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En situation normale, une homéostasie entre les molécules pro-oxydantes et la défense antioxydante existe et est nécessaire pour la régulation physiologique (Finkel and Holbrook, 2000; Mahadik et al., 2001) (Figure 6). Le stress oxydatif est caractérisé par une altération de cet équilibre physiologique, causée par une production excessive des molécules pro-oxydantes et/ou un déficit de la défense antioxydante, et compromet ainsi la fonction cellulaire de plusieurs sites ciblés (Halliwell, 1992). Le stress oxydatif est observé dans plusieurs désordres neuropsychiatriques tels que la schizophrénie, le syndrome de Down, la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer (Mahadik and Mukherjee, 1996; Reddy and Yao, 1996; Fiskum et al., 2003).

Figure 6. L’importance de l’homéostasie oxydative. Des molécules pro-oxydantes (endogènes et exogènes) et des facteurs de la défense antioxydante modulent la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS, de l’anglais reactive oxygen species). Une production déficitaire de ROS amène une dysfonction physiologique, via une réduction de la réponse proliférative et de la défense antioxydante. Une production excessive de ROS, quant à elle, engendre des perturbations qui augmentent le risque de neuropathologie et de psychopathologie (CAT; catalase; GSH; glutathion, GSH-Px; glutathion peroxydase, SOD; superoxyde dismutase) (schéma basé sur Finkel and Holbrook, 2000; Mahadik et al., 2001). 1.4.1.1. Les molécules contrôlant le stress oxydatif

1.4.1.1.1. Les molécules pro-oxydantes

Une production excessive d’espèces réactives de l’oxygène (ROS, de l’anglais reactive oxygen species) et d’espèces réactives de l’azote (RNS, de l’anglais reactive nitrogen species) ou une élimination partielle de ces molécules par la défense antioxydante mène à plusieurs dommages cellulaires, comme la peroxydation des lipides membranaires, l’oxydation des protéines et les dommages à l’ADN. La production de ROS s’effectue majoritairement dans la mitochondrie, grâce à la chaîne de transport des électrons.

1.4.1.1.2. La défense antioxydante

Les enzymes de la défense antioxydante sont la superoxyde dismutase (SOD) (EC.1.15.1.6.), la glutathion peroxydase (GSH-Px) (EC.1.11.1.9.) et la catalase (CAT) (EC.1.11.1.6.). La SOD transforme les anions superoxyde (O2-.) en peroxyde d’hydrogène (H2O2), qui est à son tour transformé en eau (H2O) et en oxygène (O2) par la GSH-Px et la CAT. La transformation de peroxyde d’hydrogène en eau et oxygène permet d’éviter la formation de radicaux hydroxyl (OH.) à partir du peroxyde d’hydrogène, qui est un phénomène initiant la peroxydation lipidique (Figure 7) (Yao et al., 2001).

Au-delà de la défense antioxydante enzymatique, on retrouve aussi des molécules endogènes constituant la défense antioxydante non-enzymatique, précisément le glutathion (GSH), l’albumine, l’acide urique, l’acide ascorbique et la bilirubine, et des molécules exogènes, comme les vitamines A et E (α-tocophérol) et l’ascorbate. La forme réduite du GSH devient oxydée (GSSG), via l’activité de l’enzyme GSH-Px. La forme oxydée du GSH subit une réduction, via l’activité de l’enzyme glutathion réductase (GR) (EC.1.8.1.7.). La majorité (85%) du statut antioxydant total du plasma humain provient de l’albumine, de l’acide urique et de l’acide ascorbique (Wayner et al., 1987). Les molécules non-enzymatiques de la défense antioxydante agissent principalement en « piégeant » les radicaux libres et en prévenant la conversion des ions ferriques en ion ferreux (métaux de transition), qui facilitent la production de radicaux hydroxyl (OH.) via la réaction de Fenton (1) (Halliwell and Gutteridge, 1984) (Figure 7). La réaction de Fenton (1) consiste en l’auto-oxydation du H2O2 en OH. (Halliwell, 1989). Les radicaux hydroxyl attaquent les acides gras polyinsaturés (PUFAs, de l’anglais polyunsaturated fatty acids) de la membrane neuronale pour leur retirer un hydrogène et ainsi produire des radicaux libres, initiant ainsi la peroxydation lipidique, un phénomène engendré par le stress oxydatif (Halliwell, 1989).

Figure 7. La production des radicaux libres. La superoxyde dismutase (SOD) catalyse la conversion de l’anion superoxyde (O2-.) en peroxyde d’hydrogène (H2O2). À son tour, le H2O2 est converti en eau (H2O) et en oxygène (O2) via l’activité de la glutathion peroxydase (GSH-Px) et la catalase (CAT). La forme réduite du glutathion (GSH) subit une oxydation (GSSG) catalysée par l’enzyme GSH-Px et la forme oxydée est reconvertie en GSH grâce à l’activité de la glutathion réductase (GR). S’il n’est pas converti en H2O et en O2, le H2O2 subit une auto-oxydation, formant ainsi le radical hydroxyl (OH.). L’oxyde nitrique (NO) est aussi converti en OH. et en dioxyde d’azote (NO2). Les antioxydants réussissant à « scavenger » les radicaux libres prévient l’initiation de la peroxydation lipidique (Figure modifiée avec permission de Yao et al., 2001).

Fe2+ + H2O2 → Fe3+ + OH. + OH- (1) 1.4.2. La vulnérabilité du cerveau au stress oxydatif

Il a été démontré in vivo que le stress oxydatif affecte particulièrement le cerveau (Halliwell, 1992; Mahadik and Mukherjee, 1996). L’importante vulnérabilité du cerveau est due à plusieurs facteurs. Tout d’abord, certaines régions cérébrales sont riches en catécholamines (Cohen and Spina, 1989). Puisque les catécholamines, dont la DA, peuvent s’auto-oxyder en H2O2 (Grima et al., 2003), les neurones de ces régions sont plus susceptibles de subir la peroxydation lipidique. Aussi, la membrane neuronale, essentielle au fonctionnement du SNC en raison de son rôle dans la neurotransmission, contient beaucoup d’acides gras polyinsaturés (PUFAs), tels que l’acide arachidonique et l’acide docohexaénoïque, dont l’auto-oxydation (peroxydation lipidique) génère des radicaux libres (Halliwell and Gutteridge, 1984) (voir section 1.4.1.1.2.). Deuxièmement, au niveau

basal, la défense antioxydante du cerveau est d’un faible niveau (Phillis, 1994), rendant difficile la prévention d’une production excessive de radicaux libres. Ensuite, la membrane mitochrondriale au cerveau est sept fois plus vulnérable au stress oxydatif que les mitochrondries du foie (Olafsdottir et al., 1988; Ravindranath and Reed, 1990). On retrouve aussi une omniprésence des métaux redox-catalytiques, comme le fer, au niveau cérébral, favorisant ainsi la réaction de Fenton (1) et la peroxydation lipidique dans le cerveau (Halliwell 2006; Valko 2007). Enfin, les dommages subis au niveau de l’ADN neuronal, causés par le stress oxydatif, sont irréversibles, étant donné l’absence de réplication de l’ADN au niveau du cerveau (Mahadik et al., 2001).

1.4.3. Le stress oxydatif dans la schizophrénie

L’implication du stress oxydatif dans la pathophysiologie de la schizophrénie a été démontrée. Une élévation de la peroxydation lipidique a été rapportée dans le plasma des schizophrènes (Mahadik et al., 1998). De plus, les individus schizophrènes présentent des niveaux altérés d’enzymes antioxydantes, alors que certaines études postmortem ont démontré une diminution des niveaux de GSH et de GSH-Px (Do et al., 2000; Grima et al., 2003). Aussi, la diminution des niveaux de SOD et GSH-Px a été corrélée avec la sévérité des symptômes négatifs, alors que leur augmentation a été associée aux symptômes positifs de la maladie (Fendri et al., 2006). Le statut antioxydant total (TAS, de l’anglais total antioxidant status) se retrouve aussi diminué chez les patients schizophrènes (Yao et al., 1998). De plus, le fait que les APGs (Jeding et al., 1995; Parikh et al., 2003) et les ASGs (Dakhale et al., 2004) diminuent le stress oxydatif, en prévenant la peroxydation lipidique et en normalisant les niveaux d’enzymes antioxydantes in vitro et in vivo, supporte l’hypothèse de l’implication du stress oxydatif dans la schizophrénie. Aussi, les patients schizophrènes traités aux APs, contrairement à ceux non-traités, présentent des niveaux normalisés de PUFAs (Khan et al., 2002), en corrélation avec une amélioration de leurs symptômes psychotiques. Enfin, une supplémentation diététique avec des antioxydants, telle que la vitamine E (α-tocophérol), et des acides gras essentiels empêche une altération du statut oxydatif, plus précisément des changements des niveaux de défense antioxydante, la diminution des PUFAs et l’augmentation de la peroxydation lipidique, améliorant ainsi

les symptômes schizophréniques (Mahadik and Scheffer, 1996; Reddy and Yao, 1996; Mahadik et al., 2001).