• Aucun résultat trouvé

Troisième partie : Les mesures de libération

2. Renoncer : une perception particulière de la libération conditionnelle

2.1. Libération conditionnelle et préjugés

La littérature sur la libération conditionnelle met l’emphase sur l’idée que cette mesure est bien plus une question de perceptions. Plusieurs études (Arsenault, 1981 ; Vacheret et

122

Cousineau, 2005 ; Vacheret, 2006) mettent en lumière des perceptions diverses de la part des contrevenants mais également des différents acteurs de l’institution pénale. Il est notamment question des perceptions des agents sur le contrôle de l’institution, des perceptions du détenu sur la surveillance et le contrôle ou encore sur le rôle de l’agent (Arsenault, 1981). Certaines études mettent également en évidence des perceptions négatives de l’emprisonnement ainsi que des perceptions sur l’utilité des programmes (Vacheret et Cousineau, 2005).

Il apparaît dans notre analyse que les perceptions du détenu à l’égard de la libération conditionnelle sont plutôt alimentées par les expériences de vie des uns et des autres, incluant leur expérience personnelle, carcérale et pénale. Ces perceptions émanent non seulement du détenu mais peuvent également être influencées par les autres, que ce soit par les agents de probation, les codétenus ou encore la famille du détenu.

En premier lieu, l’analyse des entrevues avec les agents a mis en lumière les perceptions que les agents ont du détenu à l’égard de la libération conditionnelle. Plusieurs d’entre eux ont ainsi soulevé le fait qu’une multitude d’informations circule entre les murs concernant cette mesure. Les agents semblent donc considérer qu’il est difficile de distinguer les informations qui se vérifient de celles qui sont erronées. Pour les agents, les personnes contrevenantes vont ainsi adhérer à l’information transmise ou choisir de ne pas y prêter attention. Dans cette perspective, il apparaît que les agents constatent que la décision du contrevenant ou les éléments qu’il amène lorsqu’il parle de sa libération conditionnelle sont souvent influencés par cette « désinformation ».

En second lieu, il ressort des récits de vie analysés que les perceptions des autres détenus sont non négligeables. En effet, certaines études (Chauvenet, 2010 ; Gendron, 2010 ; Le Caisne, 2004 ; Léon et Denans, 2014) montrent que le contrevenant est contraint de vivre avec l’autre. Cet autre, plus particulièrement les autres détenus ont vécu leurs propres expériences et les partagent au sein de la prison. L’analyse des parcours de vie a mis en évidence des expériences de vie différentes : les détenus qui ont obtenu leur libération conditionnelle et sont de nouveau incarcérés, ceux qui ont fait face à un refus, ceux qui ont peur d’échouer. Il apparaît ainsi que les détenus que nous avons interrogés sont « loyaux » et/ou ont « confiance » envers les propos de leurs codétenus (Gendron, 2010 ; Le Caisne,

123

2004). Il semble ainsi que ces différentes perceptions peuvent venir jouer un rôle dans la décision de renonciation de nos participants incarcérés.

Enfin, en troisième lieu, il est bien sûr question des perceptions de nos personnes contrevenantes. Il apparaît que ces perceptions sont d’abord nourries par ce que le détenu pense que les agents ont à leur égard. Il ressort parmi les propos de nos participants incarcérés que des éléments tels que « je suis trop récidiviste », « je suis trop dangereuse

pour la société », « j’ai de la misère avec les conditions » sont évoquées par ces derniers

afin d’alimenter la manière dont ils pensent que les agents les perçoivent. De plus, il semble que les personnes contrevenantes attachent de l’importance à ce que les autres détenus leur disent. L’analyse de nos résultats a montré qu’en détention, les détenus partagent leurs expériences (frustration, déception, échec) les uns avec les autres. Il apparaît ainsi que l’influence des autres se fait surtout par le biais de l’observation des retours en détention des détenus qui ont déjà obtenu une libération conditionnelle. Ainsi, il s’avère que si le contrevenant reçoit une information mais de deux sources différentes, soit d’un agent de probation et d’un autre détenu, il ressort de notre analyse que la plupart des participants incarcérés indiquent adhérer à l’information transmise par l’autre détenu. La recherche d’Arsenault (1981) met en lumière le fait que les détenus perçoivent leur agent comme « une personne à craindre ». Ce constat ne se retrouve, toutefois, pas dans nos résultats. Bien que toutes les personnes incarcérées n’ont pas évoqué avoir une bonne relation avec leur agent de probation, il ressort des propos de certaines d’entre elles qu’elles apprécient leur agent et aiment discuter avec ce dernier.

Enfin, les perceptions des détenus sont également nourries par la famille de ce dernier. Effectivement, il semble que le contrevenant attache de l’importance à la manière dont il va percevoir sa situation familiale. Il apparaît ainsi que des éléments tels que l’éloignement familial, la responsabilité financière des proches ou encore la responsabilité parentale peuvent jouer un rôle dans la décision de renonciation de la personne contrevenante. Effectivement, nos résultats mettent en évidence le fait que la sortie au tiers de la peine ne permet pas forcément au détenu d’aller retrouver sa famille dans le cas d’un éloignement familial, de subvenir de nouveau aux besoins de ses proches ou de récupérer la garde de son enfant. Deux des participants incarcérés ont notamment indiqué devoir suivre une thérapie

124

dans une ville proche de la prison dans le cas où ils bénéficieraient d’une libération conditionnelle.