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Troisième partie : Les mesures de libération

1. Des expériences antérieures d’échec

1.2. Regard des agents et des différents acteurs de l’institution pénale

1.2.2. Echec antérieur : Incapacité à respecter les conditions

Un autre aspect qui préoccupe les agents de probation est celui de la capacité de la personne contrevenante concernant, plus particulièrement, le respect des conditions qui lui sont imposées dans le cadre d’une probation ou d’une libération conditionnelle. Certains agents de probation soulèvent différents cas, comme celui d’Alexandre ou de Charles, où selon eux le détenu n’arrive pas à suivre voire est incapable de respecter les conditions imposées. Les

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agents indiquent que cette incapacité conduirait les détenus à briser une ou plusieurs de leurs conditions sinon à commettre un nouveau délit.

En ce qui concerne Alexandre et Charles, c’est cette incapacité qui les aurait, selon leur agent, ramenés en prison. L’agente de probation d’Alexandre considère que le contrevenant, lors de son séjour en maison de transition, était en rechute car incapable de respecter les conditions imposées non seulement par la maison de transition mais également dans le cadre de sa probation :

« Il est resté en maison de transition mais évidemment il devait respecter toutes les conditions que y avait puis il devait respecter les conditions de la maison de transition. Je dirais qu'en général ce que j'ai pu voir c'est que ça a quand même bien été jusqu'à un certain point. Là où ça a mal été c'est au niveau du respect de ses conditions puis évidemment c'était au niveau de la possession de pornographie, d'avoir un cellulaire, des choses comme ça. Il était clairement en rechute, fait que c'est cte bout-là qui fait que, s'il est pas capable de respecter ça c'est vraiment pas bon signe » (Agente de probation d’Alexandre).

Dans le cas de Charles, son agente de probation souligne que le détenu a brisé plusieurs de ses conditions (consommer de l’alcool, garder la paix…) et commis un nouveau délit à l’encontre de sa conjointe. Ces différents éléments combinés ont conduit à la révocation totale de sa probation et le contrevenant a été, de nouveau, incarcéré :

« Puis pour sa sentence actuelle, en fait à la base il avait eu une sentence d'emprisonnement avec sursis donc à domicile de 12 mois puis malheureusement y a eu des bris de conditions. Là y a eu des vérifications téléphoniques négatives qui ont été effectuées pis y a eu aussi une altercation avec sa conjointe qui a entrainé une intervention policière. Il a donc brisé ses conditions de garder la paix et de ne pas consommer d'alcool, parce qu'il était intoxiqué au moment où il a été arrêté. Donc l'ordonnance fait l'objet d'une révocation totale donc c'est pour cette raison qu'il est incarcéré présentement » (Agente de probation de Charles).

De la même manière, cette incapacité se retrouve dans les propos de quelques agents qui soulignent que certains détenus ne leur semblent pas capables de ne pas échouer. Par conséquent, lorsque le parcours carcéral du contrevenant est ponctué de nombreuses expériences d’échecs antérieurs, l’agent de probation considère qu’il est difficile de garantir que le détenu n’échouera pas une nouvelle fois dans le cadre de sa sentence actuelle. Ainsi, certains agents disent prendre en compte cette incapacité à ne pas échouer lorsqu’ils

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formulent leurs recommandations auprès de la personne contrevenante. Les propos de l’agente de probation de Benoît sont les plus représentatifs :

« Les motifs à ce moment-là pour lesquels je ne pouvais pas le recommander c'est pas que je croyais pas que son projet de sortie serait bénéfique. Par contre ça m'apparaissait peu réaliste dû à l'ampleur de sa problématique de consommation et au fait que tous les élargissements antérieurs se sont soldés par des échecs. Donc malheureusement j'avais pas été en mesure de le recommander positivement (…) » (Agente de probation de Benoît).

D’autres encore, comme l’agent de probation de Fabien souligne que cette incapacité s’observe par un manque de maturité chez le contrevenant, une incapacité à prendre conscience que son comportement est inadéquat. De la même manière, cette incapacité se reflètera dans les recommandations que l’agent fera au détenu :

« Je n’étais pas favorable à ce que Fabien bénéficie d’une libération conditionnelle. Je trouve que Fabien a encore du cheminement à faire sur le plan personnel. Je constate chez lui une absence de mise en action, de conscientisation ainsi qu’un manque de planification. Son comportement actuel dévoile peu d’ouverture pour d’éventuelles rencontres en contexte d’autorité. Dès lors considérant son manque d’implication, son comportement en détention ainsi que sa difficulté quant au respect des conditions légales je ne peux le recommander » (Agent de probation de Fabien).

Dans la même perspective, les rapports d’évaluation contenus au dossier sont très explicites quant aux éléments complémentaires en ce qui concerne les bris de condition ou les bris de probation des détenus ; bris qui ont, dans certains cas, conduit à une récidive du détenu et à son incarcération. Dans le cas d’Alexandre, la lecture du rapport d’évaluation de son agente de probation, présente plus précisément la nature des bris commis par le détenu :

« A sa sortie en septembre 2016, il séjourne à la maison de transition de X où il commet le bris de condition résultant de la sentence actuelle : possession d’un téléphone intelligent dans lequel se trouve la photo d’une femme peu vêtue, le téléchargement d’un film pornographique. Lors de la fouille de sa chambre sont également saisis 14 revues pornographiques, un lubrifiant et un faux vagin en silicone. Alexandre s’était aussi re-créer un compte facebook » (Dossier carcéral d’Alexandre).

De plus, des procès-verbaux issus des dossiers carcéraux respectifs de Charles et de Fabien indiquent les dates et apportent des détails factuels sur les bris commis par les deux contrevenants :

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« Le procès-verbal indique plusieurs bris (5 chefs d’accusation), des voies de fait (2 chefs), proférer des menaces (3 chefs), harcèlement criminel, incitations au crime, suspicion d’agression sexuelle (acquittement le 20/06/2017). Les évènements racontés par le détenu sont vagues puisque selon lui il était trop saoul » (Dossier carcéral de Charles).

« En date du 1er octobre 2014, il [Fabien] donne une fausse identité et se retrouve en possession de drogues dans le véhicule de son ami, il n’a alors pas de permis de conduire. 28 264 comprimés de méthamphétamine, 256,9 g de cannabis, 4 abats- jours et 5 transformateurs pour culture de cannabis ainsi qu’une balance électronique et des documents au nom du sujet sont saisis. Il fait l’objet d’un bris de condition d’un engagement soit être à l’adresse indiquée entre 23h et 7h à des fins de travail légitime et rémunéré. En date du 31 octobre 2014, il omet de se conformer à une ordonnance de probation et commet une entrave à un agent de la paix (2 chefs). En novembre 2015, alors qu’il est sous-engagement, le sujet devait se rapporter au poste de la X de X par téléphone de façon hebdomadaire mais il a omis de le faire. Enfin, le 19 avril 2016, il est intercepté en lien avec plusieurs mandats d’arrestation contre sa personne, le sujet fuit les policiers à pied (entrave au travail d’un agent). Il n’a donc pas gardé la paix et une bonne conduite alors qu’un engagement auquel il était soumis lui ordonnait de le faire » (Dossier carcéral de Fabien).