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Lien entre l’évolution des mouvements articulatoires et le renforcement de l’énergie spectrale dans les médiums

Une adaptation visant à émerger du bruit ambiant ?

2. E XPANSION OU COMPRESSION DE LA DYNAMIQUE VOCALE

3.2. Adaptation spectrale

3.2.3. Lien entre l’évolution des mouvements articulatoires et le renforcement de l’énergie spectrale dans les médiums

Si l’augmentation de l’énergie de la voix dans les fréquences médium n’est pas uniquement liée à l’aplatissement de la pente spectrale de par l’augmentation de l’effort glottique, alors on peut raisonnablement émettre l’hypothèse que les articulateurs puissent jouer un rôle dans le renforcement du spectre observé entre 2 et 4kHz, ainsi que dans le renforcement spectral observé chez certains locuteurs entre 4 et 6kHz.

Une première idée consiste à envisager ce renforcement spectral du point de vue du rayonnement de la voix, et à considérer le conduit vocal comme un pavillon. On sait, d’après la théorie des pavillons, que l’augmentation de la surface d’ouverture du pavillon permet d’améliorer son rayonnement et s’accompagne d’une diminution de la fréquence critique du pavillon (cf. Annexe Met1). Nous explorerons donc dans un premier temps si l’augmentation de l’aire intéro-labiale observée dans le bruit peut être directement reliée aux renforcements du spectre existant dans le bruit entre 2 et 4kHz, ou entre 4 et 6 kHz (cf. Figure 87).

Une deuxième idée provient d’une autre interprétation du formant du chanteur également proposée par Sundberg 1972 [337] puis reprise par Dang et al. 1997 [61]. Ces auteurs proposent en effet que le renforcement du spectre autour de 3kHz soit lié à la fréquence de résonance des sinus piriformes (vers les 2-3kHz) ou des cavités pharyngées plus globales (vers les 3-3.5kHz), et contrôlable dans une certaine mesure par l’abaissement du larynx, provoquant un élargissement de cette cavité.

Nous explorerons donc dans un deuxième temps si les mouvements verticaux du larynx sont corrélés au renforcement du spectre de la voix entre 2 et 4kHz.

3.2.3.1. L’aire intéro-labiale et le rayonnement de la voix

Pour explorer la potentielle corrélation entre le timbrage de la voix et l’aire intéro-labiale, nous avons tracé dans un même plan les valeurs d’aire intéro-labiale en fonction de la différence d’énergie spectrale entre la zone [2-4kHz] et la zone [0-1kHz]. Nous avons de la même manière tracé dans un même plan les valeurs d’aire intéro-labiale en fonction en fonction de la différence d’énergie spectrale entre la zone [4-6kHz] et la zone [0-1kHz] (cf. Figure 89). Ces trois paramètres ont été mesurés sur la syllabe du déterminant [la] et sur les 2 syllabes des 17 logatomes cibles de la BD2, prononcés en position initiale et finale de l’énoncé pour la condition de silence et de bruit cocktail, et seulement en position finale de l’énoncé pour la condition de bruit blanc. Cela représente donc au total 255 mesures par locutrice. Les coefficients de régression linéaire de ces données sont rapportés dans la colonne « En Absolu » du Tableau 25. Nous avons également tracé dans un même plan la différence entre chaque valeur mesurée dans les différentes conditions de bruit et sa valeur correspondante dans le silence. Les coefficients de régression linéaire de ces données sont également rapportés dans le Tableau 25, cette fois dans la colonne « En Evolution ».

Figure 89. Exemples pour une locutrice de la corrélation entre ses valeurs d’aire intéro-labiale et le timbrage de sa voix dans les zones [2 -4kHz] et [4-6kHz] par

L’examen de ces figures et des coefficients de régression linéaire montre une forte corrélation chez les 3 locutrices de BD2 entre l’aire intéro-labiale et la différence d’énergie spectrale entre la zone [2-4kHz] et la zone [0-1kHz]. Une corrélation très forte est également observée entre l’aire intéro-labiale et la différence d’énergie spectrale entre la zone [4-6kHz] et la zone [0-1kHz], mais seulement pour les locutrices L6 et L11. En revanche, les évolutions de ces différents paramètres dans le bruit sont peu corrélées, bien qu’au niveau des tendances globales d’évolution l’aire intéro-labiale augmente dans tous les cas de façon conjointe à l’augmentation de l’énergie spectrale entre 2 et 4 kHz.

En ce qui concerne l’énergie entre 4 et 6 kHz, on retrouve que celle-ci augmente dans le bruit de façon conjointe à l’augmentation de l’aire intéro-labiale pour les locutrices L6 et L11, tandis que la locutrice L2 montre 36.5% de cas où son aire intéro-labiale augmente conjointement à une atténuation de l’énergie entre 4 et 6kHz par rapport à la zone [0-1kHz].

Tableau 25. La colonne « En Absolu » représente les coefficients de régression linéaire entre les valeurs de l’aire intéro-labiale et celles de la différence d’énergie spectrale entre la zone [2-4kHz] et la zone [0-1kHz], ou entre la zone [4-6kHz] et la zone [0-1kHz], toutes conditions confondues de la BD2. La colonne « En Evolution » représente les coefficients de régression linéaire entre les valeurs d’évolution du silence au bruit de l’aire intéro-labiale et les valeurs d’évolution de la différence d’énergie spectrale entre la zone [2-4kHz] et la zone [0-1kHz] ou entre la zone [4-6kHz] et la zone [0-1kHz].

En conclusion, l’augmentation de l’aire intéro-labiale semble assez liée à la stratégie de renforcement du spectre dans les fréquences médiums adoptée par les locuteurs pour émerger du bruit ambiant. Cela est également le cas pour les fréquences entre 4 et 6 kHz, mais seulement pour les locutrices L6 et L11.

3.2.3.2. Les mouvements verticaux du larynx et la résonance des cavités pharyngées Pour explorer la potentielle corrélation entre le timbrage de la voix et les mouvements verticaux du larynx, nous avons tracé dans un même plan les valeurs d’amplitude des mouvements verticaux du larynx en fonction de la différence d’énergie spectrale entre la zone [2-4kHz] et la zone [0-1kHz]. Nous avons procédé de la même manière pour la différence d’énergie spectrale entre la zone [4-6kHz] et la zone [0-1kHz] (cf. Figure 90). Ces trois paramètres ont été mesurés sur la syllabe du déterminant [la] et sur les 2 syllabes des 17 logatomes cibles de la BD2, prononcés en position initiale et finale de l’énoncé pour la condition de silence et de bruit cocktail, et seulement en position finale de l’énoncé pour la condition de bruit blanc. Cela représente donc au total 255 mesures par locutrice. Les coefficients de régression linéaire de ces données sont rapportés dans la colonne « En Absolu » du Tableau 26.

Figure 90. Exemples pour linéaire entre les valeurs de l’amplitude des mouvements verticaux du larynx et celles de la différence d’énergie spectrale entre la zone [2-4kHz] et la zone [0-1kHz], ou entre la zone [4-6kHz] et la zone [0-1kHz], toutes conditions confondues de la BD2. La colonne « En Evolution » représente les coefficients de régression linéaire entre les valeurs d’évolution du silence au bruit de l’amplitude des mouvements verticaux du larynx et les valeurs d’évolution de la différence d’énergie spectrale entre la zone [2-4kHz] et la zone [0-1kHz] ou entre la zone [4-6kHz] et la zone [0-1kHz].

Renforcement [2-4 kHz] Renforcement [4-6 kHz]

En Absolu En Evolution En Absolu En Evolution L2 68.2 % 11.8 % -6.5 % -7.5 % L6 83.2 % 35.7 % 81.7 % 23.0 % L11 87.7 % 50.5 % 80.3 % 31.1 %

Renforcement [2-4 kHz] Renforcement [4-6 kHz]

En Absolu En Evolution En Absolu En Evolution L2 12.8 % -18.9 % -10.9 % -0.8 % L6 66.1 % -29.0 % 65.6 % -5.4 % L11 71.7 % 15.2 % 67.6 % 10.6 %

3. ADAPTATION EN FREQUENCES

Nous avons également tracé dans un même plan la différence entre chaque valeur mesurée dans les différentes conditions de bruit et sa valeur correspondante dans le silence. Les coefficients de régression linéaire de ces données sont également rapportés dans le Tableau 26, cette fois dans la colonne « En Evolution ».

L’examen de ces figures et des coefficients de régression linéaire montre une forte corrélation entre l’amplitude des mouvements verticaux du larynx et le renforcement spectral de la voix entre 2 et 4kHz et entre 4 et 6 kHz, pour les locutrices L6 et L11 seulement. Cependant, cette corrélation ne va pas dans le sens de notre hypothèse puisqu’elle relie l’augmentation du timbrage de la voix avec l’élévation du larynx (cf. Tableau 27), ce qui est contraire à un élargissement de la cavité pharyngée. Par ailleurs, la locutrice L2 montre autant de cas où son larynx monte ou descend par rapport au silence, conjointement à une augmentation de l’énergie spectrale entre 2 et 4kHz, et entre 4 et 6kHz.

Renforcement spectral[2-4 kHz] Renforcement spectral [4-6kHz]

Tableau 27. Pourcentage de cas où le larynx monte ou descend dans le bruit par rapport au silence, conjointement à un renforcement de l’énergie entre 2 et 4kHz (à gauche), ou entre 4 et 6 kHz (à droite), pour chaque locutrice de la 2ème base de données. La somme des deux colonnes d’un même tableau ne correspond pas toujours à 100%. Il existe en effet quelques rares cas où l’énergie spectrale est moins renforcée avec le bruit dans la zone [2-4kHz] que dans la zone [0-1kHz]. L’effectif de ces cas correspond au pourcentage restant pour atteindre 100%.

En conclusion, les mouvements verticaux du larynx ne sont pas du tout liés au timbrage de la voix pour la locutrice L2. Au contraire, ils y sont corrélés pour les locutrices L6 et L11, de façon contraire à ce que nous attendions : La hauteur du larynx et l’énergie spectrale semblent corrélées de façon indirecte du fait qu’elles sont toutes les deux liées à l’augmentation de l’effort vocal s’accompagnant chez ces locutrices à la fois d’un renforcement de l’énergie spectral dans les hautes fréquences et d’une montée du larynx. La montée du larynx accompagne très souvent l’augmentation de la fréquence fondamentale et est ainsi dépendant de la tension des cordes vocales (Yanagisawa et al. 1991 [380]). Par ailleurs, les mouvements verticaux du larynx peuvent participer activement à la production de consonnes glottales (Vaissière 1997 [358]).

Celles ci n’existent pas en tant que phonème pour le français, mais certains locuteurs peuvent attaquer des voyelles ou des consonnes voisées en « coup de glotte ».

Larynx descend Larynx monte L2 36.5 % 26.9 %

L6 5.8 % 94.2 %

L11 2.9 % 97.1 % Larynx descend Larynx monte

L2 54.8 % 45.2 % L6 5.8 % 94.2 % L11 2.9 % 97.1 %

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