécificité des groupes sociaux - cette fonction aura un rôle important dans les processus de socialisation ou de comparaison sociale ; (3) une fonction d'orientation qui permet à la personne d'anticiper, de produire des attentes mais aussi de fixer ce qu'elle est, et (4) une fonction de justification qui a un rôle a posteriori, pour justifier les choix et les attitudes. De cette manière, les RS jouent un rôle essentiel dans la définition des positions sociales. De plus, selon Flament & Rouquette (2003), les RS sont une manifestation de la pensée sociale, elles garantissent l'identité et la pérennité du groupe social, elles ne peuvent être remises en cause car elles sont un ensemble de croyances générées collectivement et historiquement déterminées.

Selon la théorie du noyau central (Abric, 1987, 1994), tous les éléments d’une RS ne vont pas avoir la même importance. Le noyau central donne le sens à la RS, il est constitué d'un nombre très limité d'éléments et va déterminer les relations avec d'autres éléments moins importants (Abric, 2010). L'étude des RS s’intéresse d'abord aux constituants du noyau central (Abric, 2010). Monaco, Lheureux, & Halimi-Falkowicz, (2008), décrivent les éléments centraux comme « des croyances consensuelles existant au sein de représentations qui sont partagées par des individus appartenant au même groupe social, leur fournissant ainsi une vue commune d'un

21 objet donné » (p36. Monaco et al., 2008). Les auteurs précisent que ces croyances communes constituent le noyau central de la RS, leur donnant ainsi un sens et une cohérence permettant aussi de caractériser des liens avec les autres croyances. Les éléments du noyau central caractérisent l'objet indépendamment des variations contextuelles et résistent aux changements. Ils sont stables et s'associent fortement aux autres éléments. Ils sont indissociablement liés à l'objet et indispensables pour le définir. Autour du noyau central, ce sont d'autres croyances qui constituent la périphérie de la représentation. Ils caractérisent l'objet plus ou moins selon la situation, ils sont plus négociables. Ils ont également une faible connectivité. Leur fonction est de protéger et de concrétiser le noyau central contre les changements environnementaux (Monaco et al., 2008). Il est important de ne pas confondre la zone centrale et le noyau central d'une RS. La zone centrale est l'étape avant le noyau central. La zone centrale détermine le candidat à la centralité. La plupart du temps, le noyau central est constitué d'un élément appartenant à la zone centrale, mais il faut tester s'ils en font partie ou non (Danermark, Englund, Germundsson, & Ratinaud, 2014). Connaître les RS d'un objet donné pour un groupe spécifique améliore la communication à propos de cet objet. Cependant, nous devons garder à l'esprit que les RS ne sont pas des structures immobiles et peuvent changer au cours du temps (Moliner et al., 2002). Deux groupes ont des RS différentes du même objet si et seulement si leur noyau central est différent.

1.3.2.

Représentations sociales des NEETs

D'après nos connaissances, il n'existe pas d'études sur les RS des NEETs. Nous présentons dans cette partie des études de RS sur le chômage, la formation et l'éducation. Le domaine des études sur la RS et le chômage a commencé dans les années 90 et continue d'être étudié aujourd'hui.

Milland & Flament (2010) ont étudié les RS des « chômeurs » auprès de 83 étudiants. Cette étude a mis en évidence une RS à deux facettes. La première facette, qui est la facette prioritaire

22 correspond à une représentation du chômeur comme ‘victime’. Cette facette est composée d'éléments qui décrivent des difficultés sans faire de jugements spécifiques. Avec des évocations comme « isolé », « dépressif », « exclu de la société », « problèmes financiers » et « difficultés sociales ». La deuxième facette qui ressort est celle du ‘chômeur-profiteur’ qui est généralement plus masquée. Les composantes de cette deuxième facette contribuent à une forme de jugement avec des associations telles que « paresseux », « profiteur », « inactif », « ne veut pas travailler », « assisté ». La valence associée à cette seconde facette est négative cette fois. Il est souligné que ces deux facettes ne sont pas nécessairement en conflit, un chômeur peut, par exemple, être perçu en premier lieu comme une ‘victime’ et devenir progressivement ‘profiteur’. Márquez & Friemel (2005) classent les RS du « chômage », toujours auprès d’étudiants, autour de trois dimensions organisationnelles : économique (e.g. problèmes financiers), sociale (e.g. exclusion) et individuelle (e.g. perte de confiance en soi).

Camus & Berjot (2015), ont étudié les différences de RS entre les notions de « demandeur d'emploi » et de « chômeur ». Comme l'étude de Milland & Flament (2010), les résultats montrent que la RS concernant les chômeurs est globalement négative et que sa composition se réfère à deux aspects différents: la facette ‘responsable’ et la facette ‘victime’ (Milland, 2002). Cette étude montre également que le stéréotype associé au terme « chômeur » est significativement plus négatif que celui associé au terme « demandeur d'emploi ». Les « chômeurs » sont perçus comme étant plus déprimés, plus malchanceux et plus dépendants de la société que les demandeurs d'emploi, ceux-ci étant considérés comme des victimes de notre société. Methivier (2012) a montré que l'émotion de peur des demandeurs d'emploi avait une influence sur la RS « au chômage ». Les demandeurs d'emploi qui ont le plus peur ont tendance à augmenter l'importance des items liés aux conséquences psychologiques du chômage au détriment de l'importance des items liés aux aspects socio-relationnels liés à cet objet.

23 Milland (2002), a comparé la RS entre les objets « chômage » et « travail » auprès d’une population de jeunes chômeurs non scolarisés. Ils ont montré un lien entre ces deux RS. Le « chômage » est considéré comme du « non-travail » et les « chômeurs » sont perçus négativement par ce qu'ils ne font pas plutôt que par ce qu'ils font. Flament (2003) a comparé les RS pour les objets « travail » et « chômage » entre huit populations différentes selon les caractéristiques suivantes : âge (jeune / âgé), niveau de compétence (qualifié / non qualifié) et statut (chômeur / travailleur). Ce qui ressort de cette étude est que la catégorie « âgé » perçoit le travail et le chômage comme un facteur d'identité sociale. En effet, les anciens évoquent pour « travail », des termes tels que « utilité sociale », « valorisation sociale » et « intégration sociale », alors que les jeunes y voient plutôt un moyen de « passe-temps financier » et de « contraintes ». Pour l'objet « chômage », les personnes âgées le perçoivent davantage comme une « exclusion sociale » alors qu’il sera perçu comme du « temps pour soi-même » chez les plus jeunes. À la surprise des auteurs, la qualification n'a pas eu d'impact significatif sur les différentes RS. L’hypothèse privilégiée par les auteurs est que les chômeurs sont les travailleurs de demain.

Forret, Sullivan, & Mainiero (2010) se sont penchés sur la perception du chômage en fonction des générations et du genre. Est-ce que la génération X (né dans les années 70) et la génération des baby-boomers (né dans les années 50) régissaient de la même manière face au chômage. Il a été remarqué que, peu importe la génération, les hommes avec enfants ressentaient plus le chômage comme un échec alors que les femmes avec enfants plus comme une opportunité. Les auteurs concluent sur le fait que les rôles traditionnellement genrés en matière d'éducation des enfants semblent être toujours présents chez les générations plus jeunes.

Ainsi, nous remarquons d’une part, qu’il n’existe pas d’étude sur les RS portant sur les NEETs. D’autre part, que les RS portant sur les chômeurs font état d’un quasi consensus autour de deux

24 facettes : une facette sociale faisant écho aux représentations de chômeurs autour des thématiques ‘victime’ (Camus & Berjot, 2015; Milland & Flament, 2010) et ‘sociale et économique’ (Márquez & Friemel, 2005) et la facette individuelle autour des thématiques ‘profiteurs’ (Milland & Flament, 2010) ‘responsables’ (Camus & Berjot, 2015) et ‘individuelle’ (Márquez & Friemel, 2005). Nous avons vu que certaines évocations faisaient écho à la santé psychologique des personnes inactives professionnellement (eg. « Dépressif »). Qu’en est-il objectivement ? Quelles sont les relations qu’entretiennent cette inactivité avec la santé ?

2.

Relations entre inactivité professionnelle