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Article 3. A two-hit model of suicide-trait-related behaviors in a context of

6.3. Étude des paramètres de la synthèse des neurostéroïdes

8.1.2. Lien entre les différentes anomalies retrouvées

Les antagonistes du récepteur NMDA augmentent la production de ROS in vitro (Xia et al., 2002) et in vivo (Zuo et al., 2007). D’ailleurs, l’activation du récepteur NMDA est un processus redox-dépendant, le GSH étant crucial pour cette activation (Lipton et al., 2002). Le lien entre le stress oxydatif et l’expression de la GAD67 au niveau des interneurones PV, via une hypofonction glutamatergique, s’est de plus en plus renforcé. En effet, il a été démontré in vivo qu’une exposition des neurones d’hippocampe de rat au traitement hyperbare à l’oxygène (HBO, de l’anglais hyperbaric oxygen treatment), qui induit un stress oxydatif, diminue l’expression de la GAD67 (Li et al., 2008). Plus précisément, les ROS réduisent l’activité de la GAD67 en clivant les groupes hydrosulfide (-SH), qui sont essentiels pour l’activité de la GAD67 (Satyanarayan and Nair, 1985). De plus, dans des cultures primaires de neurones corticaux, la kétamine, un antagoniste du récepteur NMDA, augmente la production d’anion superoxyde et l’expression de la sous- unité NOX2 du NADPH oxydase (NOX), qui catalyse la réduction d’oxygène en anion superoxyde, dans les interneurones PV. En parallèle, on retrouve une diminution de l’immunoréactivité PV et GAD67, qui est renversée par un traitement avec l’apocynin, un inhibiteur de l’activité de la NADPH oxydase (Behrens et al., 2007). Les mêmes observations ont été rapportées in vivo dans le cortex préfrontal des souris (Behrens et al., 2007). De plus, ces effets sont spécifiques aux interneurones PV, puisque les interneurones exprimant la calbindine et la calrétinine ne sont pas altérés par la kétamine (Behrens et al., 2008). Chez les souris déficientes pour NOX2 (gp91phox-/-), la kétamine n’a aucun effet, ce qui suggère que la réduction des niveaux de PV et GAD67 dans les interneurones PV est dépendante à NOX et donc, au stress oxydatif (Behrens et al., 2008). Ainsi, les résultats confirment le rôle crucial qu’exerce le stress oxydatif sur les effets de l’antagonisme du récepteur NMDA en regard à la sous-régulation des niveaux de GAD67.

Une diminution des niveaux de GSH durant le développement amène une hypofonction des récepteurs NMDA à l’âge adulte (Tosic et al., 2006; Gysin et al., 2007), les neurones GABAergiques étant très vulnérables au stress oxydatif. Les souris déficientes en glutamate cystéine ligase (GCL), l’enzyme de l’étape limitante de la synthèse du GSH, présentent une diminution des interneurones PV, et non ceux exprimant la calbindine ou la

calrétinine, dans l’hippocampe ventral, suggérant encore que les effets induits par le stress oxydatif sont spécifiques aux interneurones PV (Steullet et al., 2010). Ainsi, une altération du statut oxydatif, via une diminution des niveaux de GSH et/ou une augmentation de la production de ROS, mène à l’antagonisme des récepteurs NMDA, plus précisément via la sous-unité NR2A qui est sensible au stress oxydatif (Kinney et al., 2006), provoquant ainsi une activation de la NOX et de la production d’anion superoxyde. Ainsi, l’hypofonction du récepteur NMDA, via l’induction d’un stress oxydatif, induit une diminution des marqueurs GABAergiques, c’est-à-dire la GAD67 et la PV (Do et al., 2009) (Figure 19). Ces résultats suggèrent fortement que le stress oxydatif, observé dans notre modèle à double atteinte, soit un mécanisme important dans la diminution des niveaux de GAD67 (Deslauriers et al., 2013).

Figure 19. Lien entre le stress oxydatif et la diminution des niveaux de GAD67. Une dérégulation redox, induite par une diminution des niveaux de glutathion (GSH) ou une production excessive d’espèces réactives à l’oxygène (ROS, de l’anglais reactive oxygen species), amène un antagonisme des récepteurs NMDA via la sous-unité NR2A. Cet antagonisme est suivi par une augmentation des niveaux de NADPH oxidase (NOX), augmentant ainsi la production d’anion superoxyde, ce qui réduit l’activité des interneurones GABA via la diminution des niveaux de parvalbumine (PV) et de la glutamate décarboxylase de forme 67 kDa (GAD67). L’augmentation de la production d’anion superoxyde peut aussi exacerber la synthèse de ROS, via un mécanisme de retour positif.

Les anomalies GABAergiques, observées ici via la diminution des niveaux corticaux et striataux de GAD67, peuvent être responsables du déficit d’IPP mesuré (Deslauriers et al., 2013), comme l’inactivation partielle de la sous-unité NR1 du récepteur NMDA, dans les interneurones du cortex préfrontal (PFC, de l’anglais prefrontal cortex) et de l’hippocampe, diminue l’expression de la GAD67, en parallèle à une altération de l’IPP (Belforte et al., 2010). Les résultats obtenus dans notre modèle, plus précisément un déficit d’IPP dès l’âge juvénile, suggèrent que les anomalies glutamatergiques/GABAergiques sont impliquées dans le développement d’un syndrome de type prodromal, qui précède la symptomatologie hétérogène de la schizophrénie (Klosterkötter et al., 2001).

La libération de cytokines pro-inflammatoires, suite à l’activation immunitaire gestationnelle, peut aussi expliquer les altérations dans la fonction glutamatergique (Boksa, 2010). En effet, l’IL-1β peut se lier à la sous-unité NR2B du récepteur NMDA (Gardoni et al., 2011). De plus, la diminution de l’expression de GAD67 peut être secondaire à la production d’IL-6 suite à l’injection de polyIC (Meyer et al., 2006b), l’IL-6 diminuant les niveaux de PV et de GAD67 dans les cellules neuronales (Behrens et al., 2008). Ces études supportent l’hypothèse que les cytokines peuvent avoir un effet direct sur la fonction du récepteur NMDA. De manière intéressante, il a été démontré que l’IL-1Ra prévient le développement d’anomalies comportementales causées par l’hypoxie-ischémie en période néonatale chez les ratons issus des mères traitées au LPS (Girard et al., 2012). Ainsi, il serait intéressant de vérifier si l’IL-1Ra est neuroprotecteur dans le modèle à double- atteinte présenté ici.

Il a été démontré qu’une invalidation pour la glutamate cystéine ligase (GCL), l’enzyme de l’étape limitante de la synthèse de GSH, in vivo augmente la vulnérabilité des interneurones PV, mais pas calbindine ou calrétinine, au stress oxydatif et que l’induction d’un stress oxydatif suite au traitement avec GBR-12909, un inhibiteur de DAT, réduit le nombre d’interneurones PV-positifs quand le traitement se fait en période pubertaire, mais pas durant l’âge adulte (Cabungcal et al., 2012). Ces résultats suggèrent que la puberté est une période critique du neurodéveloppement grandement susceptible au stress oxydatif. La même étude a aussi démontré que le traitement avec la N-acétylcystéine (NAC) prévient la réduction des interneurones PV-positifs (Cabungcal et al., 2012), supportant ainsi le lien entre le stress oxydatif et la neurotransmission GABAergique.

Contrairement à la diminution de la GAD67, l’augmentation des niveaux de DRD2 n’a pas été directement associée au stress oxydatif. Cependant, in vitro, il a été démontré précédemment par notre laboratoire qu’un traitement au H2O2 augmente l’expression protéique du DRD2 (Larouche et al., 2008) et que l’élévation de l’expression du DRD2 induite par un traitement chronique à l’halopéridol, en parallèle à une augmentation du stress oxydatif, est prévenue par l’administration de l’acide lipoïque (Deslauriers et al., 2011). In vivo, une privation de PUFAs en période gestationnelle ou périnatale induit une augmentation de la densité des récepteurs DRD1 et DRD2 (Kuperstein et al., 2008). Ainsi, il est possible de suggérer un lien entre l’augmentation du statut oxydatif et la surexpression du récepteur DRD2.

Les souris transgéniques surexprimant le récepteur DRD2 au niveau striatal présentent des déficits de mémoire de travail. De plus, suite à la délétion de cette surexpression à l’âge adulte, les mêmes anomalies comportementales persistent (Kellendonk et al., 2006; Bach et al., 2008), ce qui suggère que, même si les niveaux striataux de DRD2 sont normalisés 24 heures après la dernière période de contention, il est plausible que l’augmentation des mêmes niveaux observée 3 heures après la dernière contention contribue au développement d’un déficit d’IPP (Deslauriers et al., 2013). De plus, il a été montré que les souris surexprimant le récepteur DRD2 au niveau striatal présentent des niveaux élevés de DRD2 au niveau du cortex préfrontal médial (Kellendonk et al., 2006): il ne faut donc pas exclure que la surexpression striatale du DRD2, observée 3 heures après la dernière période de contention, pourrait contribuer aussi à l’augmentation persistante des niveaux de DRD2 dans le cortex préfrontal des souris utilisées ici (Deslauriers et al., 2013).

Ainsi, en situation normale, la voie glutamatergique projetant du cortex préfrontal à l’ATV inhibe la voie dopaminergique mésolimbique via une interaction avec un interneurone GABAergique, situé au niveau de l’ATV (Carlsson et al., 2001). En condition pathologique et, selon nous, dans le contexte de notre modèle à double atteinte présenté ici, l’augmentation du stress oxydatif, via la production de ROS, diminue l’activité de la voie glutamatergique (marquée via la diminution de l’expression de la GAD67 dans le cortex préfrontal), ce qui exerce une désinhibition sur la voie dopaminergique mésolimbique, entraînant ainsi une augmentation des voies dopaminergiques mésolimbique et

mésocorticale (évaluées via les niveaux élevés des DRD2 corticaux, 3 heures et 24 heures après la période de contention, et des DRD2 striataux, 3 heures après la dernière contention) (Figure 20).

Figure 20. Schéma des mécanismes oxydatifs, dopaminergiques et glutamatergiques dans la schizophrénie. En condition saine, la voie glutamatergique, projetant du cortex préfrontal à l’aire tegmentale ventrale (VTA, de l’anglais ventral tegmental area), exerce un effet inhibiteur, via l’interaction d’un interneurone GABAergique, sur la voie dopaminergique mésolimbique, projetant de VTA au noyau accumbens. En condition pathologique, ou plus précisément dans le cas de la schizophrénie, le stress oxydatif (via la production de ROS, de l’anglais reactive oxygen species) au niveau cortical, inhibe l’activité glutamatergique, provoquant ainsi une disinhibition, et donc une augmentation, de l’activité des voies dopaminergiques mésolimbique et mésocorticale (Figure modifiée avec permission de Antipsychotics and Mood Stabilizers. Stahl’s Essential Psychopharmacology (2008)).

De manière intéressante, il a été démontré que les souris surexprimant le DRD2 au niveau striatal présentent des déficits dans la neurotransmission GABAergique préfrontale (Li et al., 2011), suggérant ainsi que la réduction de l’expression de la GAD67, observée ici dans le cortex préfrontal et le striatum, peut être aussi secondaire à l’augmentation temporaire des niveaux striataux de DRD2 dans notre modèle à double atteinte.