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Article 3. A two-hit model of suicide-trait-related behaviors in a context of

6.3. Étude des paramètres de la synthèse des neurostéroïdes

8.1.3. Les antioxydants disponibles et leurs limitations

L’acide lipoïque a été sélectionné comme antioxydant afin de vérifier l’implication du stress oxydatif dans un modèle in vivo à double atteinte et d’étudier le potentiel thérapeutique d’une molécule antioxydante dans le même modèle. Le GSH est un antioxydant majeur nécessaire pour le maintien de l’équilibre du statut redox. Le GSH est synthétisé par une réaction catalysée par les enzymes γ-glutamyl cystéine ligase (γ-GCL) (EC.6.3.2.2.), qui est responsable de l’étape limitante, et glutathion synthétase (EC.6.3.2.3.). Suite à une diminution des niveaux de GSH, qui est associée à un stress oxydatif, on retrouve une perte des groupes thiols (PrSH) libres dans les protéines (Ravindranath and Reed, 1990). Le GSH lui-même ne traversant pas bien la barrière hémato-encéphalique et ne pouvant pas être administré de manière exogène, il a été suggéré que les molécules pouvant augmenter le niveau de GSH peuvent avoir un potentiel neuroprotecteur contre les maladies dans lesquelles le stress oxydatif est impliqué (Schulz et al., 2000; Mariani et al., 2005). Les GSH esters, quant à eux, augmentent les niveaux rénal, hépatique et cardiaque de GSH, mais pas le niveau cérébral de GSH, comme il a été démontré dans le modèle d’ischémie cérébral de rat (Panigrahi et al., 1996). Des chélateurs d’ions peuvent aussi freiner la réaction de Fenton (1), évitant ainsi la production de radicaux hydroxyl. Étant donné que des antioxydants non-chélateurs, comme les flavonoïdes, peuvent réduire le fer et ainsi exacerber les réactions ion-dépendantes (Laughton et al., 1989), il est fortement suggéré que le meilleur antioxydant doit posséder des propriétés de « piégeur » d’ions et de chélateur d’ions.

8.1.3.1. Les antioxydants disponibles

La vitamine E (α-tocophérol) exerce son action antioxydante en « piégeant » les radicaux libres (Traber and Atkinson, 2007). Bien que la vitamine E soit un puissant antioxydant, cette molécule ne peut délivrer les groupes thiols pour compenser la perte des groupes thiols et ne peut donc pas normaliser les niveaux de GSH. La vitamine E peut même être pro-oxydante dans certaines conditions (Lai and Yu, 1997; Dyatlov et al., 1998) et léthale à de fortes concentrations (Miller et al., 2005).

Un autre antioxydant étudié dans la littérature est la NAC, qui, administrée oralement, est bien absorbée et traverse la barrière hémato-encéphalique (Borgström et al., 1986). La NAC stimule la formation de GSH à partir de la cystéine, le précurseur de l’étape limitante de la synthèse de GSH (Atkuri et al., 2007) et protège ainsi le cerveau contre la déplétion de GSH (Aydin et al., 2002; Fu et al., 2006; Kamboj et al., 2006). In vivo, la NAC normalise les anomalies neurochimiques, dont les niveaux de glutamate et le nombre d’interneurones PV-positifs, chez les souris déficientes en enzyme GCL et donc présentant un stress oxydatif élevé (Duarte et al., 2011; Cabungcal et al., 2012). De plus, la NAC normalise les changements dopaminergiques, sérotonergiques et noradrénergiques de la voie cortico-striatale et renverse partiellement différents comportements, dont le PPI, suite à l’isolement social in vivo (Möller et al., 2012; 2013). Une étude randomisée et à double aveugle a démontré, après la prise de NAC pendant 42 semaines, une amélioration modérée des symptômes positifs et négatifs et une diminution des mouvements anormaux associés à l’akathisie (Berk et al., 2008). Cependant, à fortes doses, la NAC augmente les niveaux d’anion superoxyde, supportant ainsi l’hypothèse que la NAC possède aussi des propriétés pro-oxydantes (Wang et al., 2006). De plus, des effets secondaires, comme les nausées, les vomissements et la diarrhée, sont associés à l’administration de NAC (Flanagan and Meredith, 1991).

8.1.3.2. L’acide lipoïque

L’acide lipoïque est un composée naturel que l’on retrouve dans les mitochondries des plantes et des animaux, dans lesquelles il est le cofacteur de l’enzyme α-kéto-acide- déhydrogénase de la chaîne de transport d’électrons (Bunik et al., 1990; Zimmer et al., 1991). Cependant, outre sa fonction métabolique normale, l’acide lipoïque peut avoir d’autres activités biochimiques lorsqu’administré de manière exogène (Petersen Shay et al., 2008).

8.1.3.2.1. Les propriétés antioxydantes de l’acide lipoïque

Suite à son administration, l’acide lipoïque est réduit en dihydrolipoate (DHLA), via l’activité de l’enzyme dihydrolipoamide déhydrogénase (LAD) (EC.1.8.1.4.). L’acide lipoïque et le DHLA agissent via le mécanisme de « piégeur » des ROS (Tableau 6).

Radical libre Acide lipoïque Dihydrolipoate

Radical hydroxyl + +

Peroxyde d’hydrogène + +

Anion superoxyde - +

Tableau 6. Les radicaux libres pouvant être récupérés (+) ou non (-) par l’acide lipoïque et le dihydrolipoate

L’acide lipoïque augmente le niveau intracellulaire de GSH en induisant la transcription des sous-unités catalytique et régulatrice de l’enzyme γ-GCL, qui catalyse l’étape limitante de la synthèse de GSH (Petersen Shay et al., 2008). En effet, comme mentionné précédemment, alors qu’un traitement au GSH ester n’augmente pas le niveau cérébral de GSH dans un modèle in vivo d’ischémie cérébral, l’acide lipoïque normalise les niveaux de GSH dans le cortex, le striatum et l’hippocampe, et réduit la peroxydation lipidique (Panigrahi et al., 1996). De plus, l’acide lipoïque est un modificateur des protéines thiolates (PrSH) et peut donc influencer les cascades sensibles à l’état redox des groupes thiols (Nakashima et al., 2002). L’enzyme du complexe I mitochondrial, la NADH déhydrogénase, étant régulée par les groupes thiols (Jha et al., 2000) et l’acide lipoïque étant un antioxydant thiol efficace, cet antioxydant peut donc normaliser la fonction mitochondriale (Scott et al., 1994; Han et al., 1997). Enfin, l’acide lipoïque est aussi un chélateur des ions ferreux, limitant ainsi l’initiation de la réaction de Fenton (1), qui produit le radical hydroxyl. Ainsi, l’acide lipoïque possède plusieurs propriétés antioxydantes faisant de lui un molécule antioxydante ayant un fort potentiel thérapeutique.

8.1.3.2.2. Les effets thérapeutiques connus de l’acide lipoïque

L’acide lipoïque est bien toléré chez l’humain et traverse la barrière hémato- encéphalique (Cremer et al., 2006; Ziegler et al., 2006). In vivo, cet antioxydant améliore les déficits neuromusculaire, cognitif et cardiaque reliés au diabète (Milgram et al., 2004; Foster, 2007; Holmquist et al., 2007) et il améliore aussi la mémoire chez les animaux âgés (Hagen et al., 1999; Suh et al., 2001). Chez l’humain, l’acide lipoïque a été proposé pour traiter les neuropathies reliées au diabète (Ziegler and Gries, 1997), la cataracte (Maitra et al., 1996), la résistance à l’insuline reliée au diabète de type 2 (Jacob et al., 1996), le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) (Packer et al., 1995), les maladies cardiovasculaires (Matalon et al., 1984) et la maladie de Parkinson (Packer et al., 1997; Bharat et al., 2002; Bilska et al., 2007). Pour ces traitements, l’acide lipoïque est administré principalement par voie IV ou orale et sous fortes doses, seuls de rares cas d’éruptions cutanées et de nausées ont été répertoriés après plus de deux ans d’usage (Ziegler et al., 2006).

8.1.3.3. L’effet de l’acide lipoïque dans le modèle à double atteinte

Dans le modèle à double atteinte présenté ici, plus précisément les souris exposées pendant la période prénatale au polyIC et soumises au stress de contention (Deslauriers et al., 2014), le traitement à l’acide lipoïque prévient le développement d’un déficit d’IPP. De plus, les altérations de la carbonylation des protéines et des niveaux de DRD2 retrouvées au niveau du PFC sont normalisées par le traitement à l’acide lipoïque. De façon intéressante, seulement la réduction de l’expression de la GAD67 au niveau cortical, et non striatal, est atténuée par l’acide lipoïque, suggérant ainsi que le déficit du couplage sensorimoteur est associé à des anomalies frontales.

In vivo, il a déjà été démontré que l’acide lipoïque normalise l’élévation de la peroxydation lipidique et la réduction du statut antioxydant total (TAS, de l’anglais total antioxidant status) induite par l’administration de LPS (Skibska et al., 2006). Macêdo et ses coll. (Macêdo et al., 2012) ont rapporté qu’un traitement à l’acide lipoïque renverse la diminution de l’activité de la SOD et des niveaux de GSH dans le striatum et l’hippocampe,

en plus de diminuer la peroxidation lipidique dans le PFC, le striatum et l’hippocampe et de normaliser l’hyperactivité locomotrice induite par l’amphétamine, un comportement associé aux symptômes positifs de la schizophrénie. Cette étude suggère ainsi que la normalisation du statut oxydatif a des effets sur la transmission dopaminergique. De plus, il a été démontré que l’acide lipoïque augmente le niveau d’expression du récepteur NMDA (Stoll et al., 1993; Tang and Aizenman, 1993; Stoll et al., 1994), dont l’hypofonction est associée à la schizophrénie. Ainsi, bien que ceci reste à vérifier, il est possible de suggérer que l’acide lipoïque, via ses propriétés antioxydantes, diminue l’effet de l’hypofonction glutamatergique sur les voies dopaminergiques (Section 6.1.1. et Figure 2), provoquant ainsi une normalisation des niveaux de DRD2 et de GAD67 et de l’altération de l’IPP (Deslauriers et al., 2014). Finalement, l’acide lipoïque présente un potentiel thérapeutique qui devra être exploré en regard de la symptomatologie schizophrénique.

Il est à noté que l’acide lipoïque améliore aussi l’IPP chez le groupe contrôle. De façon intéressante, l’acide lipoïque diminue la carbonylation des protéines, un biomarqueur de stress oxydatif, dans le striatum des souris du groupe contrôle, alors qu’il n’exerce aucun effet, chez les mêmes souris, au niveau de l’expression striatale du DRD2 et de la GAD67 (Deslauriers et al., 2014). Il pourrait ainsi être suggéré que l’amélioration de l’IPP en condition non-pathologique est associé au stress oxydatif dans le striatum, alors que la normalisation de l’IPP dans notre modèle à double atteinte est associée, de façon parallèle, à un rétablissement des anomalies oxydative, dopaminergique et GABAergique au niveau du PFC.