• Aucun résultat trouvé

L’évaluation de ces stratégies de gestion à partir du degré de répartition des efforts

3. P OSITIONNEMENT ET HYPOTHESES DE NOTRE TRAVAIL

3.4. L’évaluation de ces stratégies de gestion à partir du degré de répartition des efforts

Quel critère utiliser alors pour évaluer le caractère « bon » ou « mauvais » d’une stratégie de gestion de l’effort, si la présence de symptômes ou l’appartenance à une catégorie de locuteurs ne sont pas satisfaisantes ?

3. POSITIONNEMENT ET HYPOTHESES DE NOTRE TRAVAIL

Nous proposons la notion d’efficacité, qui ressort des réponses à notre questionnaire comme un concept opposé de celui du forçage vocal. Un geste sans forçage serait alors celui qui atteint son but en consommant un minimum d’effort, en particulier pour la partie la plus fragile mais surtout la plus sollicitée de la chaîne de production : le larynx.

Hors un même but peut être atteint par différentes mobilisations de la source glottique, des articulateurs ou des muscles respiratoires. Ainsi, une même position articulatoire peut être réalisée par différentes activations musculaires (Maeda et al. 1994 [229] ; Abbs et al. 1984 [3]), plusieurs positions des articulatoires et formes du conduit vocal peuvent générer les mêmes signaux acoustiques (Atal et al. 1971 [13] ; Maeda 1990 [228], Boë et al. 1992 [29]). Enfin plusieurs modèles acoustiques peuvent être associés à la perception d’un même phonème (Perkell et al. 1986 [267]). Cette idée d’ « équivalence moteur » implique l’existence d’une pluralité de stratégies pour réaliser une même intention dans le domaine physique. Par exemple, un son de même et forte intensité peut être produit en augmentant la pression sous-glottique, en augmentant l’accolement des cordes vocales, en renforçant davantage l’énergie spectrale de la voix dans la zone sensible de l’oreille ou en adoptant des stratégies résonantielles d’ajustement du premier formant sur un harmonique de la voix (formant tuning), etc.

Ces différentes stratégies ne correspondent pas au même niveau d’effort laryngé selon que le larynx assume tout seul cette production ou qu’il en partage les efforts avec les autres étages de la production.

Cette première notion d’efficacité vocale du point de vue de la répartition des efforts s’est imposée à nous suite à plusieurs observations : d’un côté, le forçage vocal a été décrit par des modifications acoustiques, posturales, respiratoires ou articulatoires (cf. paragraphe 3.1.1). De l’autre côté, les personnes forçant sur leur voix témoignent de douleurs principalement laryngées, et également dans la nuque ou les épaules. Mais aucune ne se plaint par exemple de douleurs à la langue ou à la mâchoire, ni de douleurs aux muscles abdominaux. Cela pourrait amener à conclure rapidement que le forçage se situe donc aux endroits où le patient à mal (en particulier le larynx), et qu’il est inutile de se pencher sur les autres aspects (la respiration, l’articulation, la posture). Si on envisage le forçage vocal d’un point de vue plutôt comportemental, et la phonation comme un système « modulaire » (la

« soufflerie », le « vibrateur », les résonateurs, les articulateurs,…) l’apparition de symptômes au niveau de certains modules ne signifie pas que le comportement de forçage se situe exclusivement à cet endroit. Il traduit plutôt le fait que ces parties du corps subissent l'effet du comportement de forçage, soit par leur fragilité comparée à d’autres parties, soit par le fait qu’un module supporte trop de charge à cause du désistement ou du dysfonctionnement des autres modules. Ainsi, on sait par exemple qu’un manque de soutien respiratoire a des conséquences sur l'efficacité et la santé du larynx (Le Huche 1984 [202] ; Faure 1988 [90]). Si des symptômes peuvent se manifester au niveau laryngé, le geste nocif à rééduquer se situe pourtant au niveau respiratoire. Nous faisons donc ici l'hypothèse que le comportement de forçage n'est pas obligatoirement une mauvaise gestion du larynx mais peut être davantage, à même résultat produit, une mauvaise répartition des efforts sur l'ensemble des organes contribuant à l'acte de parole, ce qui ferait porter trop d'effort sur le larynx.Au cours de nos lectures, nous avons recensé 2 notions : celle d’équilibre pneumo-phonique et celle d’impédance ramenée sur le larynx, faisant intervenir une répartition de l’effort vocal. Certaines techniques vocales de recherche d’efficacité ou de protection du larynx peuvent être expliquées par ces notions, et méritent notre attention.

3.4.1. La notion d’équilibre pneumophonique

La gestion du souffle et la notion de soutien (ou appogio) sont les bases d’un travail de la technique vocale en voix parlée ou chantée. De nombreux auteurs et pédagogues ont souligné sa nécessité pour produire des notes aiguës ou maintenir un débit d’air régulier à l’expiration (Miller 1990 [243] ; Amy de la Bretèque 2003 [10]). Mais un bon équilibre entre le soutien respiratoire et l’effort laryngé est également recommandé pour éviter ou diminuer la fatigue engendrée par une phonation à forte intensité (Sander et al. 1983 [299]). Le soutien consiste globalement à maîtriser la régulation du débit d’air expiré et la pression sous-glottique par l’action antagoniste contrôlée des muscles inspirateurs et expirateurs, afin de libérer le larynx de cette fonction de régulateur du débit d’air et de lui laisser seulement remplir le rôle de vibrateur.

Au-delà de sa signification originelle, le soutien en est venu à désigner un idéal d'équilibre et de coordination entre la gestion du souffle et la résonance de la voix (Miller 1990 [243]). En effet, un

« étage » du système phonatoire est mis de côté dans la conception initiale du soutien : il s’agit des résonateurs, dont l’action peut être contrôlée à l’aide des articulateurs (mâchoire, lèvres, langue, voile du palais,…), et a une influence importante non seulement sur le son rayonné mais

également sur l’équilibre de phonation. Si on représente donc la phonation sous forme d’un système à 3 étages : le souffle, le vibrateur, les résonateurs (cf. Figure 7), le larynx apparaît comme le maillon le plus sollicité de la chaîne. Pour garantir son bon état de fonctionnement, de nombreux auteurs recommandent un équilibre entre la pression sous-glottique, le timbre de la voix et la résistance du larynx (Amy de la Bretèque 2003 [10] ; Guerin 2004 [128]).

Figure 7. Schématisation de l’accord pneumophonique entre la pression sous-glottique, le timbre de la voix et la résistance du larynx. Inspiré de Guerin 2006 [129].

L’expérience de rééducation de Guerin 2006 [129] l’amène à répertorier plusieurs déséquilibres fréquents du fonctionnement vocal :

Le larynx peut compenser un déficit de pression sous-glottique en prenant en charge le rôle de régulateur du débit d’air en plus de celui de vibrateur, amenant crispation et fatigue à moyen terme.

Au contraire, le larynx va se contracter pour résister à un excès de pression sous-glottique, entraînant une fatigue et d’éventuelles fuites d’air. La dégradation du timbre peut alors amener au comportement suivant.

Le manque de timbre ou de résonance de la voix peut conduire le locuteur ou le chanteur à augmenter la pression sous-glottique pour se faire entendre, ramenant au cas précédent de dysfonctionnement vocal.

Cette influence du timbre de la voix sur l’équilibre phonatoire a déjà fait l’objet d’études et peut être expliquée par la notion d’impédance ramenée sur le larynx (Husson 1962 [162]).

3.4.2. La notion d’impédance ramenée sur le larynx

Cette théorie, introduite par Husson 1962 [162], se fonde sur la théorie des pavillons développée par Rocard. Le conduit vocal est en effet formé de cavités (pharyngée, buccale, nasale) fortement convergentes et très étroites par endroit, et peut ainsi être assimilé à un pavillon convergent (cf.

Figure 8). Cette analogie est plus nette lorsqu’on représente le conduit vocal de façon redressée (cf. Figure 8).

Figure 8. La figure de gauche représente un pavillon convergent. Celle de droite représente le conduit vocal de façon habituelle et redressée.

D’après Husson 1962 [162].

La propriété principale d’un pavillon convergent est d’opposer à la propagation des ondes une impédance acoustique correspondant au rapport entre la pression et le déplacement d’air qui

« charge » la source du pavillon. Cette charge ne doit pas être prise au sens d’effort mais au contraire comme un retour d’énergie entretenant la source. Ainsi, en ramenant de l’impédance sur le larynx, le conduit vocal provoque un accroissement de la pression intra-glottique, s’accompagnant d’une chute légère du tonus glottique, et d’une légère augmentation du quotient ouvert, aidant alors les cordes vocales dans leur effort de résistance à la pression sous-glottique et diminuant le risque de lésions (Husson 1962 [162]). L’impédance ramenée sur le larynx peut donc être utilisée comme mécanisme protecteur du larynx.

3. POSITIONNEMENT ET HYPOTHESES DE NOTRE TRAVAIL

De façon générale, l’impédance ramenée sur la source excitatrice est d’autant plus importante que le pavillon est long, étroit ou convergent. Dans le cas du pavillon bucco-pharyngé, l’impédance ramenée croît lorsqu’on allonge le conduit vocal ou lorsqu’on abaisse le vélum pour nasaliser un son, ce qui revient à ajouter un deuxième conduit en dérivation. Certaines techniques vocales peuvent ainsi être interprétées en terme d’élévation de l’impédance ramenée sur le larynx :

- le « tubage » est ainsi une technique utilisée principalement par certains chanteurs russes ou de l’Europe de l’est, et consiste à allonger les lèvres en protrusion.

- l’abaissement du larynx préconisé par certaines méthodes de chant consiste également à allonger le conduit vocal.

- la technique de placement de la voix « dans le nez » ou « dans le masque », permettrait également d’augmenter considérablement l’impédance ramenée sur le larynx grâce à l’action d’un deuxième pavillon nasal.

- le « sombrage », perçu comme une déformation des voyelles ouvertes vers des voyelles fermées, est parfois interprété comme une dilatation du pharynx.

- la « couverture », parfois confondue avec le sombrage, et déjà étudiée comme technique de protection du larynx au niveau des zones de passage (Chuberre 2000 [53]), pourrait également être interprétée comme une augmentation de l’impédance ramenée sur le larynx puisque sa réalisation consiste, selon Miller 1990 [243], à rétrécir l'ouverture buccale, avancer les lèvres et abaisser le larynx.

Enfin, la facilité d’émission dont témoignent les chanteurs et orateurs dans certaines acoustiques de salle pourrait s’expliquer par la notion d’impédance ramenée sur le larynx. Celle-ci augmente en effet avec l’impédance de rayonnement du pavillon. Les propriétés réverbérantes de la pièce dans laquelle se trouve le locuteur vont ainsi avoir une influence sur l’impédance de rayonnement et donc également sur l’impédance ramenée sur le larynx.

3.5. L’évaluation de ces stratégies de gestion par l’adéquation de

Outline

Documents relatifs