• Aucun résultat trouvé

Depuis l’étude princeps de Tinetti et de ses collaborateurs (1988) qui avait montré que les sujets de plus de 75 ans, avaient 5 fois plus de risque de chuter lorsqu’ils avaient des troubles cognitifs, de nombreux études ont confirmé l’augmentation du risque de chute en cas de troubles cognitifs (pour revue, voir Puisieux et al., 2005 ; Montero-Odasso et al., 2012 & 2018 ; Muir et al., 2012 ; Ambrose et al., 2013 ; Amboni et al., 2013 ; Domingos et al., 2015 ; Allali et al., 2017 ; Lach et al., 2017 ; Zhang et al., 2019). En outre, le nombre de chutes plus élevé lors de démences comme la maladie d’Alzheimer, que lors du vieillissement normal pourrait être en partie dû aux troubles cognitifs présents dans ces pathologies. De manière intéressante, les troubles des fonctions exécutives sont les troubles cognitifs les plus souvent associés à une augmentation du risque de chute (Herman et al., 2010 ; Segev-Jacubovski et al., 2011 ; Hsu et al., 2012). Cette relation entre troubles cognitifs et risque de chute s’expliquerait principalement par l’implication des processus cognitifs, et notamment du contrôle attentionnel, dans la marche développée ci-dessus.

51

Les effets des liens entre la cognition et la marche sur le risque de chute lors du vieillissement, ont été montrés par des études utilisant un paradigme de DT. Selon la revue de la littérature de Amboni et de ses collaborateurs (2013), il a été montré que les participants ayant une diminution de performances aux épreuves de DT présentent une augmentation du risque de chute. Selon l’étude de Yamada et de ses collaborateurs (2011) réalisée sur 1081 personnes âgées de 65 ans ou plus, les performances aux épreuves de DT sont un excellent prédicteur de futures chutes. Cette prédiction du risque de chute par les performances de DT, s’explique notamment par le coût de la DT sur les performances de marche qui seraient beaucoup plus important chez les personnes à risque de chute du fait de la diminution des capacités de fonctions exécutives et de contrôle attentionnel (pour revues voir, Montero-Odasso et al., 2012 & 2018). En effet les différents tests cognitifs (ex, soustraction progressive, génération de lettres de l’alphabet, poursuite de stimulus visuel) utilisés dans les DT impliquent des fonctions exécutives et un contrôle attentionnel.

Résumé des données bibliographiques sur les chutes et les troubles cognitifs chez les

personnes âgées. Les chutes touchent un nombre élevé de personnes âgées (au moins 35% des

personnes âgées de 65 ans ou plus chutent chaque année). Les facteurs de risque de chute liés à l’individu incluent notamment les troubles neuromusculaires, les troubles sensoriels, les troubles de l’équilibre et de la marche ou encore certaines pathologies. D’autres facteurs de risque de chute concernent l’environnement et le comportement de l’individu et incluent notamment la consommation de médicaments sur laquelle nous reviendrons dans le prochain chapitre. Si la plupart des chutes chez les personnes âgées sont sans conséquences, d’autres peuvent engendrer des traumatises graves dont les plus fréquents sont les fractures. Ces dernières chutes dites « graves » sont associées à des répercussions néfastes dont une augmentation des hospitalisations et des coûts économiques de la prise en charge des victimes, et, plus grave encore, une augmentation du taux de mortalité. En effet selon l’OMS (2018), 646 000 décès surviennent dans le monde chaque année des suites d’une chute accidentelle.

Les troubles cognitifs, quant à eux, sont également très fréquents chez les personnes âgées. En effet, avec l’âge, des difficultés cognitives peuvent apparaître et se manifestent principalement par des troubles mnésiques (mémoire épisodique, mémoire de travail), des troubles des fonctions attentionnelles (attention sélective) et des troubles des fonctions exécutives (inhibition et flexibilité).

52

En fonction du nombre de domaines cognitifs touchés et de leur gravité, les troubles cognitifs peuvent être légers ou causer une démence chez les personnes âgées. Selon les chiffres de l’OMS, 5 à 8% des personnes âgées de la population mondiale vivent avec une démence.

Il est également important de noter que les chutes et les troubles cognitifs ne sont pas uniquement fréquents chez les personnes âgées de 65 ans ou plus ; ils concernent également des jeunes séniors d’un âge inférieur à 65 ans.

Par ailleurs, le risque de chute chez les personnes âgées a été associé aux troubles cognitifs. En effet, il est bien reconnu maintenant que les personnes âgées avec des troubles cognitifs ont plus de risque de chuter que ceux n’ayant pas de troubles cognitifs. Ce lien entre troubles cognitifs et risque de chute a été expliqué notamment par l’implication des fonctions cognitives, notamment du contrôle attentionnel, dans la marche lors de certaines situations complexes.

53

PRISE DE MEDICAMENTS : FACTEUR DE RISQUE DE CHUTE, DE TROUBLES DE LA MOBILITE ET DE TROUBLES COGNITIFS CHEZ LES PERSONNES AGEES

Les études épidémiologiques s’accordent sur le fait que les personnes âgées de 65 ans ou plus consomment un nombre important de médicaments. L’augmentation de la consommation médicamenteuse au cours du vieillissement est effective dès l’âge de 50 ans (voir figure 6). Cette augmentation est étroitement liée à une croissance du nombre de pathologies et de comorbidités au cours du vieillissement (Tamblyn et al., 2003). Cependant lors du vieillissement, les personnes âgées sont également vulnérables aux effets indésirables des médicaments à cause des changements physiologiques, notamment des fonctions hépatiques et rénales, liés au vieillissement. Parmi ces effets indésirables, on retrouve les troubles de la mobilité et les troubles cognitifs qui sont déjà des phénomènes de santé ayant des répercussions graves sur la qualité de la vie chez les personnes âgées. Dans ce travail de thèse, les troubles de la mobilité auxquels nous nous sommes intéressés sont les chutes et les troubles de l'équilibre et de la marche. Dans cette partie, nous allons revenir plus en détails sur l’association entre la prise de médicaments et les troubles de la mobilité d’une part, et les troubles cognitifs d’autre part. Nous aborderons notamment le rôle du nombre de médicaments consommés (c-à-d, l’effet de la polymédication) et ensuite plus spécifiquement le rôle de la nature des médicaments les plus associées à ces différents effets indésirables : la classe thérapeutique des psychotropes et la classe pharmacologique des médicaments à propriétés anticholinergiques (anti-muscariniques) (Campbell et al., 2009 ; Bloch et al., 2011 ; Fox et al., 2014 ; Stewart et al., 2020).

54

Figure 6. Nombre de médicaments consommés par jour par les seniors français en 2015, par âge (Statista 2020 ©)

Ces données statistiques ont été obtenues suite à une enquête auprès de 3173 séniors âgées de 50 ans ou plus.

I) Polymédication : risque de chute, troubles de l’équilibre et de la marche,