• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 L’homme et le système cobotique industriel

2.4 Les systèmes cobotiques

2.4.4 Les types de systèmes cobotiques

Suivant les normes des robots collaboratifs

Les classifications les plus souvent reprises par les industriels sont faites selon les contraintes de sécurité associées aux types de systèmes. Ainsi, la norme ISO 10218-2 (2011) décrit cinq types d’application (cf. Tableau 13) : la fenêtre de passage de la main, la fenêtre d’interface, l’espace de travail collaboratif, l’inspection et le robot guidé manuellement, qui correspondent au partage croissant de l’espace de travail, jusqu’au contact physique. Dans le guide du CETIM sur la robotique collaborative (Acoulon, 2013), le même type de classification des « îlots collaboratifs » est proposé, selon eux dans l’ordre croissant de l’interaction :

1. Ilot robotisé standard : pas d’espace de travail commun (cratérisation, …) excepté pour les phases de maintenance et nettoyage où le robot est à l’arrêt ;

2. Ilot robotisé flexible : l’opérateur et le robot ne collaborent pas mais travaillent dans le même atelier (réduction des arrêts lors de la présence d’opérateurs) ;

3. Ilot robotisé collaboratif : interaction ponctuelle ou quasi permanente selon les besoins ; 4. Robot mobile : peut se déplacer de manière autonome dans l’atelier en présence

d’opérateur(s), travaille sans intervention de l’opérateur ;

Fenêtre de passage de la main

Fenêtre

d’interface Espace de travail coopératif

Inspection Robot guidé manuellement

Tableau 13 : Les différents types de cellules de robotique collaborat ive selon la norme ISO 10218-2 (2011)

Les limites de ces classifications résident dans la confusion entre interaction et partage d’espace de travail. En effet, il est tout à fait possible d’interagir très finement avec un robot à distance pour collaborer, et de partager un espace de travail avec un robot en ayant très peu d’interactions avec lui, sans collaborer. Nous nous intéressons à la collaboration et à l’interaction plutôt qu’au partage d’espace de travail et à la sécurité des opérateurs, nous n’adopterons donc pas ces classifications. Du moyen d’assistance traditionnel au robot

D’autres classifications existent, positionnant la collaboration homme-robot entre la « robotique classique » et l’assistance passive (Figure 32 et Figure 33). Cette vision est intéressante puisqu’elle positionne la collaboration homme-robot entre le robot programmé hors ligne et le dispositif passif non programmable piloté par l’homme. Cependant, elle est réductrice pour traiter plus généralement de la cobotique (collaboration homme-robot) puisqu’elle ne traite que de l’assistance physique au geste, et pas du partage d’un objectif commun.

Assistance classique

Assitance intelligente Robots

Assistance

de levage Cobots actifs Cobots actifs

Amplification de force Guidage

Figure 33 : Classification des systèmes hybrides entre les robots industriels et les manipulateurs passifs (Surdilovic & Schreck, 2010)

L’INRS49 a une vision singulière de la cobotique. Il classe les dispositifs techniques selon leur application, médicale, personnelle ou industrielle (Atain Kouadio, Sghaier, & Picot, 2014). On retrouve les dispositifs techniques liés au système cobotique dans la catégorie « robot de service ». Pour les concevoir, nous préférons classer les systèmes cobotiques suivant leur type de fonctionnement que suivant leur domaine d’application.

Figure 34 : Classification des robots de l'INRS (Atain Kouadio, Sghaier, & Picot, 2014)

Schraft et al. (2005) donnent plusieurs « degrés de liberté » à l’interaction homme-robot : la distance spatiale, la mobilité du robot et le partage de trajectoire (simultanées ou non, similaires ou non) pour réaliser la tâche (cf. Figure 35). Ces trois axes permettent de dégager une typologie de systèmes correspondant mieux à notre vision basée sur la collaboration. Ils distinguent la programmation hors ligne (correspondant à la « robotique classique »), la surveillance de procédé, la téléopération, la collaboration sur des sous-tâches différentes, les cellules « coopératives » (au sein desquelles les trajectoires peuvent être partagées ou non) et les robots mobiles assistants.

Programmation hors ligne

Surveillance du

procédé Téléopéré

Assistant logistique Cellule collaborative

Robot mobile assistant

Figure 35 : Typologie de la collaboration homme-robot de Schraft et al. (2005)

En fonction de la modélisation du système cobotique

Librement inspirés des typologies précédentes et de celle présentée par Weistroffer (2015), nous proposons les catégories suivantes, puisqu’elles ont des propriétés différentes selon le schéma du 2.4.2 :

- Téléopération/supervision : collaboration en interaction (les interactions pouvant être fines) malgré une séparation physique entre homme et robot.

→ Le schéma de ce système cobotique présente une faible interaction entre opérateur et tâche (cf. 2.4.4.2).

- Colocalisation collaborative (fixe ou mobile) sans contact physique entre homme et robot : le robot tient une pièce pour l’opérateur, l’opérateur dispose un colis sur le robot qui va le livrer, etc. Les cas sans collaboration ne nous intéressent pas ici.

→ Le schéma de ce système cobotique présente une faible interaction entre opérateur et robot (cf. 2.4.4.3).

- Comanipulation : manipulation conjointe d’une pièce ou d’un outil par l’homme et le robot. Ce dernier peut apporter une valeur ajoutée à la tâche (guides virtuels, amélioration de la précision, etc.).

→ Le schéma de ce système cobotique ne présente pas de différence par rapport au schéma générique (cf. 2.4.4.4).

- Exomanipulation : robots revêtus par l’homme, désignés exosquelettes actifs ou encore orthèses robotiques.

→ Le schéma de ce système cobotique présente une faible interaction entre robot et tâche (cf. 2.4.4.5).

Bien que ces types soient clairement distincts, il est tout à fait possible pour la réalisation d’une tâche que le système cobotique change de forme, passant par exemple de la colocalisation collaborative, ou à de la comanipulation.

2.4.4.2 Téléopération

La téléopération est « un ensemble de techniques qui permettent à l’homme de transposer ses capacités d’action (observation, manipulation) en temps réel à distance grâce à des retours sensoriels50 » (Garrec, et al., 2010).

Elle peut être effectuée depuis un poste de commande éloigné (salle de commande, par exemple) mais aussi sur un poste déporté dans l’atelier (pupitre proche de l’opération, par exemple). Une donnée importante de la téléopération est la représentation qu’aura l’opérateur depuis son poste de pilotage de la tâche effectuée par le robot dans l’atelier. Pour se représenter la situation, il doit disposer des données techniques et sensorielles, et des moyens d’action nécessaires au bon déroulement de la tâche. Le retour visuel peut être direct, à travers une vitre, un hublot, ou retransmis par l’intermédiaire de caméras. Il peut être complété par des moyens de réalité virtuelle ou augmentée (Garrec, Riwan, David, & Measson, 2010; Milgram, Rastogi, & Grodski, 1995). La téléopération a été explorée notamment pour le nucléaire et la médecine (Pennel, Ferrel, Coello, & Orliaguet, 2002; Barbé, 2008; Piolain, et al., 2010).

Dans l’industrie, la téléopération est principalement utilisée pour les postes pour lesquels l’opérateur est dans l’incapacité d’intervenir (milieux à risque, trop petite ou trop grande échelle), mais pour lesquels son expertise (raisonnements et/ou geste professionnel) est nécessaire. Ce type de système est utilisé en chirurgie (pour changer d’échelle, filtrer les tremblements), dans le spatial (pour éviter d’effectuer une sortie en combinaison spatiale), dans le militaire (principalement pour le pilotage de drones aériens, terrestres et marins) ou dans le civil (pour des opérations de Search and Rescue par exemple).

La téléopération dispose de deux modes de fonctionnement principaux. Le premier est la supervision51 (Sheridan, 1992), pour lequel un (ou plusieurs) opérateur programme de façon intermittente et reçoit de l’information en permanence d’un robot qui est étroitement relié au procédé ou à l’environnement de la tâche, par l’intermédiaire d’effecteurs et de capteurs (Figure 36 et Figure 37). Sheridan (1992) décompose la supervision en cinq étapes : (1) la planification de la tâche et de la manière de la réaliser, (2) la programmation ou l’apprentissage du système robotique, (3) la surveillance des actions automatiques pour détecter et localiser les dysfonctionnements, détecter des conflits entre action et objectifs et anticiper, (4) l’intervention pour spécifier un nouvel objectif ou prendre la main, et (5) l’apprentissage par expérience.

Opérateur humain (superviseur) Contrôles Affichages Actionneurs Capteurs Ordinateur Tâche

Figure 36 : Schéma du principe du supervisory control de Sheridan (1992)

Figure 37 : Schéma de concept du contrôle supervisé d’un télérobot (Ferrell & Sheridan, 1967)

Le deuxième mode de fonctionnement de la téléopération est la télémanipulation, souvent schématisée comme une relation de maître/esclave entre l’homme et le robot, à l’aide de moyens d’interaction haptiques.

Dans le cas où la téléopération nécessite la conception d’un poste de commande, il faut veiller à prendre en compte pour l’implantation à la fois les bâtiments et espaces de travail, les machines et outils, les systèmes d’information, l’organisation du travail et la formation (Thibault, 2000).

2.4.4.3 Colocalisation collaborative

Il est ici question des applications pour lesquelles l’homme et le robot partagent le même espace de travail en collaborant, dont il existe de nombreux exemples (Lasota, Rossano, & Shah, 2014; Tan, Duan, Zhang, Kato, & Tamio, 2009; Koskinen, Heikkilä, & Pulkkinen, 2009; Effidence, 2017). Les principaux cas de figure de la colocalisation sont énumérés ci-dessous :

- le robot tient une pièce sur laquelle l’opérateur a différentes actions à accomplir (personnalisation) ;

- le robot réalise une opération sur une pièce positionnée par l’opérateur ;

- le robot suit/devance l’opérateur, comme une boîte à outils mobile, ou pour porter des pièces (logistique par exemple) ;

- le robot approvisionne/décharge le poste de l’homme ; - le robot permet la téléprésence d’un opérateur expert ; - le robot aide à l’inspection dans un environnement partagé.

Dans ces cas de figure, les interactions entre homme et robot sont faibles, bien qu’ils coopèrent. L’environnement physique étant partagé, il faut cependant veiller à répondre aux fortes contraintes de sécurité qui en découlent52 : limiter la vitesse, les efforts, prévoir des arrêts de sécurité, etc.

2.4.4.4 Comanipulation

Le terme comanipulation est employé pour désigner la manipulation conjointe d’une pièce ou d’un outil par l’homme et le robot. L’opérateur peut directement se saisir du robot, utiliser des poignées ou bien son effecteur pour pouvoir le piloter. Dans certains cas, l’opérateur peut aussi manipuler une pièce portée par le robot. Le système robotique peut aussi, en fonction du besoin, disposer d’autres moyens de contrôle comme des boutons de commande ou des écrans.

Un poste en comanipulation nécessite une analyse des risques poussée pour éviter que l’opérateur ne subisse des chocs ou des compressions. Le pilotage doit être conçu pour être adapté à l’activité de l’opérateur : contrôle visuel, manipulation simple et intuitive, position de confort, etc. Le plus souvent, la comanipulation sert à augmenter les efforts fournis par l’opérateur, à compenser le poids, les inerties ou à guider avec des chemins et surfaces virtuelles (Maurice, 2015; Lamy, 2011).

2.4.4.5 Exomanipulation

L’exomanipulation consiste pour l’opérateur à revêtir le robot, souvent qualifié d’exosquelette (actif) ou de robot orthétique. Nous nous intéressons ici uniquement aux exosquelettes actifs, puisque les exosquelettes passifs, n’étant pas programmables, sont plutôt classés dans les moyens d’assistance que dans les robots. Généralement, ces robots assistent les membres inférieurs, les membres supérieurs ou les deux à la fois. Ils sont régulièrement utilisés pour diminuer les efforts fournis par les opérateurs lors de manutentions. Ils peuvent servir pour assister l’opérateur lors d’un maintien statique. Ils ont de plus vocation, grâce à leurs capacités propres concernant la réalisation de la tâche, à guider l’opérateur sur les bonnes trajectoires par exemple. Ils disposent pour cela de fonctions d’intelligence artificielle (ou augmentée) leur permettant d’anticiper à court terme les actions de l’opérateur.

Bien qu’il ait fait l’objet de développements depuis des décennies53,54 (cf. Figure 38), ce type de système cobotique est celui qui est à ce jour le moins mature et le plus complexe à mettre en œuvre. La première raison est l’absence de connaissance sur les potentiels effets de leur utilisation à long terme, qui peuvent être problématiques notamment du point de vue du report de charge sur le corps de l’opérateur (Atain Kouadio, Sghaier, & Picot, 2014). Il y a en plus des limites techniques (autonomie de la batterie, réduction du poids des éléments, etc.) des limites d’intégration homme-robot complexes à dépasser (Sylla, Bonnet, Venture, Armande, & Fraisse, 2014; Morinière, Verney, Abroug, Garrec, & Perrot, 2015), comme par exemple l’attache de l’exosquelette sur le corps, les articulations qu’il faut adapter à celles de l’homme, le temps mis pour le revêtir ou encore le calibrage de l’assistance.

N’étant donc pas mature pour l’industrie, les systèmes d’exomanipulation ne feront pas l’objet de développements plus détaillés dans cette thèse.

Figure 38 : La flexibilité de l’exosquelette démontrée par le technicien Ronald Patterson (Cloud, 1965)

53 Comme l’illustrent les articles de Tinsley (1961) et de Mizen (1968).

54 Nous avons assisté à une démonstration impressionnante d’un exosquelette actif pour les membres inférieurs, sur le site de Safran Electronic and Defense en 2016 qui nous a prouvé les avancées dans ce domaine.

Chapitre 3 Méthodologie de conception