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de la parole dans le bruit __________________________

2. C OMPARAISON DE DEUX TACHES DE PAROLE AVEC ET SANS INTERACTION AVEC UN INTERLOCUTEUR

2.3. Conclusion sur la comparaison des deux tâches de parole

2.3. Conclusion sur la comparaison des deux tâches de parole

Les résultats de cette étude montrent donc tout d’abord qu’il existe indéniablement un effet significatif de l’exposition du locuteur au bruit, même sans dialogue avec un interlocuteur, excepté pour le pincement labial et pour la fréquence du 1er formant (qui montre quand même une augmentation notable, mais non significative). Cela n’est pas un résultat surprenant. Il ne fait que vérifier les observations de la grande majorité des études antérieures sur l’effet Lombard ayant exploré ce phénomène en tâche de lecture, ou du moins sans dialogue avec un interlocuteur.

L’évolution dans le bruit, en dehors de toute interaction avec un interlocuteur, de paramètres acoustiques et articulatoires pouvant être liés à l’augmentation de l’intensité vocale (fréquence fondamentale, ouverture de la bouche, fréquence du premier formant, quotient ouvert, enrichissement du spectre en hautes fréquences), peut être en premier lieu interprétée comme la conséquence d’une régulation réflexe de l’intensité de la voix du fait de l’atténuation du retour auditif par le bruit ambiant, tel que le suggère Lombard 1911 [224] , Fairbanks 1954 [86] ou Tonkinson 1994 [353].

Il est également possible que même en l’absence d’interlocuteur physiquement présent, et même sans aucun enjeu à devoir être intelligible, les locuteurs continuent à reproduire des schémas de communication en s’adressant à un interlocuteur virtuel et en cherchant à compenser la dégradation de leur intelligibilité par le bruit. On remarque bien par exemple que des personnes parlant au téléphone continuent à accompagner leur parole de gestes des mains ou de mimiques faciales bien que celles-ci ne puissent pas être perçues par leur interlocuteur. De la même façon, même si le locuteur est censé jouer tout seul dans la première session, il se sait écouté par l’expérimentateur qui vérifie le déroulement de l’expérience. Ce seul auditoire peut le motiver à maintenir un certain degré d’intelligibilité. Aussi, notre paradigme de comparaison de la parole avec ou sans dialogue avec un interlocuteur ne rendrait pas compte de la recherche ou non d’intelligibilité par le locuteur, mais plutôt de différents degrés de recherche d’intelligibilité.

Enfin, les résultats de cette étude montrent que de nombreux paramètres sont significativement plus renforcés dans le bruit en situation de dialogue : à la fois les paramètres acoustiques et articulatoires pouvant être liés à l’augmentation de l’intensité et de la fréquence fondamentale, mais également d’autres paramètres linguistiques tels que la fréquence d’insertion de pauses dans l’énoncé. Il ne semble donc pas que le locuteur cherche à augmenter son intelligibilité dans le bruit uniquement en parlant plus fort, ni uniquement de façon réflexe. Les rares études antérieures à avoir exploré l’effet Lombard en parole spontanée ou en interaction avec un partenaire, ont déjà observé une augmentation de l’intensité vocale du silence au bruit plus importante par rapport aux autres études concernant la parole lue. Ainsi, le coefficient de régression de la droite représentant l’évolution de l’intensité vocale moyenne en fonction de l’intensité du bruit ambiant a été estimé à 0.15 par Egan 1972 [80] ou à 0.12 par Lane et al. 1970 [194] en parole lue. Tandis que Korn 1954 [185], Gardner, ou Kryter 1946 [188] ont mesuré une pente respectivement de 0.38, 0.30 et 0.33 en parole spontanée. De même, nous observons ici une pente de 0.26 en parole spontanée mais sans interaction avec un interlocuteur, et de 0.33 avec interaction. L’avantage dans notre étude est d’avoir enregistré les mêmes locutrices avec le même matériel linguistique, en faisant uniquement varier l’interaction ou non de la tâche. Nous pouvons donc conclure avec davantage de certitude que l’augmentation de la pente est due à l’effet de dialogue. Par ailleurs, nous observons une pente de 0.22 pour le corpus articulatoire pilote (cf. Annexe Pil2) où la tâche consistait à lire une liste de phrases, et de 0.36 pour la première base de données (BD1, cf. chapitre 3) où la tâche correspond au premier jeu interactif semi-spontané, exposé au paragraphe 1.2.1, et beaucoup plus libre que ce deuxième jeu.

2. COMPARAISON DE DEUX TACHES DE PAROLE AVEC ET SANS INTERACTION AVEC UN INTERLOCUTEUR

Les résultats de cette étude montrent donc que l’effet Lombard est en partie motivé par la recherche d’intelligibilité et que l’interaction avec un interlocuteur n’influence pas cette adaptation pour tous les paramètres, mais en tout cas pour tous les paramètres classiquement utilisés pour décrire l’effet Lombard (Intensité, F0, durée, mouvements articulatoires, …). Afin d’appréhender ce phénomène dans son ensemble, il semble donc nécessaire de prendre en compte l’interaction avec un interlocuteur dans la mise au point de protocoles expérimentaux.

3. C ONCLUSION DU CHAPITRE 4

Le but de ce chapitre était avant tout méthodologique. Ainsi, nous avons proposé de nouveaux jeux interactifs permettant d’enregistrer des locuteurs dans le bruit en situation de discours semi-spontané et non entièrement prévisible, en alternative aux tâches de lecture par un locuteur isolé classiquement utilisées pour étudier l’effet Lombard.

Nous avons montré plusieurs intérêts directs et indirects de telles tâches pour l’étude des stratégies d’adaptation en environnement bruyant, et avons validé leur utilisation, en montrant que l’interaction avec un interlocuteur avait un effet significatif sur l’adaptation du locuteur pour certains paramètres de la parole, en particulier pour les paramètres classiquement considérés de la parole Lombard (Intensité moyenne, F0 moyenne, etc.).

Enfin, l’examen de l’influence du dialogue avec un interlocuteur sur l’adaptation de la parole dans le bruit a motivé la constitution d’une deuxième base de donnée (BD2). Celle-ci a également été constituée dans le but d’explorer en détail certaines hypothèses quant à l’existence de stratégies de renforcement des indices acoustiques et visuels de reconnaissance des voyelles (Chapitre 7), de renforcement des indices de structuration des énoncés (Chapitre 8), ou encore de renforcement des mots présentant un poids sémantique plus important dans l’énoncé (Chapitre 9). Nous explorerons donc à nouveau et plus en détail la 2ème session de cette base de données, où les locutrices interagissent avec l’expérimentatrice, pour caractériser les différences interindividuelles de stratégies d’adaptation à un environnement bruyant (Chapitres 5 à 10).

Partie III

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